Jurisprudences
Autorité parentale - Absence d’impact sur la coparentalité du mariage des époux postérieurement à la reconnaissance d’un enfant
Cass. civ. 1ère, 23 sept. 2020, avis n°15005
Enfants – Filiation et adoption
Enseignement de l'arrêt
- Enseignement n°1 de l’arrêt : le mariage des parents – après la naissance de l’enfant – n’emporte pas de plein de droit un exercice commun de l’autorité parentale lorsque les conditions de la reconnaissance ne l’a pas instauré de plein droit. Les parents qui souhaitent exercer l’autorité parentale conjointement doivent procéder à une déclaration conjointe (auprès du greffe) ou saisir le JAF.
- Enseignement n°2 de l’arrêt : la compétence du Directeur des services du greffe judiciaire à recevoir une déclaration conjointe des parents ne fait pas obstacle à celle du Juge aux affaires familiales pour statuer sur une demande d’exercice en commun de l’autorité parentale, même lorsque celle-ci est formée conjointement par les parents. Les deux modes d’actions sont donc possibles.
Rappel du contexte légal
L’article 371-1 du Code Civil dispose que « L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant.
Elle appartient aux parents jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne.
L’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques.
Les parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité. »
L’article 372 du Code Civil prévoit que « Les père et mère exercent en commun l’autorité parentale.
Toutefois, lorsque la filiation est établie à l’égard de l’un d’entre eux plus d’un an après la naissance d’un enfant dont la filiation est déjà établie à l’égard de l’autre, celui-ci reste seul investi de l’exercice de l’autorité parentale. Il en est de même lorsque la filiation est judiciairement déclarée à l’égard du second parent de l’enfant.
L’autorité parentale pourra néanmoins être exercée en commun en cas de déclaration conjointe des père et mère adressée au directeur des services de greffe judiciaires du tribunal judiciaire ou sur décision du juge aux affaires familiales ».
Apport de l’arrêt
Questions posées à la Cour de cassation
Un couple accueille un enfant, mais le père ne le reconnait pas dans la première année de sa vie, si bien que la mère exerce seule l’autorité parentale en application de l’article 372 du code civil.
Quelques temps après, les parents décident de se marier et souhaitent exercer en commun l’autorité parentale. Alors qu’ils semblent pourtant très bien s’entendre et qu’un rétablissement déjudiciarisé de l’exercice commun de l’autorité parentale est admis par l’article 372 du code civil via une déclaration commune au greffe, les deux parents saisissent le Juge aux affaires familiales du Tribunal judiciaire de Strasbourg.
Le Tribunal décide d’interroger – pour avis – la Cour de cassation sur deux questions :
- le mariage des parents d’un enfant qui n’a été reconnu par l’un d’entre eux qu’après l’expiration du délai d’un an de l’article 372 du code civil confère-t-il de plein droit l’exercice de l’autorité parentale – en commun – avec l’autre parent qui en dispose déjà ?
- dans la négative, le Juge aux affaires familiales dispose-t-il du pouvoir – saisi par les deux parents et en cas d’absence de litige entre eux – de se prononcer sur l’exercice en commun de l’autorité parentale alors que leur volonté commune peut être recueillie – en vue du même effet – par déclaration conjointe adressée au directeur des services du greffe du tribunal judiciaire ?
Réponses de la Cour de cassation
Effet du mariage des parents sur l’autorité parentale dont l’exercice échappe au père ?
La Cour de cassation vient tout d’abord rappeler que l’exercice de l’autorité parentale appartient aux parents indépendamment de la nature de leur relation conjugale : le mariage, le PACS ou le concubinage n’ont pas d’impact sur l’exercice de l’autorité parentale vis-à-vis des enfants du couple.
Plus aucune disposition ne prévoit en effet que le mariage puisse avoir un effet particulier sur la dévolution de l’exercice de l’autorité parentale.
Elle confirme alors que le mariage des parents – après la naissance de l’enfant – n’emporte pas de plein de droit un exercice commun de l’autorité parentale. Les parents qui souhaitent exercer l’autorité parentale conjointement doivent procéder à une déclaration conjointe (auprès du greffe) ou saisir le JAF.
La Cour de cassation admet que cela oblige les parents à procéder à une démarche supplémentaire mais la considère légitime afin de s’assurer que celui qui a reconnu l’enfant en premier soit informé de la reconnaissance tardive et puisse éventuellement réagir afin de préserver les intérêts de l’enfant.
Le mariage demeure donc un engagement conjugal entre les époux.
Certains auteurs se sont toutefois interrogés sur l’opportunité de modifier l’effet du mariage sur l’autorité parentale puisque l’article 213 du Code civil dispose que les époux assurent « ensemble la direction morale et matérielle de la famille » et qu’ils s’engagent à pourvoir « à l’éducation des enfants ». Cela semble toutefois une perspective improbable à court terme.
L’existence de deux voies procédurales parallèles
La Cour de cassation précise que la compétence du Directeur des services du greffe judiciaire à recevoir une déclaration conjointe des parents ne fait pas obstacle à celle du Juge aux affaires familiales pour statuer sur une demande d’exercice en commun de l’autorité parentale, même lorsque celle-ci est formée conjointement par les parents.
Les parents disposent donc d’une option : déclaration au greffe ou saisine du JAF.
Cet avis va quelque peu à contre-courant de la volonté toujours plus grande de la pacification des relations familiales et de la déjudiciarisation mais elle est conforme à la rigueur du texte qui n’a pas abrogé la possibilité de saisir le juge aux affaires familiales.
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