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Droit de la famille

La révision de la prestation compensatoire : illustrations jurisprudentielles

Cass. civ 1re, 30 janv. 2011, n°10-24.632 / Cass. civ. 1ère, 11 sept. 2013, n°12-20.410 / Cass. civ. 1ère, 25 juin 2008, n°07-14.209 / Cass. civ. 1ère, 27 juin 2018, n°17-20.181 / Cass. civ. 1ère 21 juin 2023 n°21-17.077

Divorce – Séparation de corps

Enseignement de l'arrêt

  • Les conditions de révision de la prestation compensatoire reposent sur la preuve d’un changement significatif dans les ressources ou les besoins des parties, sans condition d’imputabilité. 
  • La procédure de demande de révision doit suivre des règles spécifiques, et le contexte juridique peut évoluer, notamment en cas de décès du débiteur.

 

La procédure

Modifications de la procédure de révision

Le décret n° 2019-1333, entré en vigueur le 1er janvier 2020, impose une obligation de représentation par avocat pour les demandes de révision des prestations compensatoires. Cette mesure vise à professionnaliser le traitement des affaires familiales et à garantir une meilleure représentation des intérêts des parties.

Par ailleurs, ce décret a également modifié la nature de la procédure, l’instance est formée, instruite et jugée selon la procédure écrite ordinaire applicable devant le tribunal judiciaire.

Rôle du juge aux affaires familiales

L’article L. 213-3 du Code de l’organisation judiciaire, en vigueur depuis le 1er janvier 2020, désigne spécifiquement les juges aux affaires familiales comme compétents pour traiter des demandes de révision de la prestation compensatoire

La révision de la prestation compensatoire après divorce

Les conditions de révision de la prestation compensatoire

La condition fondamentale pour engager une révision de la prestation compensatoire est l’existence d’un changement important dans les ressources ou les besoins de l’une ou l’autre des parties. Cela peut concerner une augmentation ou une diminution des revenus, des changements dans les charges financières, ou des modifications substantielles dans la situation personnelle des parties (par exemple, perte d’emploi, maladie).

Attention, la révision du montant de la prestation compensatoire s’applique uniquement aux prestations fixées sous forme de rente viagère ou de mensualités.

« La prestation compensatoire fixée sous forme de rente peut être révisée, suspendue ou supprimée en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l’une ou l’autre des parties. La révision ne peut avoir pour effet de porter la rente à un montant supérieur à celui fixé initialement par le juge ».

Seule la modification du calendrier de paiement de la prestation compensatoire est envisageable lorsque celle-ci est fixée en capital.

« Lorsque le débiteur n’est pas en mesure de verser le capital dans les conditions prévues par l’article 274, le juge fixe les modalités de paiement du capital, dans la limite de huit années, sous forme de versements périodiques indexés selon les règles applicables aux pensions alimentaires.

Le débiteur peut demander la révision de ces modalités de paiement en cas de changement important de sa situation. A titre exceptionnel, le juge peut alors, par décision spéciale et motivée, autoriser le versement du capital sur une durée totale supérieure à huit ans.

Le débiteur peut se libérer à tout moment du solde du capital indexé.

Après la liquidation du régime matrimonial, le créancier de la prestation compensatoire peut saisir le juge d’une demande en paiement du solde du capital indexé ».

Lorsqu’un débiteur sollicite une révision en raison d’une diminution de ses ressources, le juge ne peut pas exiger que cette diminution ne soit pas de son fait. En d’autres termes, la seule preuve d’un changement significatif dans les ressources suffit à justifier une révision.

Illustration jurisprudentielles des conditions de révision

Une absence de condition quant à la forme de la rente

Dans un arrêt du 30 janvier 2011 (Cass. 1re civ, 30 janvier 2011, 10-24.632), la Cour de cassation rappelle que la révision est applicable à toutes les formes de rentes, qu’elles soient fixées par le juge ou par convention.

Un changement important dans les ressources du débiteur

L’arrêt du 11 septembre 2013 (Cass. 1ère civ, 12-20.410) établit que la seule preuve d’un changement significatif dans les ressources du débiteur justifie la révision de la prestation compensatoire versée sous forme de rente. Il est essentiel de noter que les circonstances ayant conduit à ce changement ne doivent pas être prises en compte, ce qui allège la charge de la preuve pour le débiteur.

Dans un arrêt assez ancien (Cass, 1ère civ, 25 juin 2008, 07-14.209), la Cour de Cassation considère que l ’absence de liquidation dans un délai raisonnable de l’actif de communauté dont le montant devait permettre à chacun des époux de disposer d’un patrimoine conséquent constitue un changement important dans les ressources justifiant la suspension de la rente viagère

La notion d’avantage excessif et de gestion utile du patrimoine du créancier

Un arrêt du 27 juin 2018 (Cass. 1ère civ, 27 juin 2018, 17-20.181) précise que, pour déterminer si le maintien d’une rente pourrait conférer un avantage excessif au créancier de la prestation compensatoire, les juges peuvent tenir compte des revenus que pourrait générer une gestion efficace du patrimoine, comme des revenus locatifs. Cette approche renforce l’idée que la situation économique des parties doit être soigneusement évaluée.

Les conditions de révision, selon l’article 276-3 du Code civil, reposent donc sur l’existence d’un changement important dans les ressources ou les besoins de l’une ou l’autre des parties, sans exigence d’imputabilité de la situation.

La révision de la prestation compensatoire en cas de décès du débiteur

Les conditions de la révision de la prestation compensatoire en cas de décès du débiteur

À la mort du débiteur, la prestation compensatoire devient une dette de la succession, conformément à l’article 280 du Code civil. 

Si la prestation compensatoire était fixée sous forme de rente viagère, elle est par défaut convertie en capital à la date du décès. 

« A la mort de l’époux débiteur, le paiement de la prestation compensatoire, quelle que soit sa forme, est prélevé sur la succession. Le paiement est supporté par tous les héritiers, qui n’y sont pas tenus personnellement, dans la limite de l’actif successoral et, en cas d’insuffisance, par tous les légataires particuliers, proportionnellement à leur émolument, sous réserve de l’application de l’article 927.
Lorsque la prestation compensatoire a été fixée sous forme d’un capital payable dans les conditions de l’article 275, le solde de ce capital indexé devient immédiatement exigible.
Lorsqu’elle a été fixée sous forme de rente, il lui est substitué un capital immédiatement exigible. La substitution s’effectue selon des modalités fixées par décret en Conseil d’Etat ».

L’article 280-1 du Code civil permet cependant aux héritiers de décider ensemble de maintenir les modalités de paiement de la prestation compensatoire, à condition que cet accord soit constaté par un acte notarié. Si aucun accord n’est atteint, la rente est considérée comme capitalisée, rendant toute action en révision ou en suppression irrecevable.

Le choix est important car, en cas de capitalisation de la rente, les héritiers ne peuvent plus engager d’action en révision de la prestation compensatoire.

« Par dérogation à l’article 280, les héritiers peuvent décider ensemble de maintenir les formes et modalités de règlement de la prestation compensatoire qui incombaient à l’époux débiteur, en s’obligeant personnellement au paiement de cette prestation. A peine de nullité, l’accord est constaté par un acte notarié. Il est opposable aux tiers à compter de sa notification à l’époux créancier lorsque celui-ci n’est pas intervenu à l’acte.

Lorsque les modalités de règlement de la prestation compensatoire ont été maintenues, les actions prévues au deuxième alinéa de l’article 275 et aux articles 276-3 et 276-4, selon que la prestation compensatoire prend la forme d’un capital ou d’une rente temporaire ou viagère, sont ouvertes aux héritiers du débiteur. Ceux-ci peuvent également se libérer à tout moment du solde du capital indexé lorsque la prestation compensatoire prend la forme prévue au premier alinéa de l’article 275. »

Illustration jurisprudentielle de l’irrecevabilité de l’action en révision

Dans l’arrêt du 21 juin 2023 (Cass. 1re civ., 21-17.077), la Cour de cassation déclare irrecevable l’action intentée par les héritiers du débiteur pour réviser une prestation compensatoire versée sous forme de rente viagère puis transformée en capital.

Elle précise que, conformément aux articles 280 et 280-1 du Code civil, ces dispositions s’appliquent aux prestations allouées sous forme de rente avant la loi du 26 mai 2004, à condition qu’il n’y ait pas eu de partage définitif de la succession et en l’absence de cet accord, la rente est capitalisée au décès du débiteur, rendant ainsi l’action en révision irrecevable.

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Publié le 12 Juil 2023