Jurisprudences
Le paiement d'une somme due au titre d'un recel successoral peut être poursuivi sur des biens communs
Cass. civ. 2ème, 8 déc. 2022, n°20-14.302
Liquidation et partage de successions, Liquidation et partage de régime matrimonial
Enseignement de l'arrêt
La condamnation au titre d’un recel successoral, de nature délictuelle, ne constitue pas une dette personnelle et peut donc être poursuivie sur les biens communs.
Rappel des faits
Dans le cadre d’un partage successoral conflictuel entre deux frères, un héritier est condamné à verser à son copartageant diverses sommes, dont certaines avaient pour origine un recel successoral.
Le créancier fait inscrire une hypothèque sur un immeuble détenu par son frère débiteur et son épouse commune en biens. Par la suite, un commandement de payer valant saisie immobilière est délivré à l’époux débiteur principal ainsi qu’à sa fille, tiers détentrice de l’immeuble saisi à la suite d’une donation reçue de sa mère.
La Cour d’appel de Montpellier fait droit à la demande de poursuite du créancier sur le bien immobilier.
Le débiteur et sa fille forment un pourvoi en cassation contre l’arrêt, au motif que la saisie immobilière ne pouvait pas porter sur un bien immobilier commun, lequel ne pouvait être appréhendé par un créancier personnel de l’époux.
La Cour de Cassation devait donc préciser si le créancier d’un recel successoral dispose d’un gage sur les biens communs de son débiteur.
Portée de l’arrêt
Validité de la saisie du bien commun
L’inscription de l’hypothèque sur le bien commun présentait quelques faiblesses puisque celle-ci ne portait « que sur les parts et portions de ce bien dont le débiteur est propriétaire ». Or, à la différence d’une indivision, la communauté ne se conçoit pas d’après une quote-part.
L’époux conteste en outre la validité de l’inscription au regard du droit des régimes matrimoniaux ; s’agissant d’une dette personnelle, le créancier ne peut, selon lui, poursuivre le paiement sur un bien commun.
La Cour de cassation rejette le pourvoi en relevant que la dette de recel successoral n’est pas une dette personnelle au sens des articles 1410 du code civil et 1412 du code civil.
« Les dettes dont les époux étaient tenus au jour de la célébration de leur mariage, ou dont se trouvent grevées les successions et libéralités qui leur échoient durant le mariage, leur demeurent personnelles, tant en capitaux qu’en arrérages ou intérêts ».
« Récompense est due à la communauté qui a acquitté la dette personnelle d’un époux ».
La Cour de cassation considère que la condamnation au titre d’un recel successoral, de nature délictuelle, ne grève pas la succession en elle-même et dépend par conséquent de la communauté en application de l’article 1413 du Code civil.
« Le paiement des dettes dont chaque époux est tenu, pour quelque cause que ce soit, pendant la communauté, peut toujours être poursuivi sur les biens communs, à moins qu’il n’y ait eu fraude de l’époux débiteur et mauvaise foi du créancier, sauf la récompense due à la communauté s’il y a lieu ».
En effet, il ne s’agit ni d’une dette dont le défunt était déjà tenu de son vivant ni d’une charge consécutive au décès (frais funéraires, charge grevant les legs, droits de mutation, etc.). Le fait générateur de cette dette se situe ailleurs : dans le comportement délictueux de l’héritier qui a dissimulé des actifs successoraux au détriment de ses cohéritiers.
Le recours de l’époux non débiteur
Une distinction doit pourtant être soigneusement réalisée entre l’obligation et la contribution à la dette.
La dette de recel successoral est de nature délictuelle, ce qui la rattache à la catégorie générale des dettes dont les époux sont solidairement tenus. Le créancier bénéficie donc d’un gage de principe sur toute la communauté.
Pour autant, la dette délictuelle reste soumise à l’article 1417 du code civil sur le plan de la contribution : c’est à l’époux fautif d’en supporter la charge finale. Récompense sera due à la communauté si des biens communs ont été employés au règlement de cette dette, sauf à déduire le profit qu’elle en aura retiré.
« La communauté a droit à récompense, déduction faite, le cas échéant, du profit retiré par elle, quand elle a payé les amendes encourues par un époux, en raison d’infractions pénales, ou les réparations et dépens auxquels il avait été condamné pour des délits ou quasi-délits civils. Elle a pareillement droit à récompense si la dette qu’elle a acquittée avait été contractée par l’un des époux au mépris des devoirs que lui imposait le mariage ».
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