Guide Pratique
Successions
Partie 1 - Cérémonie funéraire - Concession - Disposition du corps
Paiement des frais d'obsèques
Qui paie les frais d’obsèques ?
La prévoyance du défunt
Toute personne peut décider de préparer financièrement et logistiquement ses obsèques en parallèle de de la préparation de la cérémonie elle-même.
Il peut s’agir :
- soit d’un contrat assurance décès qui permet à une personne bénéficiaire de recevoir un capital lors du décès. Le bénéficiaire n’a alors pas l’obligation d’affecter cette somme à l’organisation des obsèques ;
- soit d’une prise en charge par certains organismes complémentaires de retraite ;
- soit d’un contrat obsèques auprès d’une entreprise de pompes funèbres ou d’un organisme financier. Ce contrat doit être assorti d’un descriptif détaillé des prestations indispensables au bon déroulement des obsèques qui devront être respectées au moment du décès du souscripteur. Le souscripteur peut à tout moment modifier le contrat (nature des obsèques, mode de sépulture, contenu des prestations et fournitures funéraires, opérateur habilité désigné pour exécuter les obsèques).
Il importe donc de vérifier si le défunt a souscrit un de ces contrats.
À défaut de prévoyance : une dette de la succession
Si le défunt n’a pas souscrit de contrat d’obsèques, les frais sont prélevés sur les biens de la succession, et en priorité sur les comptes bancaires de la personne décédée.
Les héritiers les supportent donc à proportion de leur vocation successorale.
Si le solde de ces comptes n’est pas suffisant, les héritiers doivent participer conformément aux dispositions de l’article 775 du Code général des impôts.
« Les frais funéraires sont déduits de l’actif de succession pour un montant de 1.500€, et pour la totalité de l’actif si celui-ci est inférieur à ce montant.»
Le plus souvent, ces frais (décrits ci-après) sont élevés et atteignent rapidement la franchise fiscale.
En cas d’insuffisance de la succession : une obligation alimentaire des descendants et du conjoint survivant
Qui sont les obligés alimentaires ?
Les enfants
L’obligation pour les héritiers de participer aux frais d’obsèques trouve sa cause dans les articles 205 et 371 du Code civil qui posent à tout âge les devoirs d’honneur, de respect et d’aliment dus par les enfants à leurs parents.
« Les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin ».
« L’enfant, à tout âge, doit honneur et respect à ses père et mère. »
Ces articles fondent l’obligation alimentaire due à ses parents de leur vivant. Cette obligation ne cesse pas à leur décès.
Le conjoint survivant
Les juges du fond ont étendu cette obligation alimentaire au conjoint survivant, sur le fondement de l’article 212 du Code civil.
« Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance ».
Pour statuer en ce sens, la Cour d’appel de Reims a considéré dans un arrêt du 14 Juin 2019 que « l’engagement contractuel des époux [a] des effets au moins aussi forts que ceux de l’obligation alimentaire résultant de la parenté ». (Cour d’appel, Reims, 1re chambre civile, 2e section, 14 Juin 2019 – n° 17/02475 ou encore Tribunal de grande instance de Maubeuge du 26 février 1993).
L’étendue de cette obligation alimentaire
Application même en l’absence de soins de la part du défunt
La jurisprudence a déjà jugé que cette obligation, à la fois civile et morale, résulte exclusivement d’un lien juridique familial établi.
La jurisprudence ne pose aucune limite à cette prise en charge : « le fait que l’enfant n’ait pas connu son père, pour être née peu après son décès, n’exclut aucunement qu’elle ait à respecter cette obligation personnelle et indépendante des opérations relatives à la succession, l’existence d’un lien affectif direct n’en constituant pas une condition » (civ.1, 28 janvier 2009, n°07-14272).
Application même en cas de renonciation à succession
La jurisprudence et la loi considèrent qu’il n’existe aucune corrélation entre l’obligation alimentaire et la dévolution de l’hérédité.
Dans un arrêt du 14 mai 1992, la première chambre civile de la Cour de cassation a posé l’important principe, en visant les articles 205 et 371 du Code civil, selon lequel la Cour de cassation en a déduit que « lorsque l’actif successoral ne permet pas de faire face aux frais d’obsèques, l’enfant, tenu de l’obligation alimentaire à l’égard de ses ascendants, doit, même s’il a renoncé à la succession, assumer la charge de ces frais, dans la proportion de ses ressources » (civ.1, 14 mai 1992, n°90-18967).
En savoir plus sur la renonciation à la successionLe premier texte rappelle que « les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin » et le second que « l’enfant, à tout âge, doit honneur et respect à ses père et mère ».
La Cour de cassation en a déduit que ces textes s’appliquaient encore au décès des parents.
La loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités a consacré cette jurisprudence dans le Code civil et plus particulièrement à l’article 806 du Code civil.
« Le renonçant n’est pas tenu au paiement des dettes et charges de la succession. Toutefois, il est tenu à proportion de ses moyens au paiement des frais funéraires de l’ascendant ou du descendant à la succession duquel il renonce ».
Traitement fiscal
Fiscalement, la qualification de dette alimentaire suppose que les frais d’obsèques payés par un parent peuvent être déduits de son revenu imposable, si la succession ne permet pas de les couvrir et qu’ils n’ont pas été déduits au passif de la succession.
Comment partager le paiement des frais d’obsèques ?
Modalités de calculs entre les héritiers
L’article 806 du Code civil pose le principe d’une contribution « à proportion de ses moyens », lorsqu’il existe une pluralité d’héritiers.
En cas de désaccord, les juges doivent :
- identifier les obligés à cette dépense (enfants et conjoint survivant),
- apprécier les facultés contributives de chaque débiteur à la date où il statue, à charge pour le débiteur d’apporter la preuve que ses facultés sont insuffisantes pour payer la somme réclamée.
Les facultés contributives visent l’intégralité des revenus déclarés aux impôts : salaire, retraites, revenus fonciers, revenus de capitaux mobiliers… mais pas seulement.
La jurisprudence prend ainsi en considération les « ressources » de manière plus générales. C’est ainsi qu’un enfant qui a perçu un capital décès dont le montant est « nettement supérieur » à la facture de la société de pompes funèbres a été condamné à participer aux frais d’obsèques même s’il avait été relevé qu’il n’avait aucun revenus (civ.1, 28 janvier 2009, n°07-14272).
Une fois la capacité contributive de chaque obligé définitive, le juge répartira cette charge funéraire entre eux à proportion.
Quelles sont les dépenses concernées ?
Les frais d’obsèques s’entendent classiquement du coût des prestations des pompes funèbres, mais aussi des frais d’inhumation et de la cérémonie ainsi que divers frais administratifs. Ils peuvent s’étendre aux frais d’acquisition d’une sépulture, concession et les frais de transport du corps.
Sont concernés par cette prise en charge les frais qui l’accompagne, les avis d’obsèques, les billets d’invitation et de remerciements, l’achat et la pose d’un emblème religieux sur la tombe, l’acquisition d’une concession dans un cimetière, la construction, l’ouverture et la fermeture d’un caveau et les frais de transport du corps.
Exemple : la Cour d’appel de Rouen a jugé d’une espèce dans laquelle l’un des enfants avait réglé au titre de l’acquisition d’un monument funéraire pour leur mère, une somme de 29 147,40 francs. Son frère avait donné son accord sur le principe mais avait indiqué vouloir limiter l’achat à la somme de 18.184 francs. |
Il faut ici distinguer les frais funéraires (obligatoires) des frais relatifs au monument funéraire (non obligatoire). Les principes applicables sont différents :
- pour les frais funéraires, la contribution se fait selon les moyens de tous les obligés,
- pour les sépultures, les juges rappellent que l’accord est nécessaire, dès lors précisément qu’il s’agit de frais qui ne sont pas obligatoires.
Le frère défendeur a donc vu sa participation limitée à la somme pour laquelle il avait donné son accord.
C’est aussi le cas pour les frais générés par la remise en état de la sépulture, dès lors que la sépulture n’était pas délabrée, quand bien même l’indivisaire ne serait pas opposé aux travaux (Civ.1, 22 décembre 1969, N° 68-12.273).
Cet article vous intéresse ? Découvrez aussi les contenus suivants
Guide des successions
Les droits de succession
jurisprudences et lois commentées
Disposition des meubles du défunt et acceptation tacite de la succession
CA Paris, 12 juin 2020, n° 16/14.560
jurisprudences et lois commentées