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Procédure

SCI : la désignation judiciaire d’un mandataire dans le cadre d’une société civile

Cass. com., 20 déc. 2023, n°21-18.746

Procédure et pratiques professionnelles

Enseignement de l'arrêt

Pour être favorablement accueillie, la demande de désignation d’un mandataire afin de convoquer une assemblée générale doit être conforme à l’intérêt social.

La possibilité de demander judiciairement la désignation d’un mandataire afin de provoquer la délibération des associés

La demande tendant à la désignation d’un mandataire

Le 15 janvier 2009, des associés d’une SCI concluent un protocole induisant la signature d’une promesse de cession de parts de leur société civile immobilière à des tiers. 

Une difficulté survient toutefois à propos de l’exécution de ce protocole et les associés vendeurs appliquent donc la clause compromissoire en sollicitant un arbitrage ad hoc.

C’est ainsi que par sentence du 16 octobre 2014, le tribunal arbitral tranche la question relative à la valeur des parts sociales et aux modalités de leur vente, précisant qu’elles doivent être cédées conformément à l’un des articles du protocole dans un délai de deux mois à compter de la notification de la sentence. 

Par arrêt du 22 novembre 2016, le recours en annulation de la sentence arbitrale est rejeté et l’exequatur est conférée à cette dernière. 

Ainsi, le 16 septembre 2019, les associés vendeurs demandent au gérant de la SCI de convoquer une assemblée générale aux fins de « constater [leur] qualité d’associé et […] décider la réalisation des démarches et formalités nécessaires à la régularisation subséquente de la situation irrégulière ».

Le gérant ne convoquant toutefois aucune assemblée, les associés cédants saisissent le Président du Tribunal de Grande Instance en la forme des référés afin de faire désigner un mandataire de la SCI chargé de convoquer une assemblée générale. La juridiction rejette cette demande. Par un arrêt du 25 mars 2021, la Cour d’appel de Versailles infirme la première décision et fait droit à la demande de désignation du mandataire ad hoc.

L’obligation de conformité de la demande à l’intérêt social

Par arrêt du 20 décembre 2023, la Cour de cassation infirme la décision des juges du fond et rappelle qu’en application de l’article 39 du décret du 3 juillet 1978 dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur du décret du 20 décembre 2019, un associé non-gérant d’une société civile peut, par lettre recommandée, demander au gérant de convoquer une assemblée générale pour que les associés votent à propos d’un point en particulier. 

Si le gérant ne le fait pas, l’associé peut alors, au bout d’un mois, saisir le Président du Tribunal judiciaire statuant en la forme des référés pour solliciter la désignation d’un mandataire chargé de provoquer la délibération des associés. 

La Cour de cassation précise que seule la SCI est partie à l’instance et que le Président doit apprécier la conformité de la demande avec l’intérêt social de ladite SCI.

Pour autant, la Haute Juridiction précise qu’une assemblée générale n’est pas compétente pour déterminer si des parts ont été cédées ou non et si, par conséquent, les détenteurs ont ou non la qualité d’associés. Par conséquent, les cédants des parts ne pouvaient pas solliciter la convocation d’une assemblée générale pour faire voter les associés sur la question de savoir s’ils étaient restés associés, car cette résolution n’était pas conforme à l’intérêt social de la SCI.

La primauté de l’intérêt social de la société

L’infériorité de l’intérêt de chacun des associés

Grâce à cette décision, la Cour de cassation précise la procédure permettant de solliciter la désignation d’un mandataire ayant pour mission de provoquer la convocation des associés d’une SCI à une assemblée générale.

Désormais, selon la nouvelle version du décret du 20 décembre 2019, la demande de convocation d’une assemblée générale doit être adressée au Président du Tribunal judiciaire selon la forme de la procédure accélérée au fond.

En revanche, l’objectif est le même qu’avant la réforme et les conditions que la Cour de cassation pose dans l’arrêt commenté sont donc transposables. 

La recevabilité d’une telle demande est conditionnée à la mise en cause de la société et à la conformité à l’intérêt social de la convocation de l’assemblée générale de la SCI.

Or, l’intérêt social de toute société étant qu’elle subsiste, il ne peut être question de convoquer une assemblée générale ayant vocation à décider si certains associés le sont toujours. 

Une fois de plus, la Cour de cassation rappelle que l’intérêt de la société est supérieur à celui des associés : peu importe les différends entre associés et leurs intérêts personnels, l’essentiel est de protéger l’intérêt de la personne morale

Les contours de l’intérêt social

Cet arrêt pose la question de la définition de l’intérêt social d’une société. 

Il pourrait être déduit de cette décision que cet intérêt social n’est pas de connaître qui sont les associés et donc, qui peut prendre des décisions dans l’intérêt de la société, ce qui semble contradictoire

En réalité, il faudrait plutôt déduire de cet arrêt du 20 décembre 2013 que l’intérêt social n’est pas de réunir une assemblée générale lorsque cette assemblée n’est pas compétente pour répondre à la question que l’associé sollicitant sa convocation souhaite lui poser. 

L’intérêt social d’une société serait donc de se concentrer sur les sujets essentiels à son existence et à son fonctionnement, ce qui ne peut être qu’approuvé.

L’autre intérêt de cette décision est la bonne administration de la justice : les tribunaux sont suffisamment débordés pour ne pas, en outre, être saisis pour désigner des mandataires qui auront pour mission de convoquer une assemblée générale qui, en tout état de cause, ne pourra pas trancher l’interrogation qui lui est soumise.

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