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Droit des successions

Succession – Délai de prescription de l’action en recel successoral

Cass. civ. 1ere, 5 mars 2025, n°23-10.360

Liquidation et partage de successions

Enseignement de l'arrêt

L’action en recel successoral se prescrit par 5 ans à compter de la découverte du fait permettant d’exercer l’action.

Cadre légal du recel successoral

Définition

Le recel successoral vise toutes les fraudes au moyen desquelles un héritier cherche, au détriment de ses cohéritiers, à rompre l’égalité du partage, soit qu’il divertisse des effets de la succession en se les appropriant indûment, soit qu’il les recèle en dissimulant sa possession (Civ., 1ère, 5 mars 2014, N° 13/14197).

Le recel se caractérise par deux éléments, un matériel, un intentionnel.

  • l’élément matériel du recel fait l’objet d’une interprétation extensive par la jurisprudence qui se contente de tout procédé frauduleux, quel qu’il soit : antérieur ou postérieur au décès, dès lors que les effets se sont poursuivis après l’ouverture de la succession (Cass., 1ère Civ., 28 juin 1961). C’est la rétention postérieure au décès qui finalise le recel (Cass., 1ère Civ., 14 juin 1965). Toute dissimulation de « biens ou droits d’une succession » est susceptible d’être qualifiée de recel. 
  • l’élément moral du recel impose la démonstration de l’intention frauduleuse de l’héritier receleur. Le recel successoral sanctionne donc l’omission volontaire de l’héritier (Civ. 1ère, 20 septembre 2006, n°04-20614, Bull. I n°415).

Par exemple, la cour d’appel de Besançon retient l’intention frauduleuse de l’héritier receleur au motif que celui-ci n’a pas révélé spontanément le virement dont il avait bénéficié, qui n’a été découvert qu’à la suite d’investigations menées auprès des banques (19 mars 2014,n°13/00116).

Sanctions

L’article 778 du Code civil dispose que :

« Sans préjudice de dommages et intérêts, l’héritier qui a recelé des biens ou des droits d’une succession ou dissimulé l’existence d’un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l’actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l’héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l’auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier.

Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l’héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part.L’héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l’ouverture de la succession. »

Au regard de cet article, l’héritier recel encourt trois types de sanction 

  • il est réputé accepter purement et simplement la succession,
  • il ne peut prétendre à aucune part dans les biens et droits objets du recel,
  • il doit restituer tous les fruits et revenus produits par les biens recelés depuis le décès,

Délai de prescription

Aucun texte ne précise le délai spécifique de prescription de l’action en recel successoral.

Deux solutions ont été proposées par la jurisprudence et la doctrine :

  • l’application du délai de prescription de droit commun de 5 ans de l’article 2224 du code civil,
  • l’extension du  délai relatif à la prescription du droit d’option soit 10 ans,

La jurisprudence a enfin fixé ce point dans un arrêt du 5 mars 2025.

Arrêt du 5 mars 2025 : la fin du doute

Faits

En l’espèce Mme X décède le 15 novembre 2012 laissant pour lui succéder :

  • Bernard,
  • Yves lequel décède en 2018 laissant pour lui succéder un légataire universel.

En 2020, Bernard assigne le légataire universel de son frère d’une contestation en recel successoral commis par Yves. La Cour d’appel considère l’action prescrite.

Prescription de droit commun et point de départ

La Cour de Cassation confirme la décision de la Cour d’appel précisant que l’action en recel successorale, qui est une action personnelle, est soumise à la prescription quinquennale de droit commun de l’article 2224 du code civil.

L’article 2224 du code civil dispose que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. »

Cet article le pose le principe du délai de prescription de droit commun de 5 ans et de son point de départ qui est dit « glissant ». En effet, le point de départ de ce délai est le jour ou le titulaire connait ou aurait dû connaître le fait à l’origine de l’action qu’il souhaite exercer.

Application au cas d’espèce

En l’occurrence, dès le 14 mars 2014 Bernard a détecté des mouvements bancaires suspects lui permettant d’exercer son action en recel contre son frère.

Il a donc eu connaissance du fait lui permettant d’exercer son action à cette date qui constitue le point de départ de la prescription de son action en recel.

Ainsi, au mois de janvier 2020, cette action est bien prescrite, car postérieure au 14 mars 2019, terme du délai de prescription de l’action initiée par Bernard.

Il est donc conseillé à l’héritier qui envisage de soulever le recel de son cohéritier de ne pas tarder à envisager une action judiciaire, dès lors qu’il a connaissance des éléments permettant de caractériser un recel.