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SUCCESSION
Les solutions afin de préserver les intérêts des descendants dans le cadre d’un contrat d’assurance-vie non dénoué lors du décès de l’époux prémourant
Liquidation et partage de successionsLa divulgation de l’existence des contrats d’assurance vie non dénoués, le recours au partage total ou partiel ainsi que le recours à une convention de quasi-usufruit sont utiles à la préservation des intérêts des descendants dans le cadre d’un contrat d’assurance vie non dénoué lors du décès de l’époux prémourant.
Rappels généraux sur le contrat d’assurance vie non dénoué lors du décès de l’époux prémourant
Il est fréquent qu’il existe au jour du décès du premier époux, un contrat d’assurance vie non-dénoué (lorsqu’aucun événement qui permet normalement de mettre fin au contrat ne survient).
Ainsi, lorsque les époux sont mariés sous un régime communautaire, généralement le régime légal à défaut de contrat de mariage, et qu’ils ont souscrit séparément ou conjointement un ou plusieurs contrats d’assurance vie, la valeur de rachat des contrats non dénoués à la date du décès du prémourant intègre l’actif de la communauté (le fameux arrêt Praslicka du 31 mars 1992).
Toutefois, même si la valeur de ce contrat d’assurance-vie non dénoué dépend de la communauté, le survivant dispose du « Titre », ce qui lui permet d’exercer seul le droit de rachat, le droit de demander une avance mais également celui de désigner les bénéficiaires.
Dans un contexte successoral, cette configuration concerne deux types de contrats :
- les assurances-vie souscrites en adhésion simple par le survivant au moyen de deniers communs,
- les contrats souscrits en souscription conjointe prévoyant un dénouement au décès du survivant,
Il existe alors des risques pour les héritiers du conjoint prédécédé, qui ne sont pas toujours informés de l’existence de cet actif commun alors qu’ils disposent d’un droit sur la moitié de la valeur de rachat de ces contrats d’assurance-vie non dénoués dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial de leur parent décédé.
La dissimulation de ce contrat d’assurance vie par le conjoint survivant constitue d’ailleurs un cas de recel de communauté, supposant les sanctions habituelles du recel successoral ou matrimonial.
Il est possible de contourner ces difficultés et le risque de dissimulation en aménageant le régime matrimonial des époux en stipulant par exemple :
- une clause de préciput (article 1515 du code civil),
- un prélèvement moyennant indemnité (article 1511 du code civil),
Cependant, il n’est pas toujours possible d’anticiper cette situation de non-dénouement d’une assurance vie souscrite à l’aide de fonds communs. Certaines solutions complètent la préservation des intérêts des descendants du prémourant.
Les solutions permettant la préservation des intérêts des descendants du prémourant en cas d’assurance-vie non dénouée
La nécessaire divulgation de l’existence des contrats d’assurance vie non dénoués
En pratique, il est fréquent de constater que les assureurs ne communiquent pas toujours aux notaires et aux avocats, les éléments inhérents aux contrats d’assurance vie non dénoués.
Toutefois, le notaire en charge du règlement de la succession peut interroger FICOVIE afin d’identifier les contrats de capitalisation souscrits par le défunt.
En complément, il est possible -et même plutôt aisé- de saisir le Tribunal à l’aide d’un avocat en droit des successions afin d’obtenir toutes les informations relatives à un contrat d’assurance-vie : date de souscription, valeur de rachat, dates et montant du versement des primes, changement de clause bénéficiaire.
Ces possibilités d’information autonome des héritiers n’affranchissent pas le conjoint de son obligation d’informer systématiquement le notaire chargé de la succession, sous peine de se rendre coupable d’un recel de communauté (article 1477 alinéa 1er du code civil) et non d’un recel successoral.
Rappelons que lorsqu’il est reconnu auteur d’un recel de communauté, le conjoint survivant doit indemniser la succession à hauteur de la totalité de la valeur de rachat (et non du contrat lui-même dans la mesure où il est nominativement attaché à la personne du souscripteur).
Le recours au partage total ou partiel
En présence d’un contrat d’assurance-vie non dénoué, il peut être intéressant de ne pas rester en indivision globale et procéder à un partage total ou partiel de la communauté entre le conjoint survivant et la succession.
Il convient alors de procéder à l’attribution du contrat non dénoué dans le lot du conjoint survivant, ce qui présente deux avantages importants.
Sur le plan civil, cela permet d’assurer la protection des descendants du prémourant qui reçoivent immédiatement la contre-valeur du contrat non dénoué par le biais du partage et n’ont pas à attendre le dénouement du contrat au jour du décès du conjoint survivant.
Sur le plan fiscal, cela permet que le contrat attribué au conjoint survivant soit dénoué à son décès de sorte que seuls ses biens propres et les autres biens communs constituent l’actif successoral taxable.
Le recours à une convention de quasi-usufruit portant sur la moitié de la valeur de rachat des contrats d’assurance-vie non dénoués
Afin de préserver les intérêts pécuniaires des enfants lorsque le conjoint survivant dispose d’un usufruit légal ou conventionnel sur la succession du prémourant (et donc sur la moitié de la valeur de rachat du contrat d’assurance-vie, il peut être opportun de conclure une convention de quasi-usufruit entre ce dernier et les héritiers. Cette convention de quasi-usufruit porterait sur les deniers démembrés mais également sur la moitié de la valeur de rachat des contrats d’assurance-vie non dénoués, l’autre moitié appartenant en pleine propriété au conjoint survivant.
En effet, lorsque le conjoint survivant est usufruitier de la succession, rien ne semble interdire de stipuler un quasi-usufruit conventionnel sur la moitié de la valeur de rachat du contrat non dénoué, ce dernier constituant un acquêt de communauté dépendant pour moitié de la succession.
Les enfants pourront ainsi bénéficier d’une créance de restitution, ce qui garantit leurs droits successoraux sur ces contrats dans la succession de l’époux prédécédé.
Par ailleurs la stipulation d’un quasi-usufruit n’a aucune incidence sur les prérogatives que le conjoint exerce sur le contrat puisqu’il en demeure le seul titulaire.
En pratique, cette convention de quasi-usufruit permet d’assurer au mieux la protection des descendants du défunt, lesquels sont certains de recueillir la moitié de la valeur du contrat au décès du survivant par l’exercice de leur créance de restitution.
Par Julia Nennig et Nicolas Graftieaux, le 16 décembre 2024
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