Jurisprudences
Réforme des dispositions de l’article 1107 du Code de Procédure Civile
Décret « Procédure » paru au JO du 25 janv. 2023
Divorce – Séparation de corps
Enseignement de l'arrêt
Le Décret « Procédure » n°2023–25 est paru au journal officiel du 25 janvier 2023.
Il permet l’application du règlement européen, en matière familiale d’obtention, des preuves, de signification ou notification des actes portant diverses dispositions relatives au divorce, aux sûretés et à la législation et l’apostille.
Ce décret vise à clarifier les difficultés de mise en œuvre de l’article 1107 du code de procédure civile dans les procédures de divorces contentieux.
Il modifie les moyens d’action, et équilibre les forces entre les époux dans ces divorces.
Rédaction initiale des dispositions de l’article 1107 du Code de Procédure Civile
Sur la version applicable jusqu’au 26 janvier 2023
L’article 1107 du code de procédure civile, disposait :
« La demande en divorce est formée par assignation ou par requête remise ou adressée conjointement par les parties au greffe et contient, à peine de nullité, les lieu, jour et heure de l’audience d’orientation et sur mesures provisoires.
Cette date est communiquée par la juridiction au demandeur selon des modalités définies par arrêté du garde des sceaux.
A peine d’irrecevabilité, l’acte introductif d’instance n’indique ni le fondement juridique de la demande en divorce lorsqu’il relève de l’article 242 du code civil, ni les faits à l’origine de celle-ci.
Lorsque le demandeur n’a pas indiqué le fondement de la demande en divorce dans l’acte introductif d’instance, le défendeur ne peut lui-même indiquer le fondement de la demande en divorce avant les premières conclusions au fond du demandeur ».
Cette rédaction était issue du décret du 22 décembre 2020.
Le motif du divorce ne devait pas, à peine d’irrecevabilité de l’assignation, être mentionné lors de sa délivrance.
Seul le divorce pour altération définitive du lien conjugal et le divorce accepté pouvaient figurer.
L’objectif du législateur était de simplifier et de pacifier les divorces judiciaires en retardant le plus possible la phase contentieuse, le divorce pour faute étant par nature présumé très litigieux.
Il était ainsi souhaité que les époux puissent s’accorder dès le début de la procédure et n’entrent pas dans un débat relatif aux griefs reprochés à chacun.
Difficultés d’application et critiques de cet article
Cet article a été très critiqué compte-tenu des blocages rencontrés.
En effet, il ressort des dispositions de cet article, dans sa rédaction initiale, que face à une assignation en divorce muette quant à son fondement (pour faute, altération du lien conjugal… ), le défendeur était empêché de conclure sur le fondement du divorce. Il devait attendre que le demandeur révèle son fondement dans ses premières conclusions au fond.
Cependant, les premières conclusions du demandeur qui révèlent le fondement du divorce n’étaient soumises à aucun délai, ce qui empêchait bien évidemment une avancée dans le cadre du divorce.
Cela nuisait aux droits de la défense, et générait une situation de blocage et une impossibilité absolue pour le défendeur de se substituer au demandeur inactif pour engager la procédure au fond.
Cet article manquait tellement de souplesse que des décisions audacieuses ont pu être rendues, toutes tentatives pour essayer de surmonter ce blocage ayant été tentées par les défendeurs.
Tel est le cas, par exemple, de l’Ordonnance rendue par le tribunal judiciaire d’Amiens 26–092022, N°21/01565 : l’épouse a assigné son époux en divorce le 9 juin 2021, sans indiquer le fondement juridique de sa demande.
Ont suivi de multiples renvois où le juge de la mise en état finit par demander à l’époux de conclure au fond, informant qu’une radiation serait envisagée à défaut de conclusions.
Le défendeur finit par conclure sur le fondement du divorce et les conséquences de celui-ci, à savoir sur l’altération définitive du lien conjugal.
L’épouse va établir, quant à elle, des conclusions de désistement.
Le juge de la mise en état décide alors de renvoyer l’affaire à une audience d’incident où le dossier a finalement été retenu.
L’épouse demande qu’il soit constaté son désistement, mais l’époux refuse et précise avoir conclu au fond.
Selon lui, en refusant le désistement de son épouse, ce dernier ne serait pas parfait.
Par ordonnance du 26 septembre 2022, le juge de la mise en état donne acte au demandeur de son désistement, constate l’extinction de l’instance et dit que les mesures provisoires ont pris fin à cette date.
Pour motiver sa décision, le juge de la mise en état s’appuie sur les dispositions de l’article 395 du code de procédure civile qui prévoit que le désistement n’est parfait que par l’acceptation du défendeur.
Toutefois, l’acceptation n’est pas nécessaire si le défendeur n’a présenté aucune défense au fond ou fin de non-recevoir au moment où le demandeur se désiste.
Le juge de la mise en état expose que l’épouse n’a jamais conclu au fond. Elle n’a pas fait connaître le fondement de sa demande de divorce, de sorte que l’époux n’était pas autorisé à conclure.
Ainsi, en dépit de ses conclusions visant à demander le divorce pour altération du lien, il doit être considéré qu’il n’avait pas présenté de défense au fond.
En l’espèce, le désistement est donc parfait, en dépit du désaccord de son mari.
En conclusion, si le demandeur ne concluait pas, la procédure était bloquée.
D’autres exemples ont été constatés : des demandes de clôture sanction, astreinte (mais ne concerne qu’une décision), clôture partielle, débouté au fond.
Rien, ni personne ne pouvait obliger le demandeur récalcitrant à conclure.
En réalité, les demandes en divorce, n’étant pas encadrées dans un délai, le demandeur pouvait faire traîner la procédure et invoquer tout argument, vice procédural pour voir s’étendre la procédure.
Dans le cas évoqué, il est évident que l’époux ne pouvait pas conclure sur le fondement du divorce.
Pour autant, la volonté des parties de divorcer ne prêtait pas à confusion. Ce blocage contraint les parties à recommencer une procédure, alors, même que le juge était saisi d’une véritable demande.
Le demandeur ne voyait pas sa responsabilité sanctionnée. Le défendeur subissait des frais et longueur de la procédure.
Le juge a, au surplus de sa propre initiative, décidé de ne pas tenir compte des conclusions du défendeur au divorce par lesquelles celui-ci formulait une demande reconventionnelle au divorce.
Ainsi, la Chancellerie a été alertée des difficultés d’application et le pouvoir exécutif invité à revoir la rédaction.
Réforme des dispositions de l’article 1107 du Code de Procédure Civile issue du Décret du 25 janvier 2023
Sur l’apport de cet article
Désormais, l’article 1107 dispose que :
« La demande en divorce est formée par assignation ou par requête remise ou adressée conjointement par les parties au greffe et contient, à peine de nullité, les lieu, jour et heure de l’audience d’orientation et sur mesures provisoires.
Cette date est communiquée par la juridiction au demandeur selon des modalités définies par arrêté du garde des sceaux.
A peine d’irrecevabilité, l’acte introductif d’instance n’indique ni le fondement juridique de la demande en divorce lorsqu’il relève de l’article 242 du code civil, ni les faits à l’origine de celle-ci.
Lorsque le demandeur n’a pas indiqué le fondement de la demande en divorce dans l’acte introductif d’instance, le défendeur ne peut lui-même le faire avant les premières conclusions au fond du demandeur ou, à défaut, avant l’expiration du délai fixé par le juge de la mise en état par injonction de conclure ».
Comme précédemment, lorsque le demandeur n’a pas indiqué le fondement de la demande en divorce dans l’acte introductif d’instance, le défendeur ne peut lui-même le faire avant les premières conclusions au fond du demandeur.
Cependant, désormais, le juge de la mise en état va pouvoir fixer un délai par voie d’injonction afin que le défendeur conclut. A l’expiration de ce délai, le défendeur recouvrera enfin le droit de relancer la procédure de divorce en concluant sur le fondement du divorce.
Aucun délai précis n’est fixé, le texte laissant toute latitude au juge. Cela devrait malheureusement permettre au demandeur défaillant ou de mauvaise foi de retarder encore la procédure, s’appuyant sur les calendriers sclérosés de certaines juridictions.
Retenons sur le principe que la Chancellerie a tenu compte des blocages évoqués pour rédiger un décret du 23 janvier 2023 dont l’entrée en vigueur à toutes les procédures en cours est fixée au 26 janvier 2023 et sera applicable aux assignations postérieures à cette date.
La critique marque, avec ironie, la rapidité de la Chancellerie qui a réagi aux critiques au bout de deux ans… sans, en outre, réussir à toutes les éteindre.
Sur l’application délicate de cet article
Il est permis de s’étonner qu’il n’y ait pas, dans un premier temps, une première invitation à conclure avant la délivrance d’une injonction ou la fixation d’un délai fixe.
- La question se pose de savoir si le défendeur peut lui-même demander au juge de fixer ce délai avec injonction.
La réponse semble être positive.
- Se pose également la question de savoir si cette demande peut être formulée avant, mais également après qu’il soit ordonné les mesures provisoires.
La réponse semble également positive. Cette demande semble pouvoir être formulée dès qu’un blocage est constaté.
- Se pose ensuite la question de la saisine du juge. Si le juge la mise en état est déjà saisi, la logique veut que ce dernier l’ordonne.
Il semblerait que le dispositif des conclusions pourra prévoir une demande spécifique de délai avec injonction, puisque cela ne concerne pas les mesures provisoires ou de communication de pièces.
Si le juge de la mise en état n’est pas saisi d’un incident, il sera envisageable de le faire à cette fin par message RPVA.
- Il est permis de s’interroger sur le fait de savoir si une audience de mise en état spéciale sera fixée pour voir ordonner un tel délai.
Il semblerait qu’un bulletin de mise en état puisse être établi en dépit d’audience, si aucun incident n’est soulevé.
- Enfin, reste également à savoir si cette demande devra être motivée.
La doctrine considère que la détermination du délai ne peut être qualifiée de mesure d’administration judiciaire, dans la mesure où ce dernier va affecter les droits et obligations du demandeur au divorce.
Ce délai va conditionner la révélation du fondement du divorce et influencer potentiellement les qualités du demandeur.
Il semble qu’un juge ne refusera pas d’ordonner un tel délai, mais les textes ne permettent pas d’en avoir la certitude.
Quel serait alors le recours de l’avocat du divorce ?
Le Juge de la Mise en état est ainsi doté d’un véritable pouvoir pour influer sur la procédure de divorce.
Aucune explication n’est donnée sur le délai qui pourra être prononcé, notamment en cas d’expertise notariale : devra-t-il être postérieur pour détenir tous les éléments pertinents ou non ?
De même, si le demandeur ne conclut pas sur le fondement passé l’injonction, qui deviendra demandeur au divorce ? Il pourra peut-être être envisageable pour le défendeur devenu demandeur de solliciter du juge de lui voir reconnaître cette qualité.
De nombreuses interrogations demeurent donc en suspens.
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