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Succession
L’administration provisoire de la succession par un mandataire successoral
Liquidation et partage de successionsLe mandataire successoral permet de dépasser les désaccords des indivisaires successoraux et d’assurer une gestion normale des biens dépendant de la succession.
Il existe un certain nombre de mécanismes juridiques visant à éviter le blocage d’une succession à cause de la mauvaise volonté d’un ou plusieurs héritiers, de leur inertie ou de leur absence.
Parmi ceux que le cabinet Canopy avocats utilise, nous nous concentrerons ici sur le mandataire successoral et plus précisément lorsqu’il est désigné par les héritiers ou désigné en justice.
Les raisons de la désignation du mandataire successoral
Il est dans certains cas impossible ou difficile pour les héritiers d’administrer la succession, c’est à dire de prendre toutes les décisions nécessaires à son règlement ou à la gestion du patrimoine successoral.
Il en est ainsi lorsque les héritiers sont en désaccord à propos du sort des biens successoraux, lorsqu’un héritier est absent ou reste taisant, ou lorsque l’éloignement géographique des indivisaires rend trop difficile l’administration de la succession même lorsqu’ils ne rencontrent pas de désaccord.
Il est alors nécessaire que la succession soit administrée par un mandataire.
La désignation amiable ou judiciaire du mandataire successoral
L’article 813 du code civil prévoit la possibilité pour les héritiers de désigner d’un commun accord un mandataire qui administrera la succession :
« Les héritiers peuvent, d’un commun accord, confier l’administration de la succession à l’un d’eux ou à un tiers. Le mandat est régi par les articles 1984 à 2010.
Lorsqu’un héritier au moins a accepté la succession à concurrence de l’actif net, le mandataire ne peut, même avec l’accord de l’ensemble des héritiers, être désigné que par le juge. Le mandat est alors régi par les articles 813-1 à 814. »
A défaut d’accord de tous les héritiers sur la désignation d’un mandataire successoral, l’article 813-1 du code civil prévoit la possibilité de solliciter la désignation d’un mandataire par le juge :
« Le juge peut désigner toute personne qualifiée, physique ou morale, en qualité de mandataire successoral, à l’effet d’administrer provisoirement la succession en raison de l’inertie, de la carence ou de la faute d’un ou de plusieurs héritiers dans cette administration, de leur mésentente, d’une opposition d’intérêts entre eux ou de la complexité de la situation successorale.
La demande est formée par un héritier, un créancier, toute personne qui assurait, pour le compte de la personne décédée, l’administration de tout ou partie de son patrimoine de son vivant, toute autre personne intéressée ou par le ministère public. »
Pour qu’une telle demande soit accueillie par le Tribunal judiciaire, il est indispensable soit de démontrer que l’un des héritiers fait preuve d’inertie, de carence ou qu’il a commis une faute dans l’administration de la succession, soit simplement de démontrer la mésentente entre les héritiers ou une opposition d’intérêts entre eux.
Notons également que les héritiers peuvent s’entendre pour solliciter judiciairement la désignation d’un mandataire successoral en raison de la complexité de la succession.
Grâce à ce mécanisme de représentation, le blocage de successions, même conflictuelles, peut être évité.
La personne du mandataire successoral
Lorsque les héritiers s’entendent pour désigner un mandataire successoral, ils peuvent désigner l’un d’eux ou un tiers (article 813 du code civil).
Lorsque le mandataire est désigné en justice il peut s’agir, selon l’article 813-1 du code civil, de « toute personne qualifiée, physique ou morale ». Concrètement, il peut donc s’agir d’un héritier ou d’un tiers, selon leurs compétences. Force est toutefois de constater que le Tribunal est souvent enclin à désigner un professionnel, garant de la déontologie et de l’impartialité de la gestion et de l’absence de conflit d’intérêt.
C’est ainsi que notre cabinet est régulièrement désigné pour administrer des biens successoraux dans l’intérêt général des membres de l’indivision grâce aux spécialisations reçues par plusieurs avocats du cabinet, membres actifs de l’Association nationale des avocats exerçant un mandat judiciaire (ANAMJ).
Le rôle du mandataire successoral
Les pouvoirs du mandataire successoral
En cas d’acceptation de la succession par les héritiers : le mandataire successoral a pour mission d’administrer provisoirement la succession.
Il représente tous les héritiers. Il prend donc les décisions nécessaires à la gestion de l’indivision successorale en leurs lieux et places. Il les représente et se trouve donc circonscrit par leurs propres pouvoirs.
Dit autrement, les prérogatives des héritiers sont transférés au mandataire qui en sont dessaisis (Civ. 1ère, 1er juin 2017, n°16-18314).
Selon l’article 813-4 du code civil :
« Tant qu’aucun héritier n’a accepté la succession, le mandataire successoral ne peut accomplir que les actes mentionnés à l’article 784, à l’exception de ceux prévus à son deuxième alinéa. »
C’est la raison pour laquelle, en l’absence d’acceptation des héritiers, le mandataire successoral judiciairement désigné ne peut réaliser que les actes qui n’emportent pas acceptation tacite de la succession selon l’ article 784 du Code civil, donc « les actes purement conservatoires ou de surveillance et les actes d’administration provisoire. »
A défaut d’acceptation de la succession, les autres actes doivent donc être autorisés par le juge.
En revanche, selon l’article 814 du code civil :
« Lorsque la succession a été acceptée par au moins un héritier, soit purement et simplement, soit à concurrence de l’actif net, le juge qui désigne le mandataire successoral en application des articles 813-1 et 814-1 peut l’autoriser à effectuer l’ensemble des actes d’administration de la succession.
Il peut également l’autoriser, à tout moment, à réaliser des actes de disposition nécessaires à la bonne administration de la succession et en déterminer les prix et stipulations. »
Ainsi, en cas d’acceptation de la succession, les pouvoirs du mandataire sont plus étendus, bien qu’il ne puisse pas décider d’actes d’administration à défaut d’autorisation du juge lors de sa désignation ou lorsque cela s’avère nécessaire.
Cela ne retire pas le droit d’information aux héritiers représentés qu’un mandataire successoral consciencieux se doit de fournir de manière régulière.
Les limites des pouvoirs du mandataire successoral
Les limites en raison de l’existence d’administrateurs judiciaires provisoires
Selon l’article 815-6 du code civil :
« Le président du tribunal judiciaire peut prescrire ou autoriser toutes les mesures urgentes que requiert l’intérêt commun.
Il peut, notamment, autoriser un indivisaire à percevoir des débiteurs de l’indivision ou des dépositaires de fonds indivis une provision destinée à faire face aux besoins urgents, en prescrivant, au besoin, les conditions de l’emploi. Cette autorisation n’entraîne pas prise de qualité pour le conjoint survivant ou pour l’héritier.
Il peut également soit désigner un indivisaire comme administrateur en l’obligeant s’il y a lieu à donner caution, soit nommer un séquestre. Les articles 1873-5 à 1873-9 du présent code s’appliquent en tant que de raison aux pouvoirs et aux obligations de l’administrateur, s’ils ne sont autrement définis par le juge. »
Ainsi, même lorsqu’un mandataire successoral a été désigné, ses pouvoirs sont limités par ceux de l’éventuel :
- Administrateur qui pourrait par exemple avoir été désigné pour vendre un bien immobilier en urgence,
- Mandataire à effet posthume,
- Exécuteur testamentaire.
Les limites en raison de l’existence d’un héritier incapable
Lorsque l’indivision successorale est composée d’un mineur ou un incapable majeur, le mandataire doit obtenir l’autorisation du juge des contentieux de la protection (ou du juge aux affaires familiales avec sa casquette de juge des tutelles) pour régulariser les actes concernés par la mesure d’incapacité. Il doit ainsi par exemple obtenir l’autorisation du juge des contentieux de la protection pour vendre un bien immobilier.
Le contrôle du mandataire successoral
La mission du mandataire successoral doit bien entendu être contrôlée pour s’assurer qu’il n’agit que conformément à l’intérêt de l’indivision successoral.
Ainsi, selon l’article 813-8 du code civil :
« Chaque héritier peut exiger du mandataire successoral la consultation, à tout moment, des documents relatifs à l’exécution de sa mission.
Chaque année et à la fin de sa mission, le mandataire successoral remet au juge et à chaque héritier sur sa demande un rapport sur l’exécution de sa mission. »
Le mandataire successoral doit donc communiquer aux héritiers demandeurs tous les documents justifiant des diligences qu’il a accomplies.
En cas de manquement caractérisé dans l’exercice de sa mission, le juge peut le dessaisir de sa mission à la demande de tout intéressé ou du ministère public, un autre mandataire étant alors désigné.
L’article 813-7 dispose en effet :
« A la demande de toute personne intéressée ou du ministère public, le juge peut dessaisir le mandataire successoral de sa mission en cas de manquement caractérisé dans l’exercice de celle-ci. Il désigne alors un autre mandataire successoral, pour une durée qu’il définit. »
Précisons qu’en cas de faute du mandataire, sa responsabilité peut être mise en cause par les héritiers, qui pourraient solliciter le versement de dommages et intérêts voire l’annulation de certains actes régularisés par le mandataire.
La fin du mandat
Lors de la désignation du mandataire successoral, la durée de sa mission est fixée par le juge, qui peut toutefois la proroger.
La mission du mandataire successoral peut donc prendre fin en raison de l’expiration de sa durée ou lorsqu’il a exécuté intégralement sa mission.
Elle prend également fin de plein droit lorsque les héritiers signent une convention d’indivision ou un acte de partage.
Ainsi, selon l’article 813-9 du code civil :
« Le jugement désignant le mandataire successoral fixe la durée de sa mission ainsi que sa rémunération. A la demande de l’une des personnes mentionnées au deuxième alinéa de l’article 813-1 ou à l’article 814-1, il peut la proroger pour une durée qu’il détermine.
La mission cesse de plein droit par l’effet d’une convention d’indivision entre les héritiers ou par la signature de l’acte de partage. Elle cesse également lorsque le juge constate l’exécution complète de la mission confiée au mandataire successoral. »
Par Anne-Laure Sardaby et Capucine Bohuon, le 20 novembre 2023
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