Guide Pratique
Successions
Partie 3 - Notaire : choix, changements et problématiques
Difficultés rencontrées avec le notaire chargé de la succession
Dans le cadre d’une succession, des difficultés peuvent survenir avec le notaire en charge de la succession.
Il est possible dans ce cas de changer de notaire en cours de succession, sans pour autant empêcher la responsabilité du premier notaire d’être engagée à plusieurs niveaux.
Quelles possibilités de changement du notaire en cours de succession ?
Est-il possible de changer de notaire en cours de succession ?
En pratique, un seul notaire suffit pour régler une succession.
Néanmoins, au cours d’une succession, il est tout à fait possible d’envisager de changer de notaire.
Le changement du notaire est théoriquement libre (Article 3.1 du Règlement National du Notariat) mais comme pour le choix initial, en cas de désaccord entre les héritiers, le décisionnaire est (ordre successif et non alternatif) :
- (1) le conjoint survivant ;
- (2) les héritiers réservataires ;
- (3) les légataires universels ;
- (4) les héritiers non réservataires ;
- (5) à égalité de rang entre les trois précédents, le notaire représentant le plus fort intérêt.
« Art. 3.1 : Libre choix du notaire
Toute personne physique ou morale de droit privé ou de droit public a le libre choix de son notaire : la clientèle d’un notaire est constituée par les personnes qui, volontairement, requièrent ses conseils, ses avis, ses services ou lui confient l’établissement de leurs conventions ».
Il sera tout de même possible pour les héritiers désireux de changer de notaire de mandater le notaire ou l’avocat de leur choix pour les accompagner dans le cadre de la succession en tant que conseil.
Quels seront les rôles respectifs des notaires en cas de pluralité de notaires ?
La répartition des tâches entre les notaires est encadrée et réglementée.
Le « notaire conseil », comme l’avocat, auront la charge de transmettre les demandes de ses clients au notaire en charge de la succession. Il deviendra l’intermédiaire entre les héritiers et le notaire en charge de la succession.
Les héritiers devront dès lors solliciter leur notaire ou leur avocat pour obtenir des informations ou des documents relatifs à la succession.
Ils devront également régler les honoraires de leur notaire ou leur avocat intervenant en qualité de conseil ainsi que les frais du notaire en charge de la succession.
Seul le notaire chargé de la succession sera habilité à rédiger les actes.
Pour autant, le notaire conseil et l’avocat accompagnent ses clients et pourront intervenir pour formuler des observations, remarques ou demandes sur les actes rédigés par son confrère.
Comment engager la responsabilité du notaire chargé de la succession ?
Le statut du Notaire et les obligations qui en découlent
Obligations générales du notaire
Le statut du notaire est régi par l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat qui définit les missions qu’il exécute en son premier article.
« Les notaires sont des officiers publics, établis pour recevoir tous les actes et contrats auxquels les parties doivent ou veulent faire donner le caractère d’authenticité attaché aux actes de l’autorité publique, et pour en assurer la date, en conserver le dépôt, en délivrer des grosses et expéditions ».
La pratique des notaires est fondée sur l’éthique notariale qui entraîne la confiance que leur accordent leurs clients.
L’éthique notariale regroupe un ensemble de valeurs fondamentales composées de devoirs et d’obligations définis dans le Règlement National du Notariat.
Pour l’essentiel, relativement au règlement des successions, le Notaire, en tant que professionnel du droit et officier public, est soumis à une double obligation :
- authentification et de vérification ;
- conseil et d’impartialité.
Le notaire « normalement diligent », doit en conséquence de ces obligations :
- vérifier l’identité, l’état et le domicile des parties ainsi que leur capacité à agir ;
- procéder aux vérifications et formalités nécessaires préalablement à l’élaboration d’un acte juridique ;
- rédiger celui-ci dans la forme légale et veiller à ce qu’il comporte toutes les mentions requises par les dispositions légales en vigueur ;
- s’assurer le cas échéant de la sincérité au moins apparente des signatures figurant sur une procuration sous seing privé ;
- accomplir les formalités postérieures nécessaires à la validité et l’efficacité de l’acte qu’il rédige.
Obligation particulières du notaire : devoir de conseil et impartialité
Le devoir de conseil du notaire consiste à s’assurer que l’acte reçu correspond bien aux objectifs et aux besoins des parties signataires et à informer celles-ci sur la portée et les conséquences de l’opération envisagée.
En savoir plus sur le rôle de conseil du notaireComme conséquence du devoir de conseil, le notaire doit être impartial au regard de l’ensemble des parties prenantes à un acte. Il ne peut accepter un acte qui néglige les intérêts d’une partie pour favoriser ceux d’une autre partie.
La jurisprudence reconnaît le caractère impératif et absolu de ce devoir de conseil qui s’impose au notaire même si son client est lui-même un professionnel du droit (avocat ou notaire) ou est assisté par un autre professionnel du droit.
Depuis un arrêt de la Cour de cassation du 25 février 1997 venant opérer un renversement de la charge de la preuve, il n’appartient plus au client de prouver la faute du notaire, mais au notaire de rapporter la preuve de l’accomplissement de ses devoirs professionnels vis-à-vis de son client.
La jurisprudence a notamment reconnu le manquement à son devoir de conseil lorsque le notaire a omis d’informer son client sur la nécessité de transmettre aux services fiscaux une déclaration de succession provisoire accompagnée d’un paiement partiel en cas d’impossibilité de procéder à une déclaration normale dans le délai requis (Cass. 1ère civ. 26 novembre 2002 : Bull. civ. I n° 286 ; CA Paris 7 septembre 1999 : Gaz. Pal. 2000 I somm. 316).
La Responsabilité civile du Notaire chargé de la succession
Critères de mise en œuvre de la responsabilité civile du notaire chargé de la succession
Le notaire peut voir sa responsabilité engagée en cas de négligence dans la rédaction de ses actes et dans les contrôles qu’il doit effectuer.
La procédure afin d’engager la responsabilité du notaire doit être engagée devant le tribunal judiciaire.
Conformément à l’article 1240 du Code civil, la mise en œuvre de sa responsabilité civile impose la preuve de l’existence de trois éléments cumulatifs :
- une faute,
- un préjudice,
- et un lien de causalité.
« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
La notion de faute du notaire chargé de la succession
Notions
Dans le cadre de l’exercice de ses missions, le notaire doit conseiller son client, veiller à l’efficacité des actes qu’il rédige, et faire preuve de loyauté et de prudence.
La faute du notaire est appréciée « in abstracto » (en considération du comportement qu’un notaire diligent aurait eu dans des circonstances identiques) par le juge, en référence au « bon notaire », « un officier ministériel normalement diligent » (Cass. 1ère civ. 4 mars 2003 n°99-18.259 : Bull. civ. I n°62). Il doit par conséquent se conduire en « notaire avisé et en juriste compétent et méfiant » (CA Lyon, 1ère Chambre, 31 mai 2001, juris Data, n°01-144758). Tout comportement professionnel qui témoigne de l’absence de ces qualités pourra donc être considéré comme fautif.
La loi ne précise toutefois pas ces notions et laisse à la jurisprudence le soin d’en définir le cadre.
Voici quelques exemples de décisions judiciaires ayant accueilli la responsabilité du notaire.
Exemples de responsabilité civile du notaire chargé de la succession
Considérations relatives au client du notaire
Le notaire en qualité de rédacteur d’acte doit expliquer à son client l’intégralité des conséquences qui naîtront dudit acte et ce, quelles que soient les compétences de ce dernier (Cass. Civ. 1ère 28 novembre 1995, n°93-15.659) « Le notaire n’est pas déchargé de son devoir de conseil par les compétences de son client »).
Par exemple, a été reconnu comme fautif le notaire qui omet de conseiller un client notaire sur les conséquences fiscales d’un acte qu’il établit (Cass. 1ère civ. 3 avril 2007 n°06-12.831).
Conséquence de ce devoir de conseil, le notaire est aussi tenu à la plus grande impartialité vis-à-vis de la partie qui l’a diligenté. Il ne saurait accepter un acte qui néglige « les intérêts d’un client occasionnel pour favoriser des clients habituels » (Cass. Civ 1ère 14 février 1950 : Bull. Civ. I n°44).
Considérations relatives à la complexité de la succession
La complexité de la succession ne suffit pas à justifier le dépôt tardif d’une déclaration de succession, si le notaire n’établit pas avoir donné à ses clients les indications qui s’imposent (CA Paris, 1ère ch. 18 déc. 1989), ou s’il ne justifie pas avoir fait les démarches nécessaires (CA Versailles, 9 juin 1987). Peu importe que la consistance de la succession reste mal connue, et ceci d’autant plus que le dépôt de la déclaration de succession n’équivaut pas à une acceptation tacite de la succession (CA Paris, 1ère ch., 2 nov. 1982).
En savoir plus sur les sanctions encourues en cas de dépôt tardif d'une déclaration de successionLe notaire doit en tout état de cause conseiller à ses clients de verser des acomptes à l’Administration fiscale afin d’éviter des pénalités.
Considérations relatives au dépôt de la déclaration de la succession
Le notaire est tenu à un devoir d’information et de conseil, de soins et de diligences, lui imposant de rappeler à ses clients, par lettre, les pièces nécessaires aux formalités de déclaration de succession (Cass. 1ère ch. 30 octobre 2007). En l’espèce, le notaire a été condamné à payer à son client la somme représentant les majorations de retard dans le dépôt de succession, à l’exclusion des intérêts de retard.
Dès lors que le notaire n’a pas rappelé au client les pièces nécessaires à la déclaration de succession, il est sanctionné par la prise en charge des pénalités de retard (Ccass. 22 avril 1997).
En savoir sur sur le devoir d'information et de conseil du notaireConsidérations relatives à la réalisation d’une formalité
Le notaire est chargé d’éclairer ses clients sur les formalités à accomplir ainsi que sur les risques de l’acte envisagé. Son obligation de conseil est relativement étendue.
Lorsque le notaire n’a pas l’obligation de réaliser une formalité, il peut être tenu d’inviter le client à y procéder. Ainsi, le notaire doit informer le client de la nécessité de transmettre aux services fiscaux une déclaration de succession provisoire accompagnée d’un paiement partiel en cas d’impossibilité de procéder à une déclaration de succession dans les temps (Cass. 1e civ. 26 novembre 2002 : Bull. civ. I n°286 ; CA Paris 7 septembre 1999 : Gaz. Pal. 2000 I somm. 316).
Sa responsabilité peut être engagée sur le fondement d’un manquement à son devoir de conseil si le notaire omet d’informer ses clients sur les lois fiscales obligeant à déclarer les successions dans le délai légal et à payer les droits de mutation pour éviter les pénalités de retard (Cass. 1ère civ. 6 mars 1984, CA Paris 10 octobre 2001).
En savoir plus sur la responsabilité du notaireMalgré ces précisions sémantiques, ces critères restent très subjectifs puisqu’ils peuvent s’interpréter très différemment en fonction du contexte, voire de l’époque.
C’est à l’avocat désigné par les héritiers de déterminer avec ses clients l’existence d’une faute, sa gravité puis le cas échéant d’accompagner la mise en cause de la responsabilité du notaire chargé de la succession.
Modalités de saisine et de compétence
La première étape en cas de différend avec un notaire est de contacter son office pour tenter de résoudre amiablement la difficulté rencontrée.
S’il reconnaît avoir commis une erreur, il peut alors ouvrir un dossier d’assurance responsabilité civile en vue de l’examen au fond du dossier par l’assureur.
A défaut de réponse de la part du notaire, il est recommandé de saisir par courrier le Président de la Chambre des notaires dont dépend le notaire chargé de la succession. Celui-ci obtiendra toutes les informations nécessaires sur le dossier litigieux afin de s’assurer de la manière dont il a été traité.
A défaut de réponse satisfaisante, le Procureur de la République du Tribunal judiciaire ou de proximité dans le ressort duquel le notaire a son étude peut être saisi.
Précision : depuis le 1er janvier 2020, les tribunaux d’instance et de grande instance ont fusionné pour devenir le Tribunal judiciaire. Les tribunaux d’instance qui étaient situés dans des communes différentes des tribunaux de grande instance sont devenus des chambres détachées du tribunal judiciaire appelées « tribunaux de proximité ».
Il est ainsi possible de saisir le Tribunal judiciaire par le ministère d’un avocat justifiant de toutes les démarches entreprises restées sans retour satisfaisant en exposant de façon très précise :
- la faute du notaire ;
- l’évaluation du préjudice ;
- le lien de causalité entre la faute commise par le notaire en tant qu’officier public et le préjudice.
Rôle de l’assurance du notaire
Afin de pouvoir faire face à sa responsabilité, la profession est dotée d’un double mécanisme de garantie : une assurance responsabilité civile professionnelle et une garantie collective.
En application de l’article 13 du décret du 20 mai 1955, tous les notaires sont tenus d’assurer leur responsabilité civile professionnelle.
« Chaque notaire est tenu d’assurer sa responsabilité professionnelle dans les conditions fixées par un arrêté conjoint du ministre des finances et du garde des sceaux, ministre de la justice. Les caisses régionales de garantie peuvent également s’assurer contre les risques résultant pour elles de l’application du présent décret.
Toutefois, en ce qui concerne exclusivement les rapports des notaires et de la caisse régionale de garantie avec leurs assureurs, les indemnités versées aux créanciers des notaires restent à la charge du notaire pour un dixième au moins et, le cas échéant, à la charge de la caisse, pour un dixième au moins, le tout dans la limite de plafonds fixés par l’arrêté visé au premier alinéa ci-dessus ».
Cette obligation ne présente pas, en elle-même, d’originalité, dans la mesure où elle frappe d’autres professionnels aux activités plus diverses telles que celles des avocats, médecins ou huissiers.
Cette assurance prend en charge les dommages causés aux tiers du fait d’erreurs, de fautes ou de négligences de la part du notaire ou de son personnel. Elle intervient notamment en cas de litige et de préjudice.
En parallèle de cette assurance traditionnelle, le notariat français a organisé une garantie collective couvrant les conséquences pécuniaires des fautes et négligences intentionnelles, qui ne peuvent pas être prises en charge par les techniques classiques d’assurance.
Cette garantie collective présente deux dispositifs :
- des Caisses régionales de garantie, dont les ressources financières sont fournies par des cotisations supportées par les notaires dépendant de la région considérée ;
- une caisse centrale de garantie, dont les ressources financières sont fournies par des cotisations supportées par l’ensemble des notaires de France.
Dès lors, en cas de dommage causé à un client par un notaire dans l’exercice de ses fonctions professionnelles, la couverture financière de ce dommage se trouve supportée :
- par la compagnie assurant le risque de responsabilité civile professionnelle et s’il y a lieu, par la Caisse régionale de garantie ;
- s’il y a lieu, par la Caisse nationale de garantie ;
- en dernier ressort et si tous les recours n’ont pas suffi, par l’ensemble des notaires de France, entre eux.
La responsabilité disciplinaire du Notaire chargé de la succession
Les notaires, en plus du respect de la loi et des règles professionnelles, doivent faire preuve de probité, délicatesse et honneur tant dans le cadre de leur activité qu’à l’occasion de leur vie extraprofessionnelle.
Selon l’article 3 de l’Ordonnance n°45-1418 du 28 juin 1945, un manquement à leurs obligations est susceptible d’entraîner une procédure disciplinaire à leur encontre.
« Les peines disciplinaires sont :
1° Le rappel à l’ordre ;
2° La censure simple ;
3° La censure devant la chambre assemblée ;
4° La défense de récidiver ;
5° L’interdiction temporaire ;
6° La destitution. »
Cette procédure disciplinaire peut être menée soit par la chambre de discipline de la Chambre des notaires soit par le Tribunal Judiciaire.
Au terme de cette procédure, plusieurs sanctions peuvent être prononcées soit par la chambre de discipline soit par le Tribunal Judiciaire :
- un rappel à l’ordre,
- une censure simple (blâme),
- une censure devant la chambre assemblée (procès-verbal est dressé),
- une défense de récidiver (avertissement),
- une interdiction temporaire,
- voire une destitution (interdiction d’exercer).
La responsabilité pénale du notaire chargé de la succession
Le notaire doit agir avec probité, indépendance, impartialité, honneur, délicatesse, discrétion et confraternité, autant de devoirs généraux pénalement sanctionnés en cas de manquement.
La responsabilité pénale professionnelle du notaire peut être reliée aux missions concrètes qui sont les siennes :
- soit le notaire commet une faute de fonction témoignant d’un dépassement de pouvoirs,
- soit usant de sa qualité professionnelle pour commettre une infraction, il réalise un détournement de pouvoirs révélateurs d’un abus de fonction.
A l’égard de sa responsabilité pénale seules doivent être envisagées les infractions commises par le notaire dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, non celles réalisées dans le cadre de sa vie extraprofessionnelle.
Cette « responsabilité pénale de droit commun du notaire » ne présente aucune spécificité puisqu’il est alors sanctionné comme un citoyen ordinaire sans que sa fonction en puisse interférer.
En revanche, la « responsabilité pénale professionnelle du notaire » présente des particularités du point de vue de la répression de certaines infractions qui se trouvent aggravées par la qualité de notaire agissant es-qualitès.
Ainsi le notaire est pris en considération en tant que « personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public.
La responsabilité pénale du notaire peut être engagée en cas de :
- faute de fonction ;
- faute d’authentification ;
- faute de confiance ;
Mais aussi dans les hypothèses suivantes :
- abus de fonction ;
- abus de fonction dans un intérêt personnel ;
- abus de fonction dans l’intérêt d’autrui.
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