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Famille

Le changement de régime matrimonial : procédure et coûts

Unions (mariage / pacs / concubinage)

Il n’est pas admis en droit français que les époux puissent modifier sans contrôle leur régime matrimonial, il s’agit de la « mutabilité contrôlée du régime matrimonial ».

Cette mutabilité contrôlée encadre les conventions qui visent le patrimoine des époux.

Les conventions soumises au respect de la procédure de modification du régime matrimonial

Sont soumises à la procédure de changement de régime matrimonial

  • Les conventions qui emportent la modification totale du régime matrimonial (les époux abandonnent leur régime matrimonial pour en adopter un autre),
  • Les conventions qui emportent une ou des modifications partielles, directes ou indirectes, du régime matrimonial (article 1397 du Code civil),

Sont visées par exemple les clauses relatives au sort d’un bien à la dissolution du régime par le décès. 

Le ministre de la justice a précisé que l’article 1397 du Code civil est applicable « aux conventions par lesquelles les époux, qui souhaitent adapter leur régime matrimonial, conviennent d’une clause de préciput ou de partage inégal de la communauté ». La solution est identique pour la clause d’attribution intégrale. 

« Les époux peuvent convenir, dans l’intérêt de la famille, de modifier leur régime matrimonial, ou même d’en changer entièrement, par un acte notarié. A peine de nullité, l’acte notarié contient la liquidation du régime matrimonial modifié si elle est nécessaire.

Les personnes qui avaient été parties dans le contrat modifié et les enfants majeurs de chaque époux sont informés personnellement de la modification envisagée. Chacun d’eux peut s’opposer à la modification dans le délai de trois mois. En cas d’enfant mineur sous tutelle ou d’enfant majeur faisant l’objet d’une mesure de protection juridique, l’information est délivrée à son représentant, qui agit sans autorisation préalable du conseil de famille ou du juge des tutelles.

Les créanciers sont informés de la modification envisagée par la publication d’un avis sur un support habilité à recevoir des annonces légales dans le département du domicile des époux. Chacun d’eux peut s’opposer à la modification dans les trois mois suivant la publication.

En cas d’opposition, l’acte notarié est soumis à l’homologation du tribunal du domicile des époux. La demande et la décision d’homologation sont publiées dans les conditions et sous les sanctions prévues au code de procédure civile.

Lorsque l’un ou l’autre des époux a des enfants mineurs sous le régime de l’administration légale, le notaire peut saisir le juge des tutelles dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 387-3.

Le changement a effet entre les parties à la date de l’acte ou du jugement qui le prévoit et, à l’égard des tiers, trois mois après que mention en a été portée en marge de l’acte de mariage. Toutefois, en l’absence même de cette mention, le changement n’en est pas moins opposable aux tiers si, dans les actes passés avec eux, les époux ont déclaré avoir modifié leur régime matrimonial.

Lorsque l’un ou l’autre des époux fait l’objet d’une mesure de protection juridique dans les conditions prévues au titre XI du livre Ier, le changement ou la modification du régime matrimonial est soumis à l’autorisation préalable du juge des tutelles ou du conseil de famille s’il a été constitué.

Il est fait mention de la modification sur la minute du contrat de mariage modifié.

Les créanciers non opposants, s’il a été fait fraude à leurs droits, peuvent attaquer le changement de régime matrimonial dans les conditions de l’article 1341-2.

Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d’Etat ».

  • La modification du statut d’un bien. 

Par exemple, l’accord des époux de faire d’un bien propre un bien commun : la clause d’ameublissement qui permet d’apporter un bien propre à la communauté nécessite de respecter la procédure.

  • La renonciation en cours d’union à une clause du contrat de mariage qui a pour objectif de fixer le statut d’un bien,
  • La renonciation à une récompense au cours de l’union,
  • La modification pendant le cours de l’union des règles de calcul d’une récompense.

Par exemple, il résulte d’un arrêt du 28 juin 1983 que la convention passée au cours du mariage et avant toute demande en divorce, qui tendait notamment à modifier les règles des récompenses, devait s’effectuer conformément aux dispositions de l’article 1469 du Code, et qu’il était nécessaire de respecter la procédure de modification du régime matrimonial.

En principe, les conventions de liquidation anticipée du régime matrimonial sont entachées de nullité. Il s’agit des accords concluent entre époux pendant le cours de l’union qui emportent liquidation de tout ou partie de leurs intérêts patrimoniaux.

Cependant, l’interdiction pendant le cours de l’union fait l’objet d’un tempérament dans le cadre de l’instance en divorce. Il est en effet possible pour les époux de déroger aux règles de leur régime par une convention passée pendant une instance en divorce (article 265-2 du code civil).

« Les époux peuvent, pendant l’instance en divorce, passer toutes conventions pour la liquidation et le partage de leur régime matrimonial. Lorsque la liquidation porte sur des biens soumis à la publicité foncière, la convention doit être passée par acte notarié ».

La procédure de changement de régime

Les grandes évolutions de la procédure de changement de régime

Dans le Code civil de 1804, le principe est celui de l’immutabilité du régime. 

La loi du 13 juillet 1965 a introduit une procédure de modification réglementaire. Le changement est alors admis mais par une homologation judiciaire notarié. 

La loi du 23 juin 2006 supprime le caractère systématique de l’homologation judiciaire.

Elle n’existe plus que dans deux situations : en présence d’un enfant mineur de l’un ou l’autre des époux ou en présence d’enfants majeurs lorsqu’un des enfants majeurs ou l’un des créanciers des époux s’oppose à la modification du régime. Dans tous les autres cas, le changement de régime devient simplement notarié, moyennant le respect d’une procédure.

La loi du 23 mars 2019 supprime le délai de 2 ans requis depuis 1965 et fait disparaître l’homologation judiciaire en présence d’une enfant mineur pour la remplacer par un devoir d’alerte entre les mains du notaire.

La réglementation de la procédure de changement de régime

Sur le fond

La disparition du délai

Depuis 1965, pour changer de régime, il existait un délai de 2 ans depuis le mariage ou depuis le dernier changement de régime. Ce délai a disparu depuis la loi du 23 mars 2019.

La conformité à l’intérêt de la famille

En revanche, le changement de régime doit toujours être conforme à l’intérêt de la famille.

La liquidation du régime

A peine de nullité, l’acte notarié contient la liquidation du régime modifié si elle est nécessaire (article 1397 du Code civil). 

Certaines situations donnent forcément lieu à liquidation : par exemple l’abandon d’un régime communautaire afin d’adopter un régime séparatiste. 

Dans d’autres hypothèses, comme le passage d’une séparation de biens à une communauté, ou l’extension d’une communauté légale à une communauté universelle, la liquidation ne s’impose pas forcément pour la validité de l’acte (s’il n’y a pas de créances ni de récompenses). 

Dans certaines hypothèses, il n’est pas nécessaire de liquider : par exemple clause de préciput à une communauté ou attribution intégrale dans une communauté universelle.

Sur la forme

Le changement fait l’objet d’une procédure réglementée.

Un acte notarié

Un acte notarié est requis à titre de validité (article 1394 du Code civil).

« Toutes les conventions matrimoniales seront rédigées par acte devant notaire, en la présence et avec le consentement simultanés de toutes les personnes qui y sont parties ou de leurs mandataires. Au moment de la signature du contrat, le notaire délivre aux parties un certificat sur papier libre et sans frais, énonçant ses nom et lieu de résidence, les noms, prénoms, qualités et demeures des futurs époux, ainsi que la date du contrat. Ce certificat indique qu’il doit être remis à l’officier de l’état civil avant la célébration du mariage ».

Une obligation d’information

Les personnes intéressées doivent être informées du projet de changement de régime matrimonial.

Les créanciers sont informés par une publicité dans un journal d’annonces légales dans le département ou l’arrondissement du domicile des époux (1397 alinéa 3 du Code civil). L’information porte sur le contenu de l’information ainsi que sur le droit d’opposition et ses modalités. 

Les enfants majeurs de chaque époux et les parties au contrat modifié sont informés personnellement (article 1397 alinéa 2 du Code civil). Les moyens d’informer sont les suivants : la notification par lettre recommandée, la remise en main propre contre récépissé, l’exploit d’huissier.  

L’information doit porter également sur l’existence d’un droit d’opposition des enfants ainsi que sur les modalités de ce droit d’opposition : les enfants peuvent former opposition dans les 3 mois à compter de la réception de l’information (article 1397 alinéa 2). Il faut informer sur la forme de l’opposition : par lettre recommandée avec avis de réception ou par exploit d’huissier adressé au notaire instrumentaire.

Depuis la loi de 2019, en présence de majeur protégé, l’information doit être délivrée à la personne en charge de sa protection (article 1937 alinéa 2). Pour les mineurs, si l’enfant est sous tutelle, c’est le tuteur qui doit être informé. S’il est sous administration légale, une mission d’alerte est confiée au notaire qui doit alerter le juge s’il considère que le changement est de nature à compromettre manifestement et substantiellement les intérêts patrimoniaux du mineur ou qu’il est susceptible de porter un préjudice grave à ces intérêts.

La publicité

Le notaire va ensuite établir un certificat de non-opposition portant sur l’information de l’opposition et l’absence d’opposition au changement de régime matrimonial. Ce document permet de constater le caractère définitif du changement de régime. 

Il faudra informer l’officier d’état civil, le notaire doit donc ensuite requérir la mention du changement de régime en marge de l’acte de mariage des époux. Il fait cela au terme d’un envoi à l’officier d’état civil détenteur de l’acte. L’officier d’état civil devra porter une mention en marge des actes de naissance de chacun des époux (inscription RC pour indiquer qu’il y a eu une modification dans le répertoire civil). 

Le cas échéant, il y a lieu à une mention en marge de la minute du contrat de mariage modifié. Si le même notaire a reçu le contrat de mariage et la convention de changement de régime, il procède à une mention en marge de la minute du contrat qu’il détient. Si un autre notaire avait reçu le contrat de mariage, le notaire ayant reçu la convention de changement de régime doit en informer son confrère qui informera du changement de régime matrimonial en marge de la minute du contrat de mariage modifié.

Il convient de préciser qu’il peut y avoir lieu à des formalités de publicité foncière lorsque le changement de régime matrimonial a pour effet de modifier la possession d’un immeuble car il opère ainsi une mutation immobilière. Il n’y a cependant pas lieu de procéder à cette publicité si le changement de qualification de l’immeuble ne modifie pas la quotité de droits des époux sur le bien. 

La prise d’effet

Le changement prend effet entre les époux à la date de la convention modificative ou à la date du jugement (à dater de la décision ou de l’acte qui le prévoit). 

Le changement a effet à l’égard des tiers trois mois après que mention en a été portée en marge de l’acte de mariage. Même en l’absence de mention, le changement n’en est pas moins opposable aux tiers si, dans les actes passés avec eux, les époux ont déclaré avoir modifié leur régime matrimonial.

Les coûts de la procédure de changement de régime

Plusieurs types de frais sont à prévoir en cas de changement de régime matrimonial : des frais de formalités, des frais fiscaux, des frais de notaire (émoluments), des frais d’avocat (honoraires) en cas d’homologation.

Les frais de formalités

Les frais de formalités sont les suivants :

  • Lettre recommandée ou exploit d’huissier pour l’information personnelle des enfants.
  • Publication dans un journal d’annonces légales pour l’information des créanciers. 
  • Publication à l’officier d’état civil.

 C’est le notaire qui appelle ces frais puisqu’il est en charge des formalités.

Les frais fiscaux

Les frais fiscaux sont provisionnés par le notaire qui, en tant que collecteur d’impôts, reversera les frais à l’administration fiscale. 

En principe, il y a lieu au paiement d’un droit fixe de 125€ sauf si le changement de régime entraine une taxation plus élevée. 

Cela peut être une taxe de publicité foncière pour la mutation de propriété d’un bien immobilier qui s’élève à 0,715% sur la valeur du bien immobilier transmis à l’époux. Si les époux apportent par exemple un bien propre à la communauté, seule la moitié de la valeur de l’immeuble sera soumise à la taxe de publicité foncière puisque l’autre époux était déjà titulaire de la moitié. En revanche, il n’y a pas lieu de procéder aux formalités de publicité foncière si le changement de qualification ne change pas la quotité de droits des époux sur le bien immobilier. Par exemple, des propriétaires indivis, si le bien est apporté par les époux à la communauté, il n’y a pas besoin de payer la taxe.

Lorsque la taxe de publicité foncière est due, il y a également lieu au paiement de la contribution de sécurité immobilière (CSI) pour les mutations immobilières qui s’élève à 0,10%. 

Éventuellement, il peut y avoir lieu au paiement d’un droit de partage de 2,5%.

Les frais de notaire

S’agissant des émoluments du notaire, un arrêté du 26 février 2016 fixe les tarifs réglementés des notaires. 

Un émolument fixe d’environ 200 € est lorsqu’il n’y a pas de rapport ou que la valeur des biens est inférieure ou égale à 30 800€. Sinon, l’émolument est proportionnel à la valeur des biens déclarés.

Il y a lieu à des émoluments de liquidation en cas de liquidation. De même, il y a des émoluments de partage en cas de partage.

Les frais d’avocat

L’intervention d’un avocat spécialisé en droit de la famille est obligatoire en cas de nécessité d’une homologation judiciaire. Le montant du forfait dépend de quelques éléments sur lesquels nos avocats pourront vous interroger pour vous répondre sur un montant fixe. N’hésitez pas à nous interroger.

Par Maxime Clavel et Capucine Bohuon

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Publié le 13 Déc 2023