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Droit du patrimoine

Liquidation – Évaluation de l’usufruit temporaire de parts sociales

CE 30 sept. 2019, RG n°41-98.55

Patrimoine - Fiscalité

Enseignement de l'arrêt

Pour la juridiction administrative, la valorisation de l’usufruit temporaire de parts sociales de SCI doit se faire selon la méthode d’actualisation des flux de trésorerie, tenant compte des dettes prévisibles autant que du loyer prévisible.

Rappel du contexte légal : valeur fiscale et économique du démembrement

La valeur fiscale des droits démembrés est fixée par un barème dont, contrairement à certaines croyances, l’application n’est obligatoire que pour la liquidation des droits d’enregistrement et de la taxe de publicité foncière. 

L’article 660 du code Général des impôt précise ainsi « pour la liquidation des droits d’enregistrement et de la taxe de publicité foncière, la valeur de la nue-propriété et de l’usufruit est déterminée par une quotité de la valeur de la propriété entière, conformément au barème ci-après :

ÂGE
de l’usufruitier
VALEUR
de l’usufruit
VALEUR
de la nue-propriété
Moins de :
21 ans révolus90 %10 %
31 ans révolus80 %20 %
41 ans révolus70 %30 %
51 ans révolus60 %40 %
61 ans révolus50 %50 %
71 ans révolus40 %60 %
81 ans révolus30 %70 %
91 ans révolus20 %80 %
Plus de 91 ans révolus10 %90 %

Pour déterminer la valeur de la nue-propriété, il n’est tenu compte que des usufruits ouverts au jour de la mutation de cette nue-propriété

L’usufruit constitué pour une durée fixe est estimé à 23 % de la valeur de la propriété entière pour chaque période de dix ans de la durée de l’usufruit, sans fraction et sans égard à l’âge de l’usufruitier. »

Cette valorisation fiscale peut présenter un écart significatif avec la valorisation économique de l’usufruit.

Dans l’arrêt étudié, le Conseil d’État se prononce le 30 septembre 2019 sur la valorisation d’un usufruit temporaire de parts sociales de société civile, et plus particulièrement sur une méthode d’évaluation de cet usufruit temporaire fondée sur les revenus futurs et non sur la valeur fiscale de l’usufruit.

Cet arrêt est particulièrement utile pour l’évaluation de parts sociales d’une SCI nouvellement créée et sans historique et donc présentant une valeur patrimoniale nulle, voire négative.

Rappel des faits et emploi de la méthode dite « DCF » par les juges du fond

Dans l’affaire soumise au Conseil d’État, le contribuable avait procédé à la cession de l’usufruit temporaire des titres d’une société civile (prévu pour une durée de 20 ans) au prix de 460 euros, soit 46 % de la valeur de la pleine propriété des titres de la société civile au capital de 1 000 euros tout juste constituée (application de l’article 669 du CGI précité).

L’administration fiscale a considéré que la valeur de l’usufruit temporaire devait être déterminée par : 

  • l’actualisation de revenus fonciers futurs en fonction du taux d’actualisation du marché des loyers, 
  • minoré de l’impôt sur les sociétés au taux de 33,33 %, la SCI étant soumise à l’impôt sur les sociétés, soit un montant de 632 993 euros.

L’administration fiscale avait appliqué, une méthode d’actualisation des flux de trésorerie dite DCF (pour « Discounted cash flow », à traduire en français par « actualisation des flux de trésorerie futurs »).

La solution de l’administration fiscale revenait donc à combiner revenu foncier et impôt sur les sociétés.

Solution du conseil d’état : prise en compte de l’ensemble de flux économique prévisible

Le contribuable argumentait que la méthode retenue par l’administration fiscale ne prenait pas en compte la patrimonialité de la société civile qui devait être minorée de l’emprunt contracté pour l’acquisition du bien immobilier. 

Par un arrêt d’infirmation, le Conseil d’État précise que « l’évaluation du revenu futur attendu par un usufruitier de parts sociales ne peut avoir pour objet que de déterminer le montant des distributions prévisionnelles qui peut être fonction notamment :

  • des annuités prévisionnelles de remboursement d’emprunts 
  • ou des éventuelles mises en réserves pour le financement d’investissements futurs, lorsqu’elles sont justifiées par la société ». 

Le Conseil d’État affirme ainsi qu’une méthode de valorisation d’un actif basée sur des revenus futurs doit tenir compte des revenus futurs réels (et donc du passif futur). 

Conséquences pratique de cette méthode

Pour aller plus loin, il nous semble que l’exercice d’évaluation à travers une méthode d’actualisation des flux demande une profondeur d’analyse très exigeante. En effet, en matière immobilière, il y aurait lieu d’évaluer, sur la durée de l’usufruit temporaire (forcément longue) :

  • l’état du marché locatif et de prédire son évolution future, 
  • de s’assurer de la solidité financière du locataire,
  • de la facilité d’en trouver un autre en cas de défaut, 
  • de l’état du bien immobilier acquis,
  • et d’anticiper, sur une longue période, les travaux à prévoir et les évolutions technologiques requises par la loi.

Cet exercice est possible, mais nécessite une expertise immobilière précise et circonstanciée.

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