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Liquidation
Comparaison des procédures des articles 815-5-1 et 815 du Code civil pour obtenir la cession d’un bien indivis
Liquidation et partage de successionsComparaison des avantages des procédure des articles 815-5-1 et 815 du code civil pour obtenir la cession d’un bien indivis.
La vente amiable d’un bien indivis nécessite l’accord unanime des indivisaires. Dit autrement, sans l’accord d’un indivisaire, les autres indivisaires ne peuvent pas s’engager dans une vente amiable du bien indivis.
En revanche, chaque indivisaire peut décider de céder sa quote-part de propriété. Cette possibilité intéresse beaucoup certains promoteurs immobiliers, car elle leur permet de « mettre un pied » dans une indivision, pour ensuite en demander le partage judiciaire, tout en négociant ladite cession de quote-part indivis à un prix plus faible compte-tenu des désagréments et risques qu’engendre l’indivision. Nos avocats spécialisés en droit de l’indivision et des successions peuvent vous accompagner dans ces démarches qui demandent une capacité de négociation forte face aux promoteurs.
L’indivisaire qui souhaite céder ses parts doit donc faire l’arbitrage entre la moins-value générée par une simple vente de droits indivis d’un côté et la rapidité de la perception des fonds de l’autre. Rappelons que l’article 815-14 du code civil prévoit un droit de préemption des autres indivisaires dans cette configuration.
L’indivisaire qui entend céder, à titre onéreux, à une personne étrangère à l’indivision, tout ou partie de ses droits dans les biens indivis ou dans un ou plusieurs de ces biens est tenu de notifier par acte extrajudiciaire aux autres indivisaires le prix et les conditions de la cession projetée ainsi que les nom, domicile et profession de la personne qui se propose d’acquérir.
Tout indivisaire peut, dans le délai d’un mois qui suit cette notification, faire connaître au cédant, par acte extrajudiciaire, qu’il exerce un droit de préemption aux prix et conditions qui lui ont été notifiés.
En cas de préemption, celui qui l’exerce dispose pour la réalisation de l’acte de vente d’un délai de deux mois à compter de la date d’envoi de sa réponse au vendeur. Passé ce délai, sa déclaration de préemption est nulle de plein droit, quinze jours après une mise en demeure restée sans effet, et sans préjudice des dommages-intérêts qui peuvent lui être demandés par le vendeur.
Si plusieurs indivisaires exercent leur droit de préemption, ils sont réputés, sauf convention contraire, acquérir ensemble la portion mise en vente en proportion de leur part respective dans l’indivision.
Lorsque des délais de paiement ont été consentis par le cédant, l’article 828 est applicable.
Confronté à un indivisaire silencieux ou récalcitrant à vendre le bien indivis, les textes légaux prévoient des solutions pour permettre aux autres indivisaires de s’engager dans le processus de vente du bien indivis.
Demande d’autorisation judiciaire de vendre le bien
Cette fiche présente particulièrement deux procédures envisageables pour la vente d’un immeuble indivis: l’une sur le fondement de l’article 815 du Code civil, l’autre utilisant la voie de l’article 815-5-1 du Code civil.
Demande de licitation par le tribunal (article 815 du code civil)
En application de l’article 815 du Code civil : « Nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu’il n’y ait été sursis par jugement ou convention« .
Quelques précisions sur la procédure en comptes, liquidation et partage
Quelles soient judiciaires ou amiables, les opérations de comptes, liquidation et partage se décompose en trois phases :
- les comptes : il s’agit de déterminer les éléments d’actif et de passif qui vont composer l’indivision ;
- la liquidation : cette phase aboutit à la valorisation des droits de chacun des indivisaires en combinant la valeur des biens indivis, les droits théoriques de chacun sur cette valeur et enfin les éventuelles créances entre indivisaires ou comptes d’administration à la charge ou au bénéfice de l’indivision ;
- le partage : les biens sont répartis entre les indivisaires jusqu’à les remplir de leurs droits, au besoin par le paiement de soultes et l’indivision s’éteint.
Lorsqu’elle est nécessaire, la procédure judiciaire afin de comptes, liquidation et partage d’une indivision (que cette indivision fasse suite à une succession ou à un divorce) est également découpée en trois phrases procédurales :
- une première phase devant le tribunal judiciaire au terme de laquelle l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage est prononcée,
- une seconde phase devant le Notaire judiciairement désigné, dont l’objectif est de parvenir soit à la rédaction d’un acte de partage, soit à celle d’un procès-verbal de difficultés qui fera état des accords et divergences des parties,
- une troisième phrase devant le Tribunal – à défaut d’un partage amiable – au terme de laquelle le juge tranche les désaccords persistants entre les parties.
D’infinies variations sont possibles par rapport à ce schéma procédural par défaut :
- le juge initialement saisi peut d’ores et déjà tranché certaines questions de fond résolvant de facto toute la succession,
- le Notaire parvient souvent, à l’aide des avocats des indivisaires à faire transiger les parties une fois les premières investigations réalisées par ses soins après sa désignation,
- des incidents de procédure peuvent permettre d’éviter la suite de la procédure,
- Etc.
Seul un avocat spécialisé en droit des successions ou du divorce pourra guider la meilleure stratégie procédurale à adopter.
En tout état de cause, chaque fois que la vente du bien indivis est nécessaire au partage des droits des indivisaires, il est possible de demander la vente aux enchères du bien immobilier en mesurant correctement la mise à prix, les délais, la possibilité de renoncer à ce processus pour privilégier au dernier moment une vente selon un processus plus classique en agence.
Conditions pour solliciter la licitation des biens indivis et s’opposer à un partage en nature
La vente aux enchères du bien indivis est un droit des indivisaires auquel seuls certains arguments peuvent s’opposer. Citons notamment :
- l’intérêt démontré au tribunal que l’indivision aurait de patienter pendant une période donnée, à raison d’une plus-value certaine à attendre,
- des demandes d’attribution préférentielle,
- le fait que l’indivision porte sur un ensemble plus vaste qu’un bien immobilier permettant le partage en nature. L’indivision est alors considérée comme « commodément partageable »,
- Etc.
S’agissant de ce dernier argument lié à la possibilité d’un partage en nature, la jurisprudence considère par exemple :
- « en principe, le partage est toujours préférable à la licitation, à laquelle il doit être procédé seulement si les immeubles ne peuvent être commodément partagés ou attribués dans les conditions prévues par la loi, et à la vente publique des meubles » : Cass. Civ. 1ère, 22 janvier 1985 ;
- « le caractère commodément partageable ou non des immeubles est le seul critère à prendre en considération » : Cass. Civ. 1ère, 17 juin 1997 ;
- « il appartient aux juges du fond d’apprécier souverainement si le partage peut ou non s’effectuer en nature » : Cass, Civ. 1ère , 8 juin 1998.
L’évaluation des chances de succès ou d’opposition à la procédure de vente aux enchères dans une indivision ressort de la seule expérience de l’avocat spécialisé en droit des successions ou du divorce. La décision d’initier une procédure de comptes, liquidation et partage doit être réfléchie avec le plus grand soin afin d’anticiper tous les scénarios et contre-arguments possibles.
Demande d’une autorisation de vente par la majorité des deux tiers des indivisaires
En plus de la demande de licitation judiciaire, une autre possibilité pour demander la vente du bien indivis réside dans les dispositions de l’article 815-5-1 du Code civil qui permet aux indivisaires représentant au moins 2/3 des droits indivis d’exprimer leur volonté de procéder à l’aliénation du bien indivis.
Sauf en cas de démembrement de la propriété du bien ou si l’un des indivisaires se trouve dans l’un des cas prévus à l’article 836, l’aliénation d’un bien indivis peut être autorisée par le tribunal judiciaire, à la demande de l’un ou des indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis, suivant les conditions et modalités définies aux alinéas suivants.
Le ou les indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis expriment devant un notaire, à cette majorité, leur intention de procéder à l’aliénation du bien indivis.
Dans le délai d’un mois suivant son recueil, le notaire fait signifier cette intention aux autres indivisaires.
Si l’un ou plusieurs des indivisaires s’opposent à l’aliénation du bien indivis ou ne se manifestent pas dans un délai de trois mois à compter de la signification, le notaire le constate par procès-verbal.
Dans ce cas, le tribunal judiciaire peut autoriser l’aliénation du bien indivis si celle-ci ne porte pas une atteinte excessive aux droits des autres indivisaires.
Cette aliénation s’effectue par licitation. Les sommes qui en sont retirées ne peuvent faire l’objet d’un remploi sauf pour payer les dettes et charges de l’indivision.
L’aliénation effectuée dans les conditions fixées par l’autorisation du tribunal judiciaire est opposable à l’indivisaire dont le consentement a fait défaut, sauf si l’intention d’aliéner le bien du ou des indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis ne lui avait pas été signifiée selon les modalités prévues au troisième alinéa.
En cas d’opposition d’un ou plusieurs indivisaires, le tribunal judiciaire peut autoriser l’aliénation du bien si celle-ci ne porte pas une atteinte excessive aux droits des autres indivisaires.
Une procédure assez stricte doit être suivie par les indivisaires voulant vendre le bien pour ensuite que la vente soit autorisée par le Tribunal.
Les indivisaires détenant au moins 2/3 des droits indivis doivent respecter des délais stricts devant le Notaire.
Ensuite, en cas d’opposition d’un indivisaire, les indivisaires détenant au moins 2/3 des droits indivis, qui souhaitent être autorisés à vendre le bien indivis, doivent assigner l’ensemble des autres indivisaires.
Il revient alors à l’indivisaire ou aux indivisaires s’opposant à la cession de rapporter la preuve que la vente porte une « atteinte excessive » à ses droits.
La loi est taisante sur la définition de l’atteinte excessive laissant au juge du fond tout pouvoir d’appréciation souveraine.
Rappelons que la vente du bien indivis n’implique pas nécessairement le partage du prix de vente. En cas de refus d’un ou de plusieurs indivisaires, il sera nécessaire de solliciter du Tribunal la distribution du prix de vente. Cette demande est cependant infiniment plus rapide et réalisable qu’avant la cession du bien indivis.
Demande urgente de vente du bien indivis au Président du tribunal judiciaire
En complément des possibilités exposées ci-avant, le Code civil permet d’initier des procédures urgentes en référé pour obtenir la vente de biens immobiliers indivis.
C’est en premier lieu le cas de l’article 815-6 du Code civil qui prévoit que le Président peut « prescrire toutes les mesures urgentes que requiert l’intérêt commun ».
« Le président du tribunal judiciaire peut prescrire ou autoriser toutes les mesures urgentes que requiert l’intérêt commun.
Il peut, notamment, autoriser un indivisaire à percevoir des débiteurs de l’indivision ou des dépositaires de fonds indivis une provision destinée à faire face aux besoins urgents, en prescrivant, au besoin, les conditions de l’emploi. Cette autorisation n’entraîne pas prise de qualité pour le conjoint survivant ou pour l’héritier.
Il peut également soit désigner un indivisaire comme administrateur en l’obligeant s’il y a lieu à donner caution, soit nommer un séquestre. Les articles 1873-5 à 1873-9 du présent code s’appliquent en tant que de raison aux pouvoirs et aux obligations de l’administrateur, s’ils ne sont autrement définis par le juge ».
La mesure demandée doit être justifiée par l’intérêt commun et par l’urgence. Cette urgence est souvent liée à une indivision déficitaire, à un bien en péril ou non entretenu. Les possibilités sont multiples.
Quelle action choisir ?
Les deux actions au fond (article 815 du code civil et article 815-5-1 du code civil) à sont soumises au respect d’une procédure stricte et longue. Elles sont cependant très efficaces et présentent un taux de succès important.
Tout dépend de l’objectif poursuivi, de la configuration de l’indivision, des besoins en trésorerie, des oppositions sur la distribution du prix de vente et des droits de chacun, de l’occupation du bien ou pas…
Les deux actions au fond (article 815 du code civil et article 815-5-1 du code civil) à sont soumises au respect d’une procédure stricte et longue. Elles sont cependant très efficaces et présentent un taux de succès important.
Tout dépend de l’objectif poursuivi, de la configuration de l’indivision, des besoins en trésorerie, des oppositions sur la distribution du prix de vente et des droits de chacun, de l’occupation du bien ou pas….
Schématiquement, si le blocage vient du refus de cession mais qu’il n’existe pas de conflit sur les droits de chacun des indivisaires, l’action sur le fondement de l’article 815-5-1 du code civil pourra paraître préférable, dès lors que des indivisaires détenant 2/3 des droits indivis sont d’accord.
Dans le cas contraire, il est préférable de choisir l’action de l’article 815 du code civil, qui permet au juge de trancher en même temps la question des droits des indivisaires.
En revanche, si l’objectif est de vendre en urgence le bien indivis, il est préférable de choisir l’action sur le fondement de l’article 815-6 du code civil.
Ces quelques conseils ne peuvent pas substituer le conseil d’un avocat spécialisé en gestion et partage d’indivision, également rompu au contentieux judiciaire.
Par Marie Laguian et Capucine Bohuon, le 24 avril 2023
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