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Succession
Les étapes à respecter pour calculer l’indemnité de réduction, sa revalorisation et les intérêts de retard
Liquidation et partage de successionsNous vous expliquons les étapes du calcul de l’indemnité de réduction, de sa revalorisation et des intérêts de retard en cas de retard du paiement de l’indemnité de réduction.
L’indemnité de réduction et son calcul
Objectif de l’action en réduction : la protection de la réserve des héritiers réservataires
Les enfants de la personne décédée (appelée « de cujus ») sont des héritiers particuliers. Ils bénéficient d’une quote-part privilégiée dans la succession de leur auteur : la réserve.
Cette quote-part doit être transmise libre de droits aux héritiers réservataires, leur garantissant un minimum dans la succession. On ne peut donc pas y déroger en faisant des donations (de son vivant) ou des legs (par testament) trop importants à d’autres personnes. De même si l’un des héritiers s’est lui-même octroyé des droits trop importants, en prélevant sur l’actif de ses parents, il convient de les traiter de la même manière en tenant compte de ce principe protecteur.
L’indemnité de réduction a donc vocation à dédommager l’héritier réservataire dont la réserve a été atteinte.
Mais, en pratique, comment vérifier et calculer l’indemnité de réduction due par le gratifié qui a trop reçu par rapport aux droits légaux des héritiers réservataires ?
Voici ci-après les étapes pratiques à respecter.
Les étapes pour calculer l’indemnité de réduction
1ère étape : déterminer la masse de calcul
Au décès, il y a lieu de reconstituer la masse successorale, en réintégrant à l’actif net existant l’intégralité des donations consenties par le défunt. C’est sur cette assiette, appelée, « masse de calcul », qu’il y a lieu de vérifier si la réserve héréditaire des héritiers a été empiétée et s’il y a lieu à réduction.
Cette exigence s’applique à toutes les donations, rapportables ou pas. Il s’agit de deux mécanismes différents.
2ème étape : déterminer la fraction de la réserve globale et de la quotité disponible
L’article 913 du Code civil aménage la quotité disponible en présence d’héritiers réservataires.
« Les libéralités, soit par actes entre vifs, soit par testament, ne pourront excéder la moitié des biens du disposant, s’il ne laisse à son décès qu’un enfant ; le tiers, s’il laisse deux enfants ; le quart, s’il en laisse trois ou un plus grand nombre.
L’enfant qui renonce à la succession n’est compris dans le nombre d’enfants laissés par le défunt que s’il est représenté ou s’il est tenu au rapport d’une libéralité en application des dispositions de l’article 845. »
Cet article du code civil permet ainsi de déterminer la fraction de la quotité disponible (quotité disponible), en fonction du nombre d’héritier réservataire :
- 1 réservataire : la quotité disponible est de ½ de la masse de calcul,
- 2 réservataires : la quotité disponible est de 1/3 de la masse de calcul,
- 3 et + : la quotité disponible est de ¼ de la masse de calcul.
3ème étape : vérification de l’ordre d’imputation des libéralités et la réduction subséquente
Les donations sont imputées :
- En priorité par rapport aux legs -réalisés par testament- puisqu’elles leur sont par hypothèse antérieures ;
- Selon leur ordre chronologique : les plus anciennes s’imputent en premier. Dès lors, les donations les plus récentes sont soumises à réduction en priorité afin de préserver les donations les plus anciennes. En cas de libéralités réalisées à la même date, elles sont réduites au « marc le franc », c’est-à-dire au prorata.
Ensuite, les legs sont imputés et donc réduits en premier. En cas de plusieurs legs, ceux-ci sont également réduits au « marc le franc », c’est-à-dire selon un prorata mathématique pur, sans aucune distinction entre legs universels et legs particuliers (article 926 du Code civil), sauf précision contraire par le testateur (article 927 du même code).
Cas spécifique du contrat d’assurance-vie requalifié en donation :
Lorsque le juge requalifie une assurance-vie en donation, il doit être déterminé à quelle date celle-ci s’impute, c’est-à-dire quel est le fait générateur de la donation. La jurisprudence est claire sur le sujet : c’est l’acceptation qui fixe la date de la donation.
C’est l’article L.132-9 du Code des assurances fixe le régime de l’acceptation de l’assurance-vie.
« I.-Sous réserve des dispositions du dernier alinéa de l’article L. 132-4-1, la stipulation en vertu de laquelle le bénéfice de l’assurance est attribué à un bénéficiaire déterminé devient irrévocable par l’acceptation de celui-ci, effectuée dans les conditions prévues au II du présent article. Pendant la durée du contrat, après acceptation du bénéficiaire, le stipulant ne peut exercer sa faculté de rachat et l’entreprise d’assurance ne peut lui consentir d’avance sans l’accord du bénéficiaire.
Tant que l’acceptation n’a pas eu lieu, le droit de révoquer cette stipulation n’appartient qu’au stipulant et ne peut être exercé de son vivant ni par ses créanciers ni par ses représentants légaux. Lorsqu’une tutelle a été ouverte à l’égard du stipulant, la révocation ne peut intervenir qu’avec l’autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille s’il a été constitué.
Ce droit de révocation ne peut être exercé, après la mort du stipulant, par ses héritiers, qu’après l’exigibilité de la somme assurée et au plus tôt trois mois après que le bénéficiaire de l’assurance a été mis en demeure par acte extrajudiciaire, d’avoir à déclarer s’il accepte.
L’attribution à titre gratuit du bénéfice d’une assurance sur la vie à une personne déterminée est présumée faite sous la condition de l’existence du bénéficiaire à l’époque de l’exigibilité du capital ou de la rente garantis, à moins que le contraire ne résulte des termes de la stipulation.
II .- Tant que l’assuré et le stipulant sont en vie, l’acceptation est faite par un avenant signé de l’entreprise d’assurance, du stipulant et du bénéficiaire. Elle peut également être faite par un acte authentique ou sous seing privé, signé du stipulant et du bénéficiaire, et n’a alors d’effet à l’égard de l’entreprise d’assurance que lorsqu’elle lui est notifiée par écrit.
Lorsque la désignation du bénéficiaire est faite à titre gratuit, l’acceptation ne peut intervenir que trente jours au moins à compter du moment où le stipulant est informé que le contrat d’assurance est conclu.
Après le décès de l’assuré ou du stipulant, l’acceptation est libre. »
Ainsi, deux options se dessinent :
- Soit l’acceptation a eu lieu du vivant du souscripteur et avec l’accord de ce dernier.
- Si elle a acquis date certaine, son rang d’imputation résultera de cette date (comme les donations par contrat de mariage),
- Si elle n’a pas de date certaine, elle prendra rang au jour du décès. Elle sera donc réduite après les legs, mais avant les donations ayant date certaine, comme pour un don manuel n’ayant pas date certaine.
- Soit l’acceptation a eu lieu du vivant du souscripteur mais sans l’accord de ce dernier ou a lieu au décès du souscripteur-assuré : l’imputation sera donc opérée à la date du décès, date à laquelle elle acquiert date certaine en application de l’article 1377 du Code civil, avant les legs, selon l’article 923 du même code.
4ème étape : vérification de l’assiette d’imputation des libéralités
Les articles 919-2 et 920 fixent l’assiette d’imputation, c’est-à-dire la masse de la succession sur laquelle les libéralités sont prélevées.
« La libéralité faite hors part successorale s’impute sur la quotité disponible. L’excédent est sujet à réduction. ».
« Les libéralités, directes ou indirectes, qui portent atteinte à la réserve d’un ou plusieurs héritiers, sont réductibles à la quotité disponible lors de l’ouverture de la succession. »
La masse d’imputation dépend de l’objectif de la libéralité :
- Elle s’imputera sur la réserve du bénéficiaire s’il ne s’agissait pour le défunt que de procéder à une avance sur la succession au bénéfice d’un héritier. On parle alors de donation en avancement de part successorale. Dans ce cas l’héritier ne reçoit au total que le montant de sa réserve,
- Elle s’imputera au contraire sur la quotité disponible s’il s’agissait d’avantager le gratifié, qu’il soit héritier réservataire ou pas. Dans ce dernier cas, il reçoit le montant de la donation en question en plus de ses éventuels autres droits.
❶ Les libéralités faites à un tiers de la succession
La libéralité consentie à un tiers qui n’a pas légalement de droit dans la succession du défunt s’impute automatiquement sur la quotité disponible (et exclusivement sur la quotité disponible).
❷ Les libéralités faites à un héritier
Les libéralités en « avancement de part successorale » faites à un héritier s’imputent d’abord sur la réserve de l’héritier gratifié qui a accepté la succession puis subsidiairement sur la quotité disponible. Au contraire, les libéralités faites « hors part successorale » s’imputent exclusivement sur la quotité disponible. L’excédent est sujet à réduction.
En cas de libéralité en usufruit ou en nue-propriété hors part successorale à un descendant, cette libéralité s’impute uniquement sur l’usufruit ou la nue-propriété de la quotité disponible. Il ne faut pas convertir la libéralité en une valeur en pleine propriété au risque soit d’empiéter sur la quotité disponible spéciale (si la libéralité est en usufruit) soit de porter atteinte à la réserve (si la libéralité est en nue-propriété).
❸ Les libéralités faites au conjoint survivant
L’imputation des libéralités au conjoint dépend en revanche de l’objet de la libéralité :
- Les libéralités en usufruit s’imputent en premier lieu sur l’usufruit de la réserve et subsidiairement sur l’usufruit de la quotité disponible ordinaire, ce qui permet de laisser au disposant une plus grande liberté pour gratifier un tiers ;
- Les libéralités en pleine propriété s’imputent en premier lieu sur la quotité disponible ordinaire et subsidiairement sur l’usufruit de la réserve. Elles sont alors réduites en nue-propriété pour la fraction de libéralité excédant le disponible ordinaire.
Dans tous les cas, le conjoint ne peut recevoir plus ou autre chose que l’une des trois quotités prévues par l’article 1094-1 du Code civil.
« Pour le cas où l’époux laisserait des enfants ou descendants, issus ou non du mariage, il pourra disposer en faveur de l’autre époux, soit de la propriété de ce dont il pourrait disposer en faveur d’un étranger, soit d’un quart de ses biens en propriété et des trois autres quarts en usufruit, soit encore de la totalité de ses biens en usufruit seulement.
Sauf stipulation contraire du disposant, le conjoint survivant peut cantonner son émolument sur une partie des biens dont il a été disposé en sa faveur. Cette limitation ne peut être considérée comme une libéralité faite aux autres successibles. »
5ème étape : détermination de la réductibilité
Une fois déterminées :
- 1ère étape : la masse de calcul (patrimoine successoral valeur jour décès + valeur libéralités (en fonction de la nature de la libéralité)),
- 2ème étape : la fraction de la quotité disponible, de la réserve globale et de la réserve individuelle.
Il est possible d’imputer les libéralités :
- 3ème étape : dans l’ordre déterminé ci-dessus (d’abord les donations puis les legs),
- 4ème étape : sur l’assiette d’imputation correspond (quotité disponible, réserve individuelle).
C’est ainsi que dans le cas où une libéralité excède l’assiette d’imputation correspondante (la quotité disponible ou la réserve individuelle), elle est réductible. La détermination de la valeur de l’indemnité de réduction est la différence entre :
- D’une part, la valeur de la libéralité,
- Et, d’autre part, le reliquat de l’assiette d’imputation avant l’imputation de la libéralité considérée
Le gratifié devra alors une indemnité de réduction aux héritiers réservataires.
Il convient ensuite de procéder à deux autres étapes :
- La revalorisation de l’indemnité de réduction (ainsi déterminée) au jour du partage,
- Le calcul des éventuels intérêts de retard cumulés.
Le mécanisme de revalorisation de l’indemnité de réduction
Date de revalorisation
Le règlement des indemnités de réduction pour atteinte à la réserve héréditaire dues par les gratifiées s’effectue en priorité en argent, au moment du partage. Leur montant est calculé d’après la valeur des biens donnés à l’époque du partage dans leur état à l’époque où la libéralité a pris effet, tel que prévu par les articles 924 et suivants du Code civil.
« Le montant de l’indemnité de réduction se calcule d’après la valeur des biens donnés ou légués à l’époque du partage ou de leur aliénation par le gratifié et en fonction de leur état au jour où la libéralité a pris effet. S’il y a eu subrogation, le calcul de l’indemnité de réduction tient compte de la valeur des nouveaux biens à l’époque du partage, d’après leur état à l’époque de l’acquisition. Toutefois, si la dépréciation des nouveaux biens était, en raison de leur nature, inéluctable au jour de leur acquisition, il n’est pas tenu compte de la subrogation. »
Dans les cas d’absence d’indivision successorale, la succession de ne donne lieu à aucun partage. Par suite et en l’état actuel de la jurisprudence, la valeur des biens à retenir pour le calcul de l’indemnité de réduction est leur valeur au jour de la liquidation de cette indemnité.
Méthodologie
Il y a lieu de procéder à une règle de trois classiques pour revaloriser le montant de l’indemnité de réduction due par le gratifié à l’héritier réservataire :
indemnité de réduction revalorisée = Indemnité de réduction déterminée ci-avant / valeur donation au jour du décès x valeur donation au jour du partage (ou de la liquidation).
Le calcul des intérêts de retard de l’indemnité de réduction
Selon l’article 924-3 du Code civil, l’indemnité de réduction est productive d’intérêts au taux légal à compter de la date à laquelle le montant de l’indemnité de réduction a été fixé.
Ces intérêts courent jusqu’à la date de son paiement effectif.
Tant le Code civil que la jurisprudence dans son état actuel, imposent au liquidateur de l’indemnité de réduction de déterminer la date à laquelle le montant de l’indemnité de réduction est fixé pour connaître le point de départ des intérêts.
La réponse à cette problématique est contenue dans les règles qui régissent le mode de liquidation de cette indemnité de réduction.
A titre d’exemple : Si le bien donné a été aliéné sans remploi, l’indemnité de réduction est calculée, autrement dit liquidée, d’après le prix d’aliénation (ou le montant de l’indemnité d’expropriation perçue -Cass 1è civ. 1-12-2021 n° 20-12.923-). Elle est productive d’intérêts de droit depuis le jour de la liquidation, donc de l’aliénation, lorsque celle-ci est postérieure à l’ouverture de la succession.
Ainsi, la date à retenir pour le point de départ des intérêts n’est pas celle du jour où le liquidateur fixe le montant de l’indemnité de réduction et donc ce n’est pas la date de l’état liquidatif. La date à retenir est la date à laquelle s’est placé le liquidateur pour fixer l’indemnité de réduction.
C’est à compter de cette date-là que la dette cesse d’être une dette de valeur. L’indemnité de réduction n’est plus indexée sur la valeur du bien donné. L’aliénation du bien a pour effet de « fongibiliser » la dette du gratifié.
Elle est devenue, à défaut de remploi du prix d’aliénation par le gratifié, une dette ordinaire de deniers, figée dans son montant, productive d’intérêts de droit, au taux légal.
Cette solution consiste à ne pas cumuler indexation et intérêts, car le valorisme protège le créancier contre l’érosion monétaire et compense la perte des plus-values.
Cas spécifique s’agissant d’un contrat d’assurance-vie requalifié en donation déguisée :
- C’est le profit subsistant pour le bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie, devenu donataire du capital-décès, à l’époque du décès, qui est pris en compte dans le règlement successoral.
- C’est aussi ce profit subsistant à l’époque du partage qui est pris en compte pour le calcul de l’indemnité de réduction, et à défaut de partage, à la date la plus proche du paiement de cette indemnité.
Ce profit subsistant étant pour le bénéficiaire devenu donataire, le capital-décès avec tous ses accroissements.
Par Marie Laguian et Nicolas Graftieaux
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