Jurisprudences
Testament olographe rédigé en langue étrangère : condition de validité
Cass. civ. 1ère, 9 juin 2021, n°19-21.770
Anticipations de successions, Liquidation et partage de successions
Enseignement de l'arrêt
Le testament olographe doit être rédigé dans une langue que le testateur comprend.
Rappel du cadre légal du testament olographe
Si le testament olographe n’est pas soumis au formalisme rigoureux du testament authentique il n’en est pas moins encadré par des modalités d’établissement strictes : l’article 970 du code civil dispose que « Le testament olographe ne sera point valable s’il n’est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur : il n’est assujetti à aucune autre forme. »
Sont donc prescrits les textes dactylographiés, soumis à la dictée d’un tiers, ou encore les testaments établis conjointement par deux personnes, même mariées.
Le testament olographe a bien souvent la faveur des testateurs et des familles en raison de cette simplicité et de son absence de coût. Le testateur peut ainsi faire autant de testaments qu’il le souhaite, changer d’avis, modifier les précédents… Les possibilités laissées par le testament olographe sont multiples.
Cette facilité d’accès a en revanche ses défauts : il est moins fiable que le testament authentique pour lequel l’intervention de deux notaires ou d’un notaire et deux témoins est requise. En outre et surtout, si le testateur n’est pas conseillé du Notaire ou d’un avocat, il peut prévoir dans son testament des dispositions qui seront inapplicables voire qui auront un effet contraire à celui désiré.
L’espèce
Dans un arrêt du 09 juin 2021 la Cour de cassation a eu à préciser les modalités d’application de l’article 970 du code civil relatives au formalisme du testament olographe.
En l’espèce, un homme allemand est installé en France. Peu de temps après son installation et alors qu’il ne comprend pas le français, il rédige un testament olographe en instituant légataire de la quotité disponible sa sœur en concurrence de ses trois enfants.
D’un point de vue du strict formalisme de l’article 970 du code civil le testament était parfaitement conforme (date, signature, ratures etc…)… mais il est rédigé en français. Sentant la difficulté, cet allemand joint à son testament un document intitulé « traduction » reprenant dans sa langue maternelle ses « volontés » testamentaires et contenait des explications sur les dispositions prises.
Assignés en comptes liquidation partage par leur tante, les héritiers réservataires réclament la nullité du testament pour n’avoir pas été écrit dans une langue que maitrisait leur auteur.
Les juges du fond et la Cour d’appel n’ont pas fait droit à leurs demandes, considérant que les deux écrits (le testament et la note explicative) n’étaient pas contradictoires et que le testament était de ce fait valable.
Apport de l’arrêt de la Cour de cassation
La cour de cassation va censurer les juges du fond au motif que « En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que [le testateur ] avait rédigé le testament dans une langue qu’il ne comprenait pas, de sorte que l’acte ne pouvait être considéré comme l’expression de sa volonté, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »
La Cour de cassation rappelle dans cet arrêt que la forme sert le fond, et que même si l’article 970 du code civil ne l’exige pas de prime abord, il est indispensable que le testament litigieux soit révélateur de la pensée, des souhaits de son auteur. L’usage d’une langue étrangère que le testateur ne comprend pas entache nécessairement l’acte de nullité.
Dès lors, afin de s’assurer de la pérennité de ses volontés il est conseillé au testateur étranger de rédiger directement dans sa langue maternelle ses dernières volontés lorsqu’un testament olographe est rédigé, ou s’il souhaite que celles-ci soient rédigées en langue française, de faire appel à un notaire pour un testament authentique, lequel aurait rédigé le testament en français avec l’aide d’un interprète en langue française.
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