Jurisprudences
Curatelle – Nécessité de vérifier l’authenticité de la signature du contrat d’assurance vie par le curatélaire assisté
Cass. civ. 1ère, 12 juin 2024, n°22-10874
Protection des majeurs (tutelle – curatelle – sauvegarde)
Enseignement de l'arrêt
Une juridiction confrontée à la contestation de l’authenticité de la signature du souscripteur – même assisté de son curateur – doit opérer une vérification avant de statuer sur la validité du contrat attribué au curatélaire.
Faits de l’espèce
Monsieur L. est placé sous mesure de curatelle. Son fils et son neveu sont désignés co-curateurs.
En 2014, le fils curateur donne seul son assistance pour la souscription d’un contrat d’assurance-vie au nom du curatélaire.
Au décès de Monsieur L., son frère se prévaut d’un testament olographe le désignant légataire universel. Il initie en parallèle une instance en nullité du contrat d’assurance-vie et en restitution des sommes versées à ce titre (cette instance est reprise par ses héritiers, son décès intervenant en cours de procédure).
La Cour d’appel de Paris valide le contrat d’assurance-vie et déboute les héritiers du frère de Monsieur L. de ses demandes au titre des contrats d’assurance-vie. Elle retient que « la signature du curateur a été apposée à côté d’une signature qui, à ce stade, est attribuée à la personne protégée et qu’il sera répondu postérieurement à la contestation de son authenticité » : elle semble ainsi considérer que la signature du curateur assistant le curatélaire assure la validité de l’opération.
Un pourvoi est formé.
Position de la Cour de cassation
La Cour de cassation rappelle, qu’aux termes de l’article 465 du Code civil (alinéa 1er 4°), si le tuteur ou le curateur a accompli seul un acte qui aurait dû être fait par la personne protégée soit seule, soit avec son assistance ou qui ne pourrait être accompli qu’avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué, l’acte est nul de plein droit sans qu’il soit nécessaire de justifier d’un préjudice.
« A compter de la publicité du jugement d’ouverture, l’irrégularité des actes accomplis par la personne protégée ou par la personne chargée de la protection est sanctionnée dans les conditions suivantes :
1° Si la personne protégée a accompli seule un acte qu’elle pouvait faire sans l’assistance ou la représentation de la personne chargée de sa protection, l’acte reste sujet aux actions en rescision ou en réduction prévues à l’article 435 comme s’il avait été accompli par une personne placée sous sauvegarde de justice, à moins qu’il ait été expressément autorisé par le juge ou par le conseil de famille s’il a été constitué ;
2° Si la personne protégée a accompli seule un acte pour lequel elle aurait dû être assistée, l’acte ne peut être annulé que s’il est établi que la personne protégée a subi un préjudice ;
3° Si la personne protégée a accompli seule un acte pour lequel elle aurait dû être représentée, l’acte est nul de plein droit sans qu’il soit nécessaire de justifier d’un préjudice ;
4° Si le tuteur ou le curateur a accompli seul un acte qui aurait dû être fait par la personne protégée soit seule, soit avec son assistance ou qui ne pouvait être accompli qu’avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué, l’acte est nul de plein droit sans qu’il soit nécessaire de justifier d’un préjudice.
Le curateur ou le tuteur peut, avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué, engager seul l’action en nullité, en rescision ou en réduction des actes prévus aux 1°, 2° et 3°.
Dans tous les cas, l’action s’éteint par le délai de cinq ans prévu à l’article 2224.
Pendant ce délai et tant que la mesure de protection est ouverte, l’acte prévu au 4° peut être confirmé avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué. »
La Cour de cassation considère néanmoins qu’il revenait à la Cour d’appel de procéder à la vérification de l’authenticité des signatures avant de statuer sur la validité du contrat d’assurance-vie.
La Cour d’appel a voulu statuer trop rapidement sur la validité du contrat alors qu’il existait une suspicion sur la paternité des signatures.
La Cour de cassation rappelle ainsi que l’assistance du curateur n’a aucun effet sur la purge des causes de nullité des contrats (vice ou absence de consentement du curatélaire).
S’il s’avère – après les vérifications de signature – que le curateur (ou le tuteur) a accompli seul un acte qui aurait dû l’être par la personne protégée soit seule, soit avec son assistance ou qui nécessitait l’autorisation du juge ou du conseil de famille, l’acte passé en dépassement de pouvoir est nul de plein droit sans qu’il soit nécessaire de justifier d’un préjudice.