Jurisprudences
Divorce, succession : la fiscalité de la licitation et du partage entre conjoints et partenaires
Rep. Renaud-Garabedian n°00356, JO Sénat du 22 déc. 2022
Divorce – Séparation de corps, Liquidation et partage de régime matrimonial, Liquidation et partage d’indivisions mobilières et immobilières, Patrimoine - Fiscalité
Enseignement de l'arrêt
- Le taux de 1,10 % n’est pas applicable aux opérations de licitation.
- Le taux de 1,10 % n’est applicable qu’aux partages consécutifs à la dissolution du mariage ou du PACS.
La fiscalité applicable au partage
Le principe du droit de partage
Le partage est l’acte qui met fin à une indivision ou à une communauté. Ainsi, chaque membre de cette indivision ou de cette communauté perçoit sa « part » du bien indivis ou commun, en nature ou en valeur.
Cette notion juridique est différente de celle de la licitation, qui est, en pratique, l’acte par lequel un indivisaire achète les parts d’un bien appartenant à un autre indivisaire. Étant précisé qu’il peut s’agir d’une licitation totale, lorsqu’elle fait cesser l’indivision, ou d’une licitation partielle, lorsqu’elle ne porte que sur une partie des droits indivis.
Le partage entraîne le recouvrement d’un droit de partage, qui est un « droit d’acte », c’est-à-dire un impôt dû dès lors qu’un acte écrit constate ledit partage. Par opposition, ce droit n’est pas dû lorsqu’il n’existe pas d’acte et qu’il est procédé à un partage verbal.
Jusqu’au 1er janvier 2021, ce droit de partage s’élevait à 2,50% sur l’actif net partagé et pouvait donc représenter des sommes considérables selon la valeur de l’actif, ce qui était d’autant plus difficile à accepter pour les copartageants que cela intervenait dans des périodes difficiles de leur vie (divorce, dissolution du PACS), lors desquelles ils devaient déjà exposer des sommes importantes, notamment pour se reloger.
Le législateur a donc souhaité diminuer cet impôt.
L’évolution du taux du droit de partage
Dans le cadre de cette volonté de diminution de l’imposition liée au partage, l’article 108 de la loi de finance pour 2020 n°2019-1479 du 28 décembre 2019 a instauré une baisse progressive du droit de partage.
L’article 746 du code général des impôts prévoit donc désormais : « Les partages de biens meubles et immeubles entre copropriétaires, cohéritiers et coassociés, à quelque titre que ce soit, pourvu qu’il en soit justifié, sont assujettis à un droit d’enregistrement ou à une taxe de publicité foncière de 2,50 %. Ce taux est ramené à 1,80 % à compter du 1er janvier 2021 et à 1,10 % à compter du 1er janvier 2022, pour les partages des intérêts patrimoniaux consécutifs à une séparation de corps, à un divorce ou à une rupture d’un pacte civil de solidarité ».
La loi de finance pour 2020 a donc instauré des paliers de diminution du taux du droit de partage, qui s’élève désormais à 1,1%, soit 1,4 points de moins qu’il y a deux ans, ce qui est évidemment favorable aux partageants.
La question s’est posée de savoir quelles situations exactement étaient concernées par cette diminution du taux du droit de partage.
Une fiscalité favorable limitée au partage à la suite de la dissolution du mariage ou du PACS
L’exclusion des opérations de licitation et de partage en cours d’union
Par une question écrite publiée au Journal officiel du Sénat du 7 juillet 2022, une sénatrice a interrogé le ministre de l’Économie à propos des dispositions de l’article 746 du code général des impôts. Elle rappelait effectivement qu’il était admis que la licitation entre les membres originaires d’une indivision était assimilée à un acte de partage et qu’elle est d’ailleurs assujettie à un droit de 2,5% selon l’article 750 du code général des impôts.
« I. – Les parts et portions indivises de biens immeubles acquises par licitation sont assujetties à l’impôt aux taux prévus pour les ventes des mêmes biens.
II. – Toutefois, les licitations de biens mobiliers ou immobiliers dépendant d’une succession ou d’une communauté conjugale ainsi que les cessions de droits successifs mobiliers ou immobiliers sont assujetties à un droit d’enregistrement ou à une taxe de publicité foncière de 2,50 % lorsqu’elles interviennent au profit de membres originaires de l’indivision, de leur conjoint, de leurs ascendants ou descendants ou des ayants droit à titre universel de l’un ou de plusieurs d’entre eux. Il en est de même des licitations portant sur des biens indivis issus d’une donation-partage et des licitations portant sur des biens indivis acquis par des partenaires ayant conclu un pacte civil de solidarité ou par des époux, avant ou pendant le pacte ou le mariage.
En ce qui concerne les licitations et cessions mettant fin à l’indivision, l’imposition est liquidée sur la valeur des biens, sans soustraction de la part de l’acquéreur ».
La sénatrice demandait donc (i) si les actes assimilés à un partage, tels que les licitations, pouvaient également bénéficier de l’abaissement du taux du droit de partage et (ii) si les actes de partage régularisés en raison de la fin d’une union mais non consécutivement à un jugement ou au dépôt d’une convention de divorce au rang des minutes d’un notaire pouvaient également bénéficier d’un taux réduit du droit de partage.
Le ministre de l’Économie est toutefois intransigeant, confirmant par-là la pratique fiscale préexistante.
Il précise d’une part, que la loi de finance pour 2020 n’a pas modifié l’article 750 du code général des impôts. La diminution progressive du taux ne peut donc pas concerner les licitations.
D’autre part, pour bénéficier du taux réduit prévu par l’article 746 du code général des impôts, le partage des intérêts patrimoniaux doit impérativement être consécutif à une séparation de corps, à un divorce ou à une rupture de PACS. Le partage prenant effet antérieurement à cet évènement ne peut donc pas bénéficier d’un taux de droit de partage réduit.
Une occasion manquée de lisser les régimes fiscaux
L’inflexibilité de cette réponse ministérielle est décevante tant les praticiens auraient souhaité que le régime d’imposition des licitations soit aligné sur celui des partages.
Une licitation est effectivement fréquemment le moyen de résoudre amiablement un divorce ou une rupture de PACS. Or, selon cette réponse ministérielle, une telle licitation serait moins avantageuse qu’un partage (c’est-à-dire que la vente du bien et le partage de son prix) pour les copartageants.
Cela signifie que même lorsqu’une licitation est consécutive à la rupture de l’union, elle ne peut pas bénéficier du taux de droit de partage favorable. Il n’y a donc pas d’intérêt fiscal pour les ex-époux ou les ex-partenaires à faire en sorte que l’un d’eux puisse conserver le bien, ce qui est dommageable, d’autant plus lorsqu’il s’agit du logement de la famille.
Cela signifie également qu’il faut prendre garde à nommer l’acte notarié un « acte de partage » et non un « acte de licitation » lorsqu’une licitation est comprise dans la liquidation du régime matrimonial ou d’une succession (cas dans lequel l’un des copartageant se voit attribuer le bien).
Déception également (mais ce n’est pas une nouveauté) de constater que les copartageants restent désavantagés lorsqu’ils font l’effort de résoudre une partie de leurs difficultés en cours de procédure puisque, le cas échéant, le partage n’est pas consécutif au divorce ou à la rupture du PACS et reste donc soumis au taux de 2,5%.
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