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Famille

La procédure d’exequatur en matière du droit de la famille

Droit international privé de la famille
  • Le certificat européen remplace l’exequatur.
  • Les jugements rendus par un tribunal étranger relativement à l’état et à la capacité des personnes produisent leurs effets en France indépendamment de toute déclaration d’exequatur.

Définition

L’exequatur est une procédure permettant de rendre exécutoire sur le territoire français une décision judiciaire ou une sentence arbitrale prononcée à l’étranger. 

Il convient de distinguer la transcription de la procédure d’exequatur

Dès l’arrêt Bulkley, rendu le 28 février 1860, la Cour de cassation a considéré qu’en dehors des cas où la force exécutoire du jugement étranger est en cause, le préalable de l’exequatur peut être écartée au profit d’une reconnaissance de plein droit. En l’espèce, la Cour de cassation saisie de la question de savoir si un jugement hollandais de divorce, non revêtu de l’exequaturpermettait à Mme Bulkley, anglaise d’origine, devenue hollandaise par mariage, de se remarier en France. Elle a considéré que la preuve de la dissolution du mariage d’un étranger était apportée quand cet étranger « établit que son mariage a été dissous dans les formes et selon les lois du pays dont il est sujet ».

Selon cette jurisprudence constante, les jugements rendus par un tribunal étranger relativement à l’état et à la capacité des personnes produisent leurs effets en France indépendamment de toute déclaration d’exequatur.

Ainsi, tout divorce régulièrement obtenu à l’étranger peut être transcrit au parquet du lieu de célébration du mariage ou du lieu de naissance de l’un des époux (ou à Nantes, si l’époux est né à l’étranger) par simple demande. 

La reconnaissance de plein droit fait obstacle à l’introduction d’une nouvelle procédure de divorce en France et permet dans le même temps à l’ex-époux divorcé de se remarier en France.

Notons que si le jugement de divorce n’a pas à être exequaturé pour être valable en France, son exécution forcée (en cas d’existence par exemple d’une pension alimentaire ou d’une prestation compensatoire) nécessite de mener une procédure d’exéquatur sauf les cas possibles d’obtention du certificat européen.

Décisions rendues dans un pays membre de l’Union européenne

En Europe, il n’y a pas de procédure d’exequatur en matière familiale. Le certificat européen remplace l’exequatur. Les décisions rendues dans un État membre sont reconnues dans les autres États membres sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure.

Fondement juridique

Les règlements européens prévoient les règles de reconnaissance par voie de production du certificat européen :

  • Matière matrimoniale et autorité parentale : règlement du 25 juin 2019 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, ainsi qu’à l’enlèvement international d’enfants (refonte), abrogeant le règlement (CE) nº 2201/2003 (Bruxelles II Ter).
  • Obligations alimentaires : Règlement n° 4/2009 du Conseil du 18 décembre 2008 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et la coopération en matière d’obligations alimentaires. 
  • Matière successorale : Règlement No 650/2012 du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen
  • Effets patrimoniaux des partenariats enregistrés : Règlement n°2016/1104 du Conseil du 24 juin 2016 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance et de l’exécution des décisions en matière d’effets patrimoniaux des partenariats enregistrés.

Certificat européen

Il faut donc demander le certificat européen pour que la décision soit directement exécutoire. Le certificat est délivré, à la demande d’une partie, à l’égard d’une décision par la juridiction d’un État qui a prononcé cette décision.

Le certificat délivré aux fins de faciliter l’exécution de la décision ne devrait être susceptible d’aucun recours. Il ne devrait donner lieu à une action en rectification qu’en cas d’erreur matérielle, c’est-à-dire si le certificat ne reflète pas correctement le contenu de la décision.

Les modèles des certificats figurent en annexe aux règlements. 

Nota bene : En ce qui concerne les décisions rendues au Royaume-Uni, il convient de se reporter aux dispositions transitoires : toute procédure entamée avant le Brexit est couverte par les règlements européens, même si la décision intervient après le Brexit. 

Les motifs de non-reconnaissance

La reconnaissance et l’exécution des décisions, des actes authentiques et des accords émanant d’un
État-membre, devraient reposer sur le principe de la confiance mutuelle. Les motifs de non-reconnaissance devraient donc être réduits au minimum nécessaire compte tenu de l’objectif sous-jacent du présent règlement qui est de faciliter la reconnaissance et l’exécution et de protéger efficacement l’intérêt supérieur de l’enfant (paragraphe 55 du Règlement Bruxelles 2 ter).

La reconnaissance d’une décision ne devrait être refusée que si un ou plusieurs des motifs de refus de reconnaissance prévus par le règlement sont présents. La liste des motifs de refus de reconnaissance prévus dans ledit règlement est exhaustive.

En matière de responsabilité parentale, une décision rendue ultérieurement se substitue toujours à une décision antérieure produisant des effets pour l’avenir dans la mesure où elles sont inconciliables (paragraphe 56 du Règlement Bruxelles 2 ter).

L’article 38 du règlement Bruxelles 2 ter prévoit les motifs de refus de reconnaissance des décisions en matière matrimoniale :

« La reconnaissance d’une décision rendue en matière de divorce, de séparation de corps ou d’annulation du mariage est refusée :

a)si la reconnaissance est manifestement contraire à l’ordre public de l’État membre dans lequel la reconnaissance est invoquée;
b)si l’acte introductif d’instance ou un acte équivalent n’a pas été signifié ou notifié au défendeur défaillant en temps utile et de telle manière qu’il puisse pourvoir à sa défense, à moins qu’il ne soit établi que le défendeur a accepté la décision de manière non équivoque;
c)si la décision est inconciliable avec une décision rendue dans une instance opposant les mêmes parties dans l’État membre dans lequel la reconnaissance est invoquée; ou
d)si la décision est inconciliable avec une décision rendue antérieurement dans un autre État membre ou dans un État tiers dans une affaire opposant les mêmes parties, dès lors que cette première décision réunit les conditions nécessaires à sa reconnaissance dans l’État membre dans lequel la reconnaissance est invoquée ».

L’article 39 du règlement prévoit les motifs de refus de reconnaissance des décisions en matière de responsabilité parentale :

« 1.   La reconnaissance d’une décision rendue en matière de responsabilité parentale est refusée:

a)si la reconnaissance est manifestement contraire à l’ordre public de l’État membre dans lequel la reconnaissance est invoquée, eu égard à l’intérêt supérieur de l’enfant;
b)si, lorsque la décision a été rendue par défaut, l’acte introductif d’instance ou un acte équivalent n’a pas été signifié ou notifié à la personne défaillante en temps utile et de telle manière que celle-ci puisse pourvoir à sa défense, à moins qu’il ne soit établi que cette personne a accepté la décision de manière non équivoque;
c)à la demande de toute personne faisant valoir que la décision fait obstacle à l’exercice de sa responsabilité parentale, si la décision a été rendue sans que cette personne ait eu la possibilité d’être entendue;
d)si et dans la mesure où la décision est inconciliable avec une décision rendue ultérieurement en matière de responsabilité parentale dans l’État membre dans lequel la reconnaissance est invoquée;
e)si et dans la mesure où la décision est inconciliable avec une décision rendue ultérieurement en matière de responsabilité parentale dans un autre État membre ou dans l’État tiers où l’enfant réside habituellement, dès lors que la décision ultérieure réunit les conditions nécessaires à sa reconnaissance dans l’État dans lequel la reconnaissance est invoquée; ou
f)si la procédure prévue à l’article 82 n’a pas été respectée.

2.   La reconnaissance d’une décision en matière de responsabilité parentale peut être refusée si ladite décision a été rendue sans que l’enfant qui est capable de discernement n’ait eu la possibilité d’exprimer son opinion conformément à l’article 21, sauf:

a)si la procédure ne portait que sur les biens de l’enfant et pour autant qu’il n’était pas requis de donner cette possibilité compte tenu de l’objet de la procédure; ou
b)s’il existait des motifs sérieux d’agir ainsi compte tenu notamment de l’urgence de l’affaire ».
Nota bene : si une partie devait estimer que le certificat européen n’est pas valable ou que la décision ne peut être exéquaturée, elle peut introduire une procédure en opposition par assignation devant le JAF (par exemple  : l’absence d’audition des enfants mineurs est la cause la plus courante de non-reconnaissance).

Décisions prononcées hors l’Union Européenne

En dehors du territoire européen, l’avocat spécialisé en droit international privé doit se reporter à l’existence et au contenu des conventions internationales.

En l’absence de texte international, il faut se reporter à la jurisprudence.

Trois arrêts fondateurs en la matière

  • Arrêt MUNZER (Cass. civ. 1ère, 7 janvier 1964) :

Le juge ne peut pas réviser la décision étrangère, il peut seulement l’accepter (partiellement ou totalement) ou non.  

La Cour de cassation a prévu cinq conditions d’exequatur.

  • Arrêt BACHIR (Cass. civ. 1ère, 4 octobre 1967) : 

La régularité de la procédure n’est qu’une composante du contrôle de conformité à l’ordre public international.

  • Arrêt CORNELISSEN (Cass. civ. 1ère, 20 février 2007, n°05-14.082) :

Trois conditions cumulatives sont imposées par cette jurisprudence à la reconnaissance en France des décisions hors Europe : 

  • la compétence du juge étranger ayant reçu la décision faisant l’objet de la demande d’exequatur,
  • la conformité à l’ordre public international,
  • l’absence de fraude à la loi.

Conditions cumulatives selon l’arrêt Cornelissen

Compétence du juge étranger

La compétence du juge étranger est vérifiée selon les critères suivants :

  • Absence de compétence exclusive des juridictions françaises qui serait fondée sur un texte européen ;
  • Existence d’un lien caractérisé entre le litige et le pays dont le tribunal est saisi ;
  • Choix non frauduleux de la juridiction étrangère.
L’articulation avec l’Ordre public international

L’Ordre public international désigne les principes fondamentaux de l’ordre juridique qui peuvent résulter du droit française mais aussi des textes de l’Union européenne, internationaux et européens liant la France, comme la CEDH (Civ, 15 janvier 2020, 18.24-261) qui sont fondateurs de notre ordre juridique interne et ne saurait être contournées ou violés.

Le contrôle du respect de l’ordre public international porte sur :

  • le fond de la décision,
  • la procédure.
Ordre public international de fond

Les principaux principes sont :

  • égalité des sexes ; 
  • égalité des époux lors de la dissolution du mariage ;
  • liberté matrimoniale ;
  • égalité des parents dans l’exercice de l’autorité parentale
  • etc.
Exemples :

A/ Couple franco-anglais divorce à Dubaï. Ce jugement a été reconnu en Angleterre mais jamais en France. La loi émiratie est considérée comme contraire à l’ordre public international car il n’existerait pas d’égalité entre hommes et femmes dans les Emirates Arabes Unis. 

B/ L’épouse a renoncé dans le contrat de mariage à toute prestation compensatoire. La Cour de cassation a statué qu’il appartient au juge du fond de rechercher, de manière concrète, si les effets d’une loi étrangère qui permet de renoncer ne sont pas manifestement contraires à l’ordre public français (Civ 1, 8 juillet 2015, n°14-17.880).
Ordre public international de procédure

La décision étrangère doit respecter les règles procédurales de la CEDH. La procédure étrangère doit être menée dans le respect des règles de l’article 6 de la CEDH.

Procédure d’exequatur

Compétence d’attribution

Le juge compétent pour statuer dans une procédure d’exequatur est le tribunal judiciaire statuant à juge unique (R212-8, 2 du COJ).

Compétence territoriale

Le tribunal judiciaire territorialement compétent pour statuer sur une procédure d’exequatur est désigné par l’article 42 du code de procédure civile :

« La juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur.

S’il y a plusieurs défendeurs, le demandeur saisit, à son choix, la juridiction du lieu où demeure l’un d’eux.

Si le défendeur n’a ni domicile ni résidence connus, le demandeur peut saisir la juridiction du lieu où il demeure ou celle de son choix s’il demeure à l’étranger ».

Forme de la demande

Selon l’article 750 du code de procédure civile :

« La demande en justice est formée par assignation.
Elle peut l’être également par requête lorsque le montant de la demande n’excède pas 5 000 euros en procédure orale ordinaire ou dans certaines matières fixées par la loi ou le règlement.
Dans tous les cas, les parties peuvent saisir la juridiction par une requête conjointe
 ».

Effets

Le jugement étranger devient un titre exécutoire dès lors que la décision d’exequatur n’est plus susceptible d’un recours suspensif.

Selon, l’article L111-3 du code des procédures civiles d’exécution :

« Seuls constituent des titres exécutoires :

1° Les décisions des juridictions de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif lorsqu’elles ont force exécutoire, ainsi que les accords auxquels ces juridictions ont conféré force exécutoire ;

Les actes et les jugements étrangers ainsi que les sentences arbitrales déclarés exécutoires par une décision non susceptible d’un recours suspensif d’exécution, sans préjudice des dispositions du droit de l’Union européenne applicables ;

3° Les extraits de procès-verbaux de conciliation signés par le juge et les parties ;

4° Les actes notariés revêtus de la formule exécutoire ;

4° bis Les accords par lesquels les époux consentent mutuellement à leur divorce ou à leur séparation de corps par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposés au rang des minutes d’un notaire selon les modalités prévues à l’article 229-1 du code civil ;

5° Le titre délivré par l’huissier de justice en cas de non-paiement d’un chèque ou en cas d’accord entre le créancier et le débiteur dans les conditions prévues à l’article L. 125-1 ;

6° Les titres délivrés par les personnes morales de droit public qualifiés comme tels par la loi, ou les décisions auxquelles la loi attache les effets d’un jugement ;

7° Les transactions et les actes constatant un accord issu d’une médiation, d’une conciliation ou d’une procédure participative, lorsqu’ils sont contresignés par les avocats de chacune des parties et revêtus de la formule exécutoire par le greffe de la juridiction compétente.

Les actes et les jugements étrangers ainsi que les sentences arbitrales déclarés exécutoires par une décision non susceptible d’un recours suspensif d’exécution, sans préjudice des dispositions du droit de l’Union européenne applicables ».

Par Elena Belova et Nicolas Graftieaux

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