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Droit de la famille

Protection des majeurs – Rémunération du tuteur : compétence du juge des contentieux de la protection après le décès du majeur

Cass. civ 1ère, 15 janvier 2020

Protection des majeurs (tutelle – curatelle – sauvegarde)

Enseignement de l'arrêt

Le juge des contentieux de la protection est compétent pour fixer l’indemnité du mandataire judiciaire à la protection des majeurs, même après le décès de ce dernier.

Lorsqu’un majeur n’est plus en mesure de pourvoir seul à ses intérêts, le juge des contentieux de la protection (anciennement dénommé juge des tutelles) peut notamment le placer sous sauvegarde de justice, curatelle ou sous tutelle.

Il désigne alors en priorité, en qualité de curateur ou de tuteur, un membre de la famille ou un proche du majeur. A défaut, le juge désigne un mandataire judiciaire à la protection des majeurs (MJPM). 

Selon l’article 419 du code civil, ce dernier perçoit une rémunération pour l’exercice de sa mission, qui peut être complétée par une indemnité lorsque le professionnel accompli un acte « impliquant des diligences particulièrement longues ou complexes ».

En cas de décès du majeur protégé antérieurement à l’octroi de cette indemnité, le juge des contentieux de la protection reste-t-il compétent ?

Dans un arrêt du 15 janvier 2020, la Cour de cassation clôt le débat en censurant la décision de la Cour d’appel de Paris du 3 juillet 2018 rejetant la demande du MJPM au prétexte que, le majeur étant décédé, le juge des contentieux de la protection n’était plus compétent. 

La compétence du juge des contentieux de la protection subsiste après le décès du majeur protégé

La question de la compétence du juge des contentieux de la protection après le décès du majeur protégé n’est pas nouvelle. 

En 2012, elle avait fait l’objet d’une question d’un député au Ministre de la Justice. Se fondant sur l’article 443 du code civil selon lequel la mesure de protection prend fin au décès de la personne 

protégée, le Ministre avait alors répondu que postérieurement à ce décès, le juge des tutelles ou le conseil de famille n’étaient plus compétents pour statuer sur la demande d’indemnité complémentaire (réponse ministérielle publiée au JO du 07/05/2013, page 5029).

Selon cette réponse ministérielle, le MJPM devait donc, dans une telle situation, s’adresser au notaire en charge de la succession et solliciter auprès de lui ladite indemnité, qui devenait alors une dette de la succession

Dans son arrêt du 15 janvier 2020, la Cour de cassation va à l’encontre de cette conception successorale de l’indemnité du mandataire et maintient la compétence du juge des contentieux de la protection, même dans l’hypothèse du décès de la personne protégée pendant l’instance initiée par le professionnel à ce sujet.

Ainsi, la compétence du juge des contentieux de la protection n’est pas fondée sur la subsistance de la personnalité juridique du majeur protégé, qui s’éteint à son décès, mais sur la date de l’accomplissement des actes donnant droit à une indemnité complémentaire. La rémunération afférente à ces derniers ne doit pas être traitée différemment selon la date du décès du majeur.

Une protection légitime de la rémunération du mandataire judiciaire à la protection des majeurs

La réponse ministérielle du 7 mai 2013 plaçait le MJPM dans une situation très délicate. Elle revenait, en effet, à laisser le notaire et les héritiers décider de l’opportunité et du montant d’une indemnité complémentaire. 

Cela ne posait pas de difficulté si le MJPM s’entendait bien avec les héritiers. Dans le cas contraire, fréquent, la reconnaissance du droit du MJPM à percevoir une indemnité complémentaire en raison de la longueur ou de la complexité des actes accomplis pouvait s’avérer compliquée.

La décision de la Cour de cassation est donc opportune en ce qu’elle protège la rémunération du MJPM et lui évite d’entrer en conflit avec les héritiers. 

Une volonté de concentrer toutes les questions relatives à la protection des majeurs entre les mains du même magistrat

En tournant le dos à la conception successorale de l’indemnité complémentaire du mandataire judiciaire à la protection des majeurs, la Cour de cassation permet de laisser entre les mains du même magistrat, le juge des contentieux de la protection, toutes les questions afférentes aux mesures de protection des majeurs. 

Ainsi, toutes les demandes d’indemnité complémentaire sont traitées par le magistrat spécialisé en la matière et, en cas du décès du majeur en cours d’instance, le MJPM n’est pas contraint de saisir le juge de droit commun (lorsque les héritiers ne lui accordent pas d’indemnité amiablement), qui n’est pas coutumier de ce type de dossiers.

La publication au bulletin de la Cour de cassation de l’arrêt du 15 janvier 2020 démontre la volonté d’ériger au rang de principe cette concentration de la compétence avec vigueur.

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