Guide Pratique
Successions
Partie 9 - Acceptation de la succession et exercice de l’option successorale
L'option successorale des héritiers
Quelles sont les options ouvertes aux héritiers ?
Lorsqu’ils sont appelés à recueillir une succession, les héritiers ont le choix entre trois options principales. Ils sont, en principe, libres de choisir parmi celles-ci.
L’acceptation pure et simple
L’acceptation pure et simple de la succession est la plus commune et la plus simple des trois options. Elle est aussi la plus lourde de conséquences.
Effets de l’acceptation pure et simple
En acceptant purement et simplement la succession, l’héritier accepte de recevoir la part qui lui revient dans l’actif successoral. Il s’engage corrélativement à répondre indéfiniment des dettes et charges de la succession (article 785 du code civil).
« L’héritier universel ou à titre universel qui accepte purement et simplement la succession répond indéfiniment des dettes et charges qui en dépendent.
Il n’est tenu des legs de sommes d’argent qu’à concurrence de l’actif successoral net des dettes. »
L’héritier acceptant purement et simplement est donc tenu au passif de la succession au-delà même de l’actif dont il hérite. En clair, si les dettes de la succession sont supérieures à l’actif héréditaire, l’héritier sera tenu d’acquitter ses dettes successorales sur son patrimoine personnel. Cette option peut donc s’avérer dangereuse.
Dans le cas contraire, c’est-à-dire lorsque l’actif est supérieur au passif, l’héritier reçoit sa part de l’actif net (actif – passif).
Pour préserver leur capacité de remboursement des dettes de la succession la loi autorise les héritiers acceptant à ne délivrer d’éventuels legs de somme d’argent qu’après déduction des dettes. Dit autrement, les héritiers acceptant ne sont tenus de délivrer les legs de sommes d’argent à des tiers qu’à concurrence de l’actif successoral net.
En savoir plus sur la délivrance de legsIntérêt de l’acceptation pure et simple
Cette option est la plus commune. Elle est d’abord la plus simple à mettre en œuvre et celle qui permet de percevoir les fonds successoraux plus rapidement. Elle est surtout la plus pertinente lorsque l’actif de la succession est manifestement supérieur au passif.
Forme
L’acceptation pure et simple d’une succession peut être expresse ou tacite, selon les termes de l’article 782 du code civil.
« L’acceptation pure et simple peut être expresse ou tacite. Elle est expresse quand le successible prend le titre ou la qualité d’héritier acceptant dans un acte authentique ou sous seing privé. Elle est tacite quand le successible saisi fait un acte qui suppose nécessairement son intention d’accepter et qu’il n’aurait droit de faire qu’en qualité d’héritier acceptant.»
Acceptation expresse
L’acceptation pure et simple est expresse lorsque l’héritier déclare formellement accepter la succession. Cette acceptation peut, par exemple, résulter d’une mention portée dans l’acte de notoriété ou dans la déclaration de succession.
En savoir plus sur l’acte de notoriété En savoir plus sur la déclaration de successionUne simple mention dans un acte sous seing privé (acte non notarié, portant la signature de son auteur), pour peu qu’il soit daté (permettant alors de s’assurer que l’exercice de l’option ait été réalisé dans les délais), peut également constituer une acceptation expresse de la succession.
L’acceptation pure et simple de la succession ne peut en revanche pas résulter d’une simple déclaration verbale.
Acceptation tacite
Attention : l’acceptation pure et simple de la succession peut également être tacite. Elle est la seule branche de l’option successorale qui peut être exercée tacitement, à l’insu de l’héritier. C’est là que réside le grand danger de cette option, notamment en cas de succession déficitaire.
Certains actes effectués par l’héritier seront admis comme entraînant une acceptation pure et simple tacite de la succession par ce dernier, même s’il ne l’a pas voulu.
Pour ce faire, l’acte litigieux doit n’avoir pu être réalisé qu’en qualité d’héritier acceptant pur et simple. La réalisation de l’acte doit porter en elle la manifestation de la volonté de l’héritier d’accepter purement et simplement la succession. En pratique, la distinction entre les actes réalisés peut être compliquée à réaliser et il revient au pouvoir souverain des juges du fond de la déterminer.
Nous présentons quelques exemples issus de la jurisprudence et de la pratique des dossiers du cabinet devant les tribunaux sur ce sujet.
Les actes entraînant une acceptation tacite
- La cession de droits successifs
« Toute cession, à titre gratuit ou onéreux, faite par un héritier de tout ou partie de ses droits dans la succession emporte acceptation pure et simple.
Il en est de même de :
1° de la renonciation, même gratuite, que fait un héritier au profit d’un ou de plusieurs de ses cohéritiers ou héritier de rang subséquent ;
2° de la renonciation qu’il fait, même au profit de tous ses cohéritiers ou héritiers de rang subséquent indistinctement, à titre onéreux ».
Cette règle est assez aisée à appréhender : il n’est possible de céder que les droits dont on est titulaire. Ainsi, l’héritier qui cède ses droits successifs a forcément, en amont, accepté purement et simplement la succession, faute de quoi il n’aurait jamais été titulaire des droits qu’il cède.
- La renonciation onéreuse
Cela semble paradoxal au premier abord : la renonciation, faite dans certaines circonstances, peut valoir acceptation pure et simple de la succession.
Ainsi, toute renonciation faite à titre onéreux, voire les renonciations faite à titre gratuit mais au profit de certains héritiers, peuvent emporter acceptation de la succession.
Le critère d’appréciation du juge réside dans la recherche de la volonté de l’héritier renonçant de transmettre sa part à une personne déterminée. Le choix ou la désignation d’un bénéficiaire par le premier héritier suppose une volonté de « diriger » les actifs successoraux, supposant une appréhension même purement juridique, même un instant de raison de ces actifs.
- Actes divers d’acceptation tacite de succession
D’autres actes ont pu être admis comme emportant acceptation tacite de la succession (liste non exhaustive) :
- demande en partage formée judiciairement (attention : le désistement à l’action en partage ne permet pas de revenir sur l’acceptation pure et simple) ;
- délivrance d’un legs à un légataire ;
- la vente d’un bien successoral, à moins que l’héritier prouve qu’il ignorait que le bien dépendait de la succession (Civ 1ère., 17 mai 1977, Bull. I n°239) ;
- transaction passée avec l’administration fiscale sur le montant des dettes successorales (voir 1ère Civ., 7 juin 1995, n°93-14.596, Bull. I n°245) ;
- prise de possession d’un bien successoral ;
- réparations, démolitions, et constructions non urgentes et non nécessaires sur un bien immeuble dépendant de la succession.
Les actes n’entraînant pas une acceptation tacite de la succession
Classiquement, les actes conservatoires ou de simple surveillance n’emportent pas acceptation de la succession, dès lors que l’auteur de l’acte n’a pas pris le titre ou la qualité d’héritier pour le passer, comme le précise l’article 784 du code civil.
« Le paiement des frais funéraires et de dernière maladie, des impôts dus par le défunt, des loyers et autres dettes successorales dont le règlement est urgent ».
Certains actes sont ainsi présumés « purement conservatoires ».
Il s’agit :
- du paiement des frais funéraires et de dernière maladie, des impôts dus par le défunt (taxe d’habitation, de la taxe foncière, de l’impôt sur le revenu, etc.) ;
- du recouvrement des fruits et revenus des biens successoraux ou la vente des biens périssables, à charge de justifier que les fonds ont été employés à éteindre les dettes visées au 1° ou ont été déposés chez un notaire ou consignés ;
- des actes destinés à éviter l’aggravation du passif successoral ;
- des actes liés à la rupture du contrat de travail du salarié du particulier employeur décédé, au paiement des salaires et indemnités dus au salarié ainsi que la remise des documents de fin de contrat.
L’héritier qui réalise l’un de ces actes n’est pas réputé avoir accepté purement et simplement la succession de façon tacite. Il peut encore exercer son option comme il le souhaite et ainsi renoncer à la succession s’il le souhaite.
Irrévocabilité de l’acceptation pure et simple de la succession
Aux termes de l’article 786 du code civil, l’acceptation pure et simple de la succession, qu’elle ait été réalisée expressément ou tacitement, ne peut être rétractée par l’héritier. Ainsi, il ne peut ni renoncer à la succession postérieurement, ni même l’accepter à concurrence de l’actif net.
« L’héritier acceptant purement et simplement ne peut plus renoncer à la succession ni l’accepter à concurrence de l’actif net.
Toutefois, il peut demander à être déchargé en tout ou partie de son obligation à une dette successorale qu’il avait des motifs légitimes d’ignorer au moment de l’acceptation, lorsque l’acquittement de cette dette aurait pour effet d’obérer gravement son patrimoine personnel.
L’héritier doit introduire l’action dans les cinq mois du jour où il a eu connaissance de l’existence et de l’importance de la dette. »
Cependant, il est permis à l’héritier acceptant pur et simple d’être déchargé d’une partie des dettes successorales, à condition de prouver :
- qu’il avait, au moment où il a exercé son option, des motifs légitimes d’ignorer les dettes en question ;
- et que le payement de cette dette aurait pour effet de porter une atteinte substantielle à son patrimoine personnel.
La jurisprudence a pu préciser que la dette en question doit être née du fait du défunt avant le décès. Les héritiers acceptant ne peuvent demander à être déchargés des dettes nées après le décès, quand bien même ils n’en auraient pas eu connaissance.
L’acceptation pure et simple sanction du recel
Le choix entre les options successorales est libre pour les héritiers.
Par exception, un héritier peut être contraint d’accepter purement et simplement la succession s’il s’est rendu coupable de recel successoral ou de recel d’héritier. Aux termes de l’article 778 alinéa 1 du Code civil, il est alors réputé inexorablement accepter purement et simplement la succession.
En savoir plus sur le recel successoral« Sans préjudice de dommages et intérêts, l’héritier qui a recelé des biens ou des droits d’une succession ou dissimulé l’existence d’un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l’actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l’héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l’auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier.
Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l’héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part.
L’héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l’ouverture de la succession. »
En outre, en pareille hypothèse, l’héritier receleur subit classiquement la sanction du recel de succession et ne reçoit aucune part sur les biens ou droits recelés. La sanction est donc lourde, en ce qu’elle réduit l’actif revenant à l’héritier receleur, sans diminution corrélative du passif.
L’acceptation à concurrence de l’actif net
L’acceptation à concurrence de l’actif net constitue une voie souvent considérée comme « médiane » entre l’acceptation pure et simple et la renonciation. Il s’agit plus en réalité d’une mesure de temporisation protectrice des intérêts de l’héritier qui hésiterait sur la conduite à tenir vis-à-vis de la succession.
Effets
L’article 791 du code civil précise les trois avantages de l’acceptation à concurrence de l’actif net :
- éviter la confusion entre les biens personnels de l’héritier et ceux dépendant de la succession ;
- conserver contre la succession tous les droits que l’héritier avait contre le défunt antérieurement au décès ;
- n’être tenu au paiement des dettes successorales que jusqu’à concurrence de la valeur des biens qu’il a recueillis.
« L’acceptation à concurrence de l’actif net donne à l’héritier l’avantage :
1° D’éviter la confusion de ses biens personnels avec ceux de la succession ;
2° De conserver contre celle-ci tous les droits qu’il avait antérieurement sur les biens du défunt ;
3° De n’être tenu au paiement des dettes de la succession que jusqu’à concurrence de la valeur des biens qu’il a recueillis. »
Intérêt de l’acceptation de la succession à concurrence de l’actif net
En cas de doute sur le caractère bénéficiaire de la succession, l’acceptation à concurrence de l’actif net est l’option la plus prudente et la moins définitive.
S’il n’est pas possible d’accepter que l’actif de la succession, dans la mesure où la succession est indivisible (actif et passif) il est possible, via l’acceptation à concurrence de l’actif net, de limiter son obligation au passif.
L’héritier acceptant à concurrence de l’actif net n’est pas tenu indéfiniment des dettes successorales. Il n’est tenu que dans la mesure des biens recueillis.
Irrévocabilité partielle de l’acceptation à concurrence de l’actif net de la succession
Une fois que l’héritier a accepté la succession à concurrence de l’actif net, il ne peut plus y renoncer postérieurement.
Cependant, il peut, dans le délai de prescription de l’option successorale, accepter purement et simplement la succession (article 801 du code civil), notamment s’il s’aperçoit que l’actif est supérieur au passif.
« Tant que la prescription du droit d’accepter n’est pas acquise contre lui, l’héritier peut révoquer son acceptation à concurrence de l’actif net en acceptant purement et simplement. Cette acceptation rétroagit au jour de l’ouverture de la succession.
L’acceptation à concurrence de l’actif net empêche toute renonciation à la succession. »
Formalisme et procédure afin d’acceptation de la succession à concurrence de l’actif net
Déclaration au greffe
Conformément à l’article 788 du Code civil, l’acceptation d’une succession à concurrence de l’actif net doit être faite par le biais d’une déclaration auprès du greffe du tribunal judiciaire dans le ressort duquel le défunt avait son dernier domicile ou devant notaire. Le recours à un avocat est utile avant cette décision et pour y procéder.
Cette déclaration est ensuite publiée nationalement, pour permettre aux créanciers de faire connaître leur qualité et d’obtenir le payement de leurs créances.
« La déclaration doit être faite au greffe du tribunal judiciaire dans le ressort duquel la succession est ouverte ou devant notaire. Elle comporte élection d’un domicile unique, qui peut être le domicile de l’un des acceptants à concurrence de l’actif net, ou celui de la personne chargée du règlement de la succession. Le domicile doit être situé en France.
La déclaration est enregistrée et fait l’objet d’une publicité nationale, qui peut être faite par voie électronique. »
Inventaire de la succession
Les articles 789 et 790 du code civil imposent l’établissement d’un inventaire du patrimoine successoral (actif et passif) en cas d’acceptation à concurrence de l’actif net. Celui-ci doit être établi par un commissaire-priseur, un huissier ou un notaire, et doit être déposé au tribunal judiciaire dans les deux mois qui suivent la déclaration d’acceptation à concurrence de l’actif net.
Ce délai peut être prorogé si l’héritier justifie de motifs sérieux et légitimes retardant l’établissement de l’inventaire. Ce dernier est également publié.
L’article 790 du code civil sanctionne lourdement le non-respect du délai de 2 mois pour déposer l’inventaire (à défaut de demande de prorogation) : l’héritier est réputé acceptant pur et simple.
En savoir plus sur l’inventaire de la succession« La faculté d’accepter ou de répudier une succession se prescrit par le laps de temps requis pour la prescription la plus longue des droits immobiliers. »
« L’inventaire est déposé au tribunal dans le délai de deux mois à compter de la déclaration.
L’héritier peut solliciter du juge un délai supplémentaire s’il justifie de motifs sérieux et légitimes qui retardent le dépôt de l’inventaire. En ce cas, le délai de deux mois est suspendu à compter de la demande de prorogation.
Le dépôt de l’inventaire est soumis à la même publicité que la déclaration.
Faute d’avoir déposé l’inventaire dans le délai prévu, l’héritier est réputé acceptant pur et simple.
Les créanciers successoraux et légataires de sommes d’argent peuvent, sur justification de leur titre, consulter l’inventaire et en obtenir copie. Ils peuvent demander à être avisés de toute nouvelle publicité. »
La renonciation à la succession
Effets de la renonciation à succession
L’héritier qui renonce à une succession est réputé n’avoir jamais été héritier (article 805 du code civil).
« L’héritier qui renonce est censé n’avoir jamais été héritier.
Sous réserve des dispositions de l’article 845, la part du renonçant échoit à ses représentants ; à défaut, elle accroît à ses cohéritiers ; s’il est seul, elle est dévolue au degré subséquent. »
Il n’est donc pas tenu aux dettes de la succession. Cependant, si le défunt est un ascendant ou descendant de l’héritier renonçant, ce dernier est tenu, au titre de l’article 806 du code civil, de payer les frais funéraires du défunt, à proportion de ses moyens.
« Le renonçant n’est pas tenu au paiement des dettes et charges de la succession. Toutefois, il est tenu à proportion de ses moyens au paiement des frais funéraires de l’ascendant ou du descendant à la succession duquel il renonce ».
La part qui lui était dévolue est ainsi transmise à ses représentants, et à défaut de représentant, elle accroît la part de ses cohéritiers. À défaut de tels cohéritiers, sa part échoit aux héritiers de rang subséquent.
En savoir plus sur l'ordre successoralDans la mesure où l’exercice de l’option successorale est libre, il n’est pas possible de contraindre un héritier à renoncer à la succession. Il est toutefois possible de contraindre un héritier à prendre position.
Intérêt
En cas de succession déficitaire : protection de l’héritier
L’intérêt de la renonciation en cas de balance déficitaire de la succession est évident : l’héritier renonçant n’est pas tenu aux dettes successorales, supérieures par hypothèse à l’actif. En toute logique, si tous les héritiers renoncent à la succession en cas de balance déficitaire, la succession devient donc vacante.
En savoir plus sur les successions vacantesEn cas de succession bénéficiaire : optimisation de la transmission intergénérationnelle du patrimoine
La renonciation d’un point de vue civil
En cas de succession bénéficiaire, la renonciation peut apparaître surprenante. Cependant, elle peut être motivée par une volonté de transmission intergénérationnelle du patrimoine. L’augmentation de l’espérance de vie a eu pour effet de retarder l’âge moyen auquel les ayants-droit héritent. Les parents, héritant de leurs propres parents à un âge où ils n’en ont plus besoin, peuvent souhaiter que la succession soit directement recueillie par les petits-enfants.
Dans un tel schéma, l’enfant du de cujus renonce à la succession. Les enfants du renonçant venant en représentation de celui-ci ont vocation à recevoir directement la succession de leur grand-parent. La transmission du patrimoine « saute » ainsi une génération.
La renonciation d’un point de vue fiscal
Fiscalement, l’opération peut être intéressante si elle est bien menée.
En effet, d’un côté, l’héritier renonçant est affranchi de l’obligation d’acquitter les droits de mutation par décès.
De l’autre, les héritiers qui recueillent la part de succession (les petits enfants du défunt dans notre hypothèse) sont quant à eux redevables des droits de succession avec un double mécanisme :
- les droits de succession sont liquidés en fonction du barème applicable entre le défunt et l’héritier acceptant (et non le renonçant),
- le jeu de la représentation permet aux représentants de bénéficier de l’abattement personnel du renonçant à l’égard du défunt. Cet abattement se répartit entre les héritiers selon leurs droits légaux.
Pour rappel, l’abattement entre un parent et son enfant est de 100 000 €, tandis que l’abattement entre un grand-parent et son petit-enfant est de 1 594€. L’intérêt fiscal est évident.
Il est précisé toutefois que la règle de représentation ne s’applique pas lorsque le renonçant est enfant unique ; les descendants succèdent alors de leur propre chef et non à la place de renonçant : ils ne bénéficient pas de l’abattement.
L’administration fiscale avait admis un tempérament en acceptant de faire bénéficier de l’abattement les descendants d’un héritier enfant unique prédécédé au de cujus. Elle semble pour l’heure ne pas élargir ce tempérament au cas de la renonciation de l’héritier unique.
Ainsi menée, la transmission se fait sur deux générations en ne subissant qu’une seule fiscalité.
Il faut cependant être extrêmement précautionneux sur la manière de mener ces opérations. Il convient en effet que l’administration fiscale ne puisse pas déterminer que la renonciation a été opérée pour avantager un ou des héritiers en particulier. Dit autrement, la renonciation est une opération personnelle, centrée sur les seuls intérêts du renonçant qui ne doit pas rechercher ou anticiper les effets de sa renonciation sur les bénéficiaires finaux.
A défaut, l’administration fiscale déterminera l’existence d’une intention libérale du renonçant au bénéfice de ses propres héritiers. Cette intention libérale, qui est le premier élément de la définition de la donation, ouvre la voie à une double taxation : du de cujus (le défunt) vers l’héritier « renonçant » puis de ce dernier vers ses propres héritiers. La sanction fiscale est lourde puisque le renonçant paie pour un patrimoine qu’il n’a jamais détenu. La renonciation « positive » doit donc être menée avec stratégie et précaution.
Forme
Comment renoncer à une succession ?
L’article 804 du code civil précise que la renonciation « ne se présume pas ». Elle doit donc être adressée ou déposée au tribunal judiciaire dans le ressort duquel le défunt avait son dernier domicile ou être faite devant notaire.
« La renonciation à une succession ne se présume pas.
Pour être opposable aux tiers, la renonciation opérée par l’héritier universel ou à titre universel doit être adressée ou déposée au tribunal dans le ressort duquel la succession s’est ouverte ou faite devant notaire.
Dans le mois suivant la renonciation, le notaire qui l’a reçue en adresse copie au tribunal dans le ressort duquel la succession s’est ouverte. »
Cependant, l’alinéa 2 de l’article 780 du même code précise que : « l’héritier qui n’a pas pris parti dans ce délai [le délai de prescription de l’option successorale] est réputé renonçant ».
La faculté d’option se prescrit par dix ans à compter de l’ouverture de la succession.
L’héritier qui n’a pas pris parti dans ce délai est réputé renonçant.
La prescription ne court contre l’héritier qui a laissé le conjoint survivant en jouissance des biens héréditaires qu’à compter de l’ouverture de la succession de ce dernier.
La prescription ne court contre l’héritier subséquent d’un héritier dont l’acceptation est annulée qu’à compter de la décision définitive constatant cette nullité.
La prescription ne court pas tant que le successible a des motifs légitimes d’ignorer la naissance de son droit, notamment l’ouverture de la succession.
Ainsi, la renonciation à la succession peut être soit expresse : par dépôt d’une déclaration au tribunal ou devant notaire, soit tacite : par le simple écoulement du temps, sans prendre parti.
Possibilité de revenir sur une renonciation à succession
Aux termes de l’article 807 alinéa 1 du Code civil, lorsqu’un héritier a renoncé à la succession, il peut revenir sur son choix et accepter purement et simplement la succession sous certaines conditions. Il ne peut toutefois pas l’accepter à concurrence de l’actif net.
La possibilité d’accepter purement et simplement la succession n’est cependant offerte à l’héritier renonçant que sous une triple condition de délai :
- le délai de prescription de l’option ne doit pas avoir expiré ;
- 30 ans si le défunt est décédé avant le 1er janvier 2007 ;
- 10 ans si le défunt est décédé après le 1er janvier 2007 ;
- aucun autre héritier ne doit avoir accepté la succession dans l’intervalle ;
- l’État ne doit pas avoir été envoyé en possession de la succession.
« Tant que la prescription du droit d’accepter n’est pas acquise contre lui, l’héritier peut révoquer sa renonciation en acceptant la succession purement et simplement, si elle n’a pas été déjà acceptée par un autre héritier ou si l’Etat n’a pas déjà été envoyé en possession.
Cette acceptation rétroagit au jour de l’ouverture de la succession, sans toutefois remettre en cause les droits qui peuvent être acquis à des tiers sur les biens de la succession par prescription ou par actes valablement faits avec le curateur à la succession vacante. »
L’option spéciale ouverte au conjoint survivant
Comme les autres héritiers, le conjoint survivant peut accepter purement et simplement la succession, ou seulement à concurrence de l’actif net, ou encore y renoncer. Dans les trois cas, il agit sur le principe de ses droits successoraux. Cependant, il dispose, en outre, d’une option impactant le quantum de ses droits dans la succession de son époux.
Lorsque l’époux prédécédé laisse des enfants communs, l’article 757 du code civil offre un choix au conjoint survivant :
- soit il récupère l’usufruit de la totalité des biens successoraux ;
- soit il obtient la pleine propriété du quart des biens successoraux.
« Si l’époux prédécédé laisse des enfants ou descendants, le conjoint survivant recueille à son choix, l’usufruit de la totalité des biens existants ou la propriété du quart des biens lorsque tous les enfants sont issus des deux époux et la propriété du quart en présence d’un ou plusieurs enfants qui ne sont pas issus des deux époux ».
Cette option n’est cependant ouverte qu’au conjoint survivant qui est également parent des enfants du défunt. Si le défunt laisse des enfants non communs, alors l’option du conjoint survivant se referme et celui-ci n’aura droit qu’à la propriété du quart des biens successoraux.
Quel est le délai pour exercer son option sur la succession ?
L’exercice de l’option successorale est enfermé dans plusieurs délais.
Interdiction d’exercice de l’option ante mortem
Il est tout d’abord strictement interdit d’exercer son option avant le décès du défunt (article 770 du Code civil).
« L’option ne peut être exercée avant l’ouverture de la succession, même par contrat de mariage ».
Il n’est donc pas permis de renoncer par anticipation à une succession, ni de déclarer l’accepter purement et simplement ou à concurrence de l’actif net avant le décès du défunt.
Une telle interdiction est fondée notamment sur l’interdiction des pactes sur succession future. Il n’est pas permis, en droit français, de disposer des droits à venir d’une succession non encore ouverte.
Délai pour contraindre un héritier à opter
Après le décès, il est possible de contraindre un héritier à opter, mais seulement à l’issue d’un délai de 4 mois à compter du décès. L’article 771 du code civil permet ainsi à tout créancier de la succession, tout cohéritier, tout héritier de rang subséquent ou à l’État de contraindre l’héritier à exercer son option à l’issue de ce délai. Une simple lettre recommandée suffit à valoir sommation de prendre parti.
« L’héritier ne peut être contraint à opter avant l’expiration d’un délai de quatre mois à compter de l’ouverture de la succession.
A l’expiration de ce délai, il peut être sommé, par acte extrajudiciaire, de prendre parti à l’initiative d’un créancier de la succession, d’un cohéritier, d’un héritier de rang subséquent ou de l’Etat. »
La prescription de l’option successorale
Le droit d’option de l’héritier est soumis à une prescription qui diffère selon la date du décès du défunt. La loi n°2006-728 du 23 juin 2006 a porté réforme du droit des successions et a, notamment, réduit le délai de prescription de l’option successorale. Une difficulté s’est posée quant à son application dans le temps. Celle-ci a été résolue par la Cour de cassation dans un arrêt du 12 février 2020 (1ère Civ., 12 février 2020, n° 19-11.668).
Les successions ouvertes avant le 1er janvier 2007
La succession s’ouvre au jour du décès du défunt, selon l’article 720 du code civil. Ainsi, les successions ouvertes avant le 1er janvier 2007 (date d’entrée en vigueur de la loi du 23 juin 2006) concernent les successions des personnes décédées avant le 1er janvier 2007.
« Les successions s’ouvrent par la mort, au dernier domicile du défunt. »
Pour ces successions, l’héritier peut exercer son option pendant les 30 années qui suivent le décès, selon l’ancien article 789 du code civil, qui renvoyait à l’ancien article 2262 du même code.
« La faculté d’accepter ou de répudier une succession se prescrit par le laps de temps requis pour la prescription la plus longue des droits immobiliers. »
« Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d’en rapporter un titre ou qu’on puisse lui opposer l’exception déduite de la mauvaise foi. »
Les successions ouvertes après le 1er janvier 2007
La succession s’ouvre au jour du décès du défunt, selon l’article 720 du code civil. Ainsi, les successions ouvertes après le 1er janvier 2007 (date d’entrée en vigueur de la loi du 23 juin 2006) concernent les successions des personnes décédées à compter du 1er janvier 2007.
« Les successions s’ouvrent par la mort, au dernier domicile du défunt. »
Pour ces successions, l’héritier peut exercer son option pendant les 10 années qui suivent le décès, aux termes de l’article 780 du code civil.
La faculté d’option se prescrit par dix ans à compter de l’ouverture de la succession.
L’héritier qui n’a pas pris parti dans ce délai est réputé renonçant.
La prescription ne court contre l’héritier qui a laissé le conjoint survivant en jouissance des biens héréditaires qu’à compter de l’ouverture de la succession de ce dernier.
La prescription ne court contre l’héritier subséquent d’un héritier dont l’acceptation est annulée qu’à compter de la décision définitive constatant cette nullité.
La prescription ne court pas tant que le successible a des motifs légitimes d’ignorer la naissance de son droit, notamment l’ouverture de la succession.
Qui peut exercer son option sur la succession ?
L’héritier mineur
L’héritier mineur est incapable civilement. À ce titre, il ne peut pas accepter ni renoncer à une succession de son seul chef. Son patrimoine est classiquement géré par ses deux parents, sauf cas particulier. Ceux-ci peuvent faire un certain nombre d’actes en son nom.
S’agissant de l’exercice de l’option successorale au nom d’un enfant mineur, les solutions divergent selon l’option exercée :
- en cas d’acceptation pure et simple : les parents doivent s’accorder entre eux, et à défaut, solliciter de la part du juge des tutelles l’autorisation d’accepter purement et simplement la succession au nom de leur enfant (article 387-1 du Code civil) ;
« L’administrateur légal ne peut, sans l’autorisation préalable du juge des tutelles :
[…]
4° Renoncer pour le mineur à un droit, transiger ou compromettre en son nom ;
5° Accepter purement et simplement une succession revenant au mineur ;
[…] »
- en cas d’acceptation à concurrence de l’actif net : chaque parent peut seul accepter la succession au nom de son enfant à concurrence de l’actif net, dans la mesure où il s’agit d’un acte d’administration (article 382-1 du code civil) ;
« Lorsque l’administration légale est exercée en commun par les deux parents, chacun d’eux est réputé, à l’égard des tiers, avoir reçu de l’autre le pouvoir de faire seul les actes d’administration portant sur les biens du mineur.
La liste des actes qui sont regardés comme des actes d’administration est définie dans les conditions de l’article 496. »
- en cas de renonciation : les parents, même s’ils s’accordent pour renoncer à la succession au nom de leur enfant, doivent préalablement en solliciter l’autorisation de la part du juge des tutelles.
« Par dérogation à l’article 768, le tuteur ne peut accepter une succession échue à la personne protégée qu’à concurrence de l’actif net. Toutefois, le conseil de famille ou, à défaut, le juge peut, par une délibération ou une décision spéciale, l’autoriser à accepter purement et simplement si l’actif dépasse manifestement le passif.
Le tuteur ne peut renoncer à une succession échue à la personne protégée sans une autorisation du conseil de famille ou, à défaut, du juge. »
L’héritier placé sous un régime de protection (tutelle, curatelle, sauvegarde de justice)
L’héritier placé sous sauvegarde de justice
Le majeur placé sous sauvegarde de justice peut exercer son option successorale dans les mêmes conditions que tout héritier majeur, dès lors qu’aux termes de l’alinéa 1 de l’article 435 du code civil, il « conserve l’exercice de ses droits ».
La personne placée sous sauvegarde de justice conserve l’exercice de ses droits. Toutefois, elle ne peut, à peine de nullité, faire un acte pour lequel un mandataire spécial a été désigné en application de l’article 437.
Les actes qu’elle a passés et les engagements qu’elle a contractés pendant la durée de la mesure peuvent être rescindés pour simple lésion ou réduits en cas d’excès alors même qu’ils pourraient être annulés en vertu de l’article 414-1. Les tribunaux prennent notamment en considération l’utilité ou l’inutilité de l’opération, l’importance ou la consistance du patrimoine de la personne protégée et la bonne ou mauvaise foi de ceux avec qui elle a contracté.
L’action en nullité, en rescision ou en réduction n’appartient qu’à la personne protégée et, après sa mort, à ses héritiers. Elle s’éteint par le délai de cinq ans prévu à l’article 2224.
L’héritier placé sous curatelle
L’héritier majeur placé sous curatelle ne peut accepter purement et simplement la succession ou y renoncer qu’à la condition d’être accompagné de son curateur (article 467 alinéa 1 du Code civil).
L’héritier majeur placé sous curatelle peut cependant accepter la succession à concurrence de l’actif net seul.
La personne en curatelle ne peut, sans l’assistance du curateur, faire aucun acte qui, en cas de tutelle, requerrait une autorisation du juge ou du conseil de famille.
Lors de la conclusion d’un acte écrit, l’assistance du curateur se manifeste par l’apposition de sa signature à côté de celle de la personne protégée.
A peine de nullité, toute signification faite à cette dernière l’est également au curateur.
L’héritier placé sous tutelle
L’héritier majeur placé sous tutelle ne peut ni accepter ni renoncer à une succession de son seul chef. Son tuteur, chargé de la gestion de son patrimoine, ne peut, seul, qu’accepter la succession à concurrence de l’actif net.
S’il est de l’intérêt du majeur protégé d’accepter purement et simplement ou de renoncer à la succession, il doit solliciter l’autorisation du conseil de famille ou, à défaut, du juge des contentieux de la protection, aux termes de l’article 507-1 du code civil.
« Par dérogation à l’article 768, le tuteur ne peut accepter une succession échue à la personne protégée qu’à concurrence de l’actif net. Toutefois, le conseil de famille ou, à défaut, le juge peut, par une délibération ou une décision spéciale, l’autoriser à accepter purement et simplement si l’actif dépasse manifestement le passif.
Le tuteur ne peut renoncer à une succession échue à la personne protégée sans une autorisation du conseil de famille ou, à défaut, du juge. »
Le créancier
Le créancier du défunt, de l’héritier ou de la succession pour une dette née de la gestion de l’indivision successorale, n’a, en principe, aucune option à exercer dans la mesure où il n’est pas héritier.
Cependant, pour s’assurer que l’option successorale ne soit pas exercée par les héritiers en fraude des droits des créanciers, le législateur a ouvert à ces derniers différentes voies de droit, soit en amont de l’exercice de l’option successorale, soit en aval de celui-ci.
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