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Droit de la famille

L’obligation d’auditionner le majeur protégé lors d’une procédure de changement de tuteur

Cass. civ. 1ère, 25 janv. 2023, n° 21-14.636

Protection des majeurs (tutelle – curatelle – sauvegarde)

Enseignement de l'arrêt

La Cour de cassation rappelle dans une décision du 25 janvier 2023 qu’un majeur protégé, ici sous tutelle, doit être entendu par le juge au cours d’une procédure de modification de la personne désignée en qualité de tuteur.

Rappel du contexte légal

Rappel des règles

En matière de tutelle et de curatelle, l’article 449 du code civil prévoit que :

« A défaut de désignation faite en application de l’article 448, le juge nomme, comme curateur ou tuteur, le conjoint de la personne protégée, le partenaire avec qui elle a conclu un pacte civil de solidarité ou son concubin, à moins que la vie commune ait cessé entre eux ou qu’une autre cause empêche de lui confier la mesure.

A défaut de nomination faite en application de l’alinéa précédent et sous la dernière réserve qui y est mentionnée, le juge désigne un parent, un allié ou une personne résidant avec le majeur protégé ou entretenant avec lui des liens étroits et stables.

Le juge prend en considération les sentiments exprimés par celui-ci, ses relations habituelles, l’intérêt porté à son égard et les recommandations éventuelles de ses parents et alliés ainsi que de son entourage. »

Dès lors, au regard de l’alinéa 3, pour la désignation du curateur ou du tuteur, le majeur protégé doit pouvoir s’exprimer sur ses sentiments, qui doivent être pris en considération par le juge pour nommer le curateur ou le tuteur.

En procédure d’appel, l’article 1245 du code de procédure civile prévoit dans son alinéa 4 que : « A l’audience, la cour entend l’appelant, le majeur à protéger ou protégé, sauf application par la cour des dispositions du second alinéa de l’article 432 du code civil et, le cas échéant, le ministère public. ».

Par conséquent, en procédure d’appel, le majeur protégé ou à protéger doit obligatoirement être entendu à l’audience, sauf à ce que le juge rende une dispense d’audition dès lors que celle-ci est de nature à porter atteinte à sa santé ou s’il est hors d’état d’exprimer sa volonté (selon l’article 432 alinéa 2 du Code civil).

« Le juge statue, la personne entendue ou appelée. L’intéressé peut être accompagné par un avocat ou, sous réserve de l’accord du juge, par toute autre personne de son choix.

Le juge peut toutefois, par décision spécialement motivée et sur avis d’un médecin inscrit sur la liste mentionnée à l’article 431, décider qu’il n’y a pas lieu de procéder à l’audition de l’intéressé si celle-ci est de nature à porter atteinte à sa santé ou s’il est hors d’état d’exprimer sa volonté ».

Rappel des faits de l’arrêt du 25 janvier 2023

Une femme est placée sous tutelle et l’Union départementale des associations familiales de Basse-Terre est désignée comme tutrice par le juge.

La sœur de la majeure protégée saisit par requête le juge des tutelles afin d’être désignée comme tutrice, notamment en raison des carences alléguées du mandataire dans la gestion de la tutelle.

Au stade de la procédure d’appel, la majeure protégée n’a pas été convoquée pour être entendue sur le changement de tuteur alors qu’aucune décision de dispense d’audition n’a été rendue par la cour d’appel. La majeure protégée n’est pas présente à l’audience et n’est pas représentée.

La cour d’appel rend un arrêt réputé contradictoire qui rejette la demande de modification de la personne désignée en qualité de tuteur.

Décision de la Cour de cassation

La Cour de cassation, au visa des articles 449 alinéa 3 du code civil et 1244 à 1245 alinéa 4 du code de procédure civile, casse l’arrêt rendu par la cour d’appel pour violation de ces textes.

Elle considère qu’« en statuant ainsi, alors qu’il ressort des pièces de la procédure que la personne protégée, qui n’était ni comparante, ni représentée, n’avait pas été régulièrement convoquée à l’audience pour y être entendue et n’avait donc pas été mise en mesure d’exprimer ses sentiments ».

La Cour de cassation fait ici une stricte application des articles précédemment cités. Une personne placée sous curatelle ou tutelle doit pouvoir s’exprimer sur la nomination ou le changement de son curateur ou tuteur, dès lors que son audition ne porte pas atteinte à sa santé et qu’elle est en état de manifester sa volonté.

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