Dossiers/Fiches
PATRIMOINE
La sortie contentieuse des associés de SCI : exclusion et droit de retrait
Patrimoine - FiscalitéLes modalités de sortie d’un associé dans une SCI varient selon qu’il s’agisse d’un départ volontaire, c’est-à-dire de l’exercice de son droit de retrait, ou d’un départ forcé : on parlera alors d’exclusion.
Le droit de retrait
« Sans préjudice des droits des tiers, un associé peut se retirer totalement ou partiellement de la société, dans les conditions prévues par les statuts ou, à défaut, après autorisation donnée par une décision unanime des autres associés. Ce retrait peut également être autorisé pour justes motifs par une décision de justice. A moins qu’il ne soit fait application de l’article 1844-9 (3ème alinéa), l’associé qui se retire a droit au remboursement de la valeur de ses droits sociaux, fixée, à défaut d’accord amiable, conformément à l’article 1843-4. »
« S’il y a déconfiture, faillite personnelle, liquidation de biens ou règlement judiciaire atteignant l’un des associés, à moins que les autres unanimes ne décident de dissoudre la société par anticipation ou que cette dissolution ne soit prévue par les statuts, il est procédé, dans les conditions énoncées à l’article 1843-4, au remboursement des droits sociaux de l’intéressé, lequel perdra alors la qualité d’associé. »
Outre la cession, qui constitue le mode le plus courant de sortie d’un associé, celui-ci dispose également d’un droit de retrait. Ce droit, de nature absolue et strictement personnel, lui appartient exclusivement et est d’ordre public. Le droit de retrait des associés est un sujet classique que nos avocats éprouvent dans les successions lorsque tous les héritiers ne souhaitent pas se maintenir dans une SCI constituée par leur auteur après son décès.
Son exercice peut être encadré par les statuts au moyen d’une clause spécifique, qui peut prévoir une durée minimale de présence dans la société ou un délai de préavis. De telles clauses ne doivent cependant pas avoir pour effet de priver, de fait, l’associé de son droit de retrait. À défaut de telles dispositions dans les statuts, il peut être mis en œuvre avec l’accord unanime des associés, l’associé retrayant ne participant pas au vote.
En tout état de cause, l’associé peut demander son droit de retrait en justice. Les statuts ne peuvent pas y déroger. En revanche, ils peuvent aménager le retrait judiciaire, en prévoyant par exemple que la demande de retrait par décision de justice implique une offre préalable faite par les associés de leur céder ses parts (Cour de cassation, chambre commerciale, 20 mars 2007, n° 05-18.892). Le retrait prévu dans les statuts devient judiciaire quand l’associé se heurte au refus des autres associés. Le demandeur devra toutefois démontrer l’existence de « justes motifs » à l’appui de sa demande.
L’appréciation des justes motifs de retrait repose sur une évaluation subjective, tenant compte de la situation personnelle de l’associé souhaitant se retirer de la société.
A titre d’exemple, sont considérés comme justes motifs :
- l’inaction du gérant conduisant à la détérioration et à la dévalorisation de l’immeuble unique actif de la société civile immobilière (Cour de cassation, troisième chambre civile, 28 mars 2012, n° 10-26.531),
- le divorce des associés faisant disparaître l’affectio societatis dans les SCI familiales ayant pour seul actif le logement familial (Cour de cassation, troisième chambre civile, 11 février 2014, n° 13-11.197).
Au contraire, ne constitue pas un juste motif :
- la simple convenance de l’associé (Cour de cassation, chambre commerciale, 8 mars 2005, n° 02-17.448),
- des considérations d’ordre fiscal ou successoral.
Pour être opposable aux tiers, le retrait doit faire l’objet d’une publicité au registre du commerce et des sociétés.
L’exclusion
Il est impossible d’obliger un associé à céder ses parts sociales, en vertu du droit de propriété qu’il détient. Ainsi, un associé de SCI ne peut être exclu que dans deux cas : contraint par les statuts ou par la loi.
- Exclusion d’associé sur un fondement statutaire
Une clause d’exclusion statutaire est valable si elle provient des statuts d’origine ou si elle y a été introduite par décision unanime des associés. Elle doit également déterminer avec précision : les motifs d’exclusion, l’organe habilité et la majorité nécessaire pour prononcer l’exclusion, la procédure à suivre, les conditions de remboursement des parts sociales et la méthode d’évaluation de celles-ci.
L’exclusion d’un associé doit faire l’objet d’une décision unanime de tous les associés, l’associé dont l’exclusion est proposée ne peut être privé de son droit de participer à cette décision et de voter la proposition (Cour de cassation, chambre commerciale, 23 octobre 2007, n° 06-16.537). Les statuts peuvent toutefois valablement prévoir qu’en cas de survenance d’un événement, la décision d’exclusion est confiée à un organe autre que l’assemblée générale, comme la gérance ou une commission ad hoc, sans consultation des associés (Cour de cassation, chambre commerciale, 20 mars 2012, n° 11-10.855).
Un recours en justice pour obtenir l’annulation de cette décision et réintégrer la société est possible si l’associé exclu démontre que son exclusion est injuste.
- Exclusion d’associé sur un fondement légal
Si l’associé fait l’objet d’une procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire) ou est frappé d’une faillite personnelle, l’exclusion se produit de plein droit par l’effet du jugement ayant prononcé le redressement ou la liquidation. L’intéressé perd la qualité d’associé à partir du moment où ses parts lui sont remboursées par les autres associés.
Conséquences du départ de l’associé : fixation de la valeur des parts et perte de la qualité d’associé
L’associé a droit au remboursement de la valeur de ses parts sociales.
Cette valeur est fixée d’un commun accord ou par un expert. La Cour de cassation a précisé qu’en l’absence de dispositions statutaires, la valeur des droits sociaux de l’associé qui se retire doit être déterminée à la date la plus proche de celle du remboursement de la valeur de ces droits (Cour de cassation, chambre commerciale, 15 janvier 2013, n° 12-11.666). Il reste associé jusqu’au paiement de la valeur de ses parts et continue à exercer en conséquence les prérogatives attachées (Cour de cassation, chambre commerciale, 17 juin 2008, n° 06-15.045). L’associé retrayant qui a effectué un apport en nature dispose d’un droit préférentiel pour récupérer le bien, moyennant éventuellement une soulte versée aux autres associés.
Dans une SCI à capital fixe, le retrait se traduit par une annulation des parts après paiement de leur valeur entraînant une réduction de capital de la société.
Dans une SCI à capital variable, l’exercice du droit de retrait est plus contraignant. En effet, le capital social ne peut pas descendre en dessous du minimum fixé dans les statuts. L’associé qui se retire ne pourra pas récupérer ses fonds si son départ implique une réduction du capital en dessous de celui prévu par les statuts. Précisons que le retrait d’une SCI familiale répond aux mêmes conditions et modalités qu’une SCI à capital variable.
À noter que la SCI doit obligatoirement être composée de deux associés minimums. S’il n’en reste qu’un après le départ d’un associé, celui-ci doit régulariser la situation en faisant entrer un nouvel associé. Il dispose d’un délai d’un an à compter du départ du deuxième associé, sous peine de voir la SCI risquer la dissolution.
Écrit par Clémence Fruitier et Victoire Thivend, le 11 février 2025