Jurisprudences
Succession – Sort de l’usufruit en cas donation d'usufruit préconstitué et en cas de constitution d'usufruit par donation
Cass. civ. 1ère, 5 janv. 2023, n°21-13966
Liquidation et partage d’indivisions mobilières et immobilières, Liquidation et partage de successions, Anticipations de successions
Enseignement de l'arrêt
Dans l’hypothèse d’une donation d’un usufruit déjà constitué à titre viager, l’usufruit s’éteint à la mort du donateur et non du donataire.
Faits de l’espèce
1. Le 19 octobre 1983, Madame W consent à ses trois enfants – Mesdames I et L et Monsieur S – une donation portant sur la nue-propriété de deux immeubles dépendant de la communauté ayant existé avec son époux prédécédé.
En 2013, Madame W donne à son fils Monsieur S l’usufruit de ces immeubles dont elle était titulaire :
- pour moitié pour se l’être réservé à la suite de la première donation,
- à concurrence de l’autre moitié en qualité de donataire de l’usufruit des biens dépendant de la succession de son époux,
2. Madame W décède le 13 juillet 2014 en laissant pour lui succéder ses trois enfants.
C’est dans le cadre du règlement de sa succession que des difficultés sont survenues.
Mesdames I et L assignent leur frère en paiement d’une indemnité au titre de l’occupation des immeubles.
3. La Cour d’appel rejette la demande d’indemnité d’occupation. Elle considère que l’usufruit donné au fils se serait éteint à la mort de la mère si celle-ci n’en avait pas fait donation à son fils de son vivant et qu’en conséquence, Monsieur S reste usufruitier malgré le décès de sa mère.
Position de la Cour de cassation
1. La Cour de cassation vient – dans son arrêt du 5 janvier 2023 – rappeler une solution classique.à travers deux dispositions :
- selon l’article 595 du Code civil alinéa 1er, l’usufruitier peut céder son droit à titre gratuit,
« L’usufruitier peut jouir par lui-même, donner à bail à un autre, même vendre ou céder son droit à titre gratuit.
Les baux que l’usufruitier seul a faits pour un temps qui excède neuf ans ne sont, en cas de cessation de l’usufruit, obligatoires à l’égard du nu-propriétaire que pour le temps qui reste à courir, soit de la première période de neuf ans, si les parties s’y trouvent encore, soit de la seconde, et ainsi de suite de manière que le preneur n’ait que le droit d’achever la jouissance de la période de neuf ans où il se trouve.
Les baux de neuf ans ou au-dessous que l’usufruitier seul a passés ou renouvelés plus de trois ans avant l’expiration du bail courant s’il s’agit de biens ruraux, et plus de deux ans avant la même époque s’il s’agit de maisons, sont sans effet, à moins que leur exécution n’ait commencé avant la cessation de l’usufruit.
L’usufruitier ne peut, sans le concours du nu-propriétaire, donner à bail un fonds rural ou un immeuble à usage commercial, industriel ou artisanal. A défaut d’accord du nu-propriétaire, l’usufruitier peut être autorisé par justice à passer seul cet acte ».
- selon l’article 617 du Code civil, l’usufruit s’éteint notamment par la mort de l’usufruitier.
« L’usufruit s’éteint :
Par la mort de l’usufruitier ;
Par l’expiration du temps pour lequel il a été accordé ;
Par la consolidation ou la réunion sur la même tête, des deux qualités d’usufruitier et de propriétaire ;
Par le non-usage du droit pendant trente ans ;
Par la perte totale de la chose sur laquelle l’usufruit est établi. »
Dans son arrêt du 5 janvier 2023, la Cour de cassation précise qu’ « il résulte de la combinaison de ces textes qu’en cas de donation d’un usufruit déjà constitué à titre viager, l’usufruit s’éteint à la mort du donateur et non du donataire ».
Ainsi, dans l’hypothèse d’une donation d’un usufruit déjà constitué à titre viager, l’usufruit s’éteint à la mort du donateur et non du donataire.
2. En réalité, deux situations sont à distinguer :
- l’usufruit préconstitué sur la tête du donateur : si celui-ci peut en faire donation, celle-ci ne sera effective que durant la vie de l’usufruitier. Ce dernier ne peut donner davantage que les droits qu’il possède et créer un usufruit qui lui survivrait,
- lorsque le donateur est propriétaire d’un bien, il peut se réserver l’usufruit mais aussi créer un usufruit sur la tête du donataire (de plusieurs donataires, ou créer des usufruits successifs) : c’est dans cette hypothèque que la donation en usufruit survit au décès du donateur car c’est au moment de la constitution de l’usufruit que la donation a été réalisée et non ultérieurement.
Les Juges du fond avaient donc mélangé ces deux hypothèses.
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