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Anticipation de successions
La requalification et la remise en cause des donations-partages
Anticipations de successionsUne donation-partage peut être requalifiée en donation simple et en adopter totalement le régime.
La donation-partage est un acte hybride par lequel le donateur :
- consent une donation, puisque le ou les biens concernés entrent immédiatement dans le patrimoine des donataires,
- et réalise immédiatement un partage desdits biens entre les bénéficiaires de la donation, ce qui permet d’anticiper le règlement de sa succession.
Le régime d’une telle donation est prévu par les articles 1076 et suivants du code civil.
« La donation-partage ne peut avoir pour objet que des biens présents.
La donation et le partage peuvent être faits par actes séparés pourvu que le disposant intervienne aux deux actes ».
Ne seront étudiées ici que les particularités de la requalification d’une donation-partage en donation et non les causes de nullité et de remise en cause de toutes les donations (vices de forme, vice du consentement, etc.).
Les cas de requalification d’une donation-partage en donation ordinaire
La requalification d’une donation-partage en raison des participants à la donation-partage
Selon l’article 1075-2 du code civil « Toute personne peut faire, entre ses héritiers présomptifs, la distribution et le partage de ses biens et de ses droits. » (une exception existe toutefois en cas d’existence d’une entreprise individuelle à caractère industriel, commercial, artisanal, agricole ou libéral : l’un des donataires peut alors ne pas être un héritier présomptif).
S’il n’est pas nécessaire que les bénéficiaires de la donation soient les enfants du donateur, il faut cependant qu’il s’agisse de ses héritiers.
Dans le cas contraire, la donation-partage est requalifiable en donation classique. Tel est donc notamment le cas si la donation-partage a été consentie au profit d’héritiers potentiels autres que des descendants lorsqu’il en existe.
La requalification d’une donation-partage lorsque le bien donné est indivis
Bien que le code civil ne traite pas de cette question, par des arrêts n’ayant pas été remis en cause depuis, la Cour de cassation a affirmé qu’une donation-partage ne pouvait pas porter sur des quotes-parts indivises (Civ. 1ère, 20 novembre 2013, n°12-25681).
La Haute juridiction considère en effet que la donation d’une quote-part indivise d’un bien ne peut pas constituer un partage et ne peut donc pas être qualifiée de donation-partage.
La donation-partage attribuant des quotes-parts indivises est ainsi susceptible d’être disqualifiée en donation ordinaire. Cela sera le cas lorsque :
- la donation-partage prévoit que la part de chaque héritier est composée d’une quote-part (identique ou pas) :
- soit de la masse des biens donnés,
- soit de l’unique bien donné,
- soit de chacun des biens donnés,
- la donation-partage prévoit que la part de certains héritiers est composée de quotes-parts indivises, alors même que les autres héritiers bénéficient d’attributions privatives (divises). Le cas échéant, la donation-partage est requalifiée pour tous les donataires (Cass. 1re civ., 20 nov. 2013, n° 12-25.681),
- la donation-partage prévoit que la part de chacun est composée pour partie de biens attribués privativement et pour partie de quotes-parts indivises : l’acte vaudrait alors donation-partage en tant qu’il allotit chaque héritier d’un lot privatif mais ne serait qu’une donation ordinaire pour le surplus.
Étant précisé que ce dernier point n’a pas été tranché par la Cour de cassation si bien que la requalification d’une donation-partage dans ce cas de figure et ses conséquences pourraient être discutées.
Les conséquences de la requalification d’une donation-partage en donation simple
La disqualification d’une donation-partage entraîne plusieurs conséquences.
S’agissant du rapport des donations
Une donation-partage n’est pas soumise au mécanisme du rapport. En cas de disqualification, la donation devient toutefois ordinaire et les biens qui en sont l’objet sont donc rapportables à la succession du défunt.
En savoir plus sur le rapport d'une donationS’agissant du calcul de la réserve héréditaire
Les biens compris dans une donation-partage sont évalués au jour de l’acte sans réévaluation au jour du décès pour intégrer la masse de calcul permettant de vérifier le respect de la réserve des héritiers. Or, dans le cadre d’une donation ordinaire, les biens donnés sont évalués au jour du décès pour leur état au jour de la donation (article 922 du Code civil).
« La réduction se détermine en formant une masse de tous les biens existant au décès du donateur ou testateur.
Les biens dont il a été disposé par donation entre vifs sont fictivement réunis à cette masse, d’après leur état à l’époque de la donation et leur valeur à l’ouverture de la succession, après qu’en ont été déduites les dettes ou les charges les grevant. Si les biens ont été aliénés, il est tenu compte de leur valeur à l’époque de l’aliénation. S’il y a eu subrogation, il est tenu compte de la valeur des nouveaux biens au jour de l’ouverture de la succession, d’après leur état à l’époque de l’acquisition. Toutefois, si la dépréciation des nouveaux biens était, en raison de leur nature, inéluctable au jour de leur acquisition, il n’est pas tenu compte de la subrogation.
On calcule sur tous ces biens, eu égard à la qualité des héritiers qu’il laisse, quelle est la quotité dont le défunt a pu disposer ».
S’agissant de l’action en réduction
L’action en réduction peut être exercée lorsque les donations réalisées dépassent la quotité disponible, c’est-à-dire la part dont le défunt était libre de disposer, et empiètent sur la réserve des héritiers.
L’action en réduction d’une donation-partage se prescrit par un délai maximum de cinq ans après le décès du donateur alors qu’une telle action à l’encontre d’une donation ordinaire peut être initiée jusqu’à 10 ans après le décès du donateur (article 921 alinéa 1 du Code civil).
« La réduction des dispositions entre vifs ne pourra être demandée que par ceux au profit desquels la loi fait la réserve, par leurs héritiers ou ayants cause : les donataires, les légataires, ni les créanciers du défunt ne pourront demander cette réduction, ni en profiter.
Le délai de prescription de l’action en réduction est fixé à cinq ans à compter de l’ouverture de la succession, ou à deux ans à compter du jour où les héritiers ont eu connaissance de l’atteinte portée à leur réserve, sans jamais pouvoir excéder dix ans à compter du décès ».