Aller au contenu

Succession

Prescription de l’action en réduction et partage judiciaire

Liquidation et partage de successions

La désignation d’un notaire judiciaire dans le cadre d’une procédure en liquidation partage a pour effet de prolonger l’interruption de la prescription de l’action en réduction.

Durée de la prescription de l’action en réduction

L’article 921 alinéa 2 du Code civil dispose : 

« Le délai de prescription de l’action en réduction est fixé à cinq ans à compter de l’ouverture de la succession, ou à deux ans à compter du jour où les héritiers ont eu connaissance de l’atteinte portée à leur réserve, sans jamais pouvoir excéder dix ans à compter du décès ». 

Ainsi, la prescription de l’action en réduction est de 5 ans à compter du décès ou 2 ans à compter de la connaissance de l’atteinte portée à la réserve, sans jamais pouvoir excéder 10 ans à compter du décès.

Interruption de la prescription par la procédure

Principe

Toutefois, les avocats spécialisés en contentieux des successions le savent, l’introduction d’une procédure judiciaire interrompt le délai de prescription. C’est ce qui résulte de l’article 2241 du Code civil. 

« La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion ». 

Cas de l’assignation en compte liquidation et partage

Plus particulièrement, la question s’est souvent posée en jurisprudence de savoir si la demande d’ouverture des opérations de compte liquidation et partage, sans demande particulière concernant la réduction d’une donation, suffit à interrompre le délai de prescription de l’action en réduction ?

Dit autrement, cette demande simple d’ouverture des opérations de comptes liquidation et partage d’une succession induit-elle tacitement une demande d’action en réduction, cette dernière n’étant soumise à aucune formalisme particulier.

C’est ce qui résulte d’une jurisprudence assez constante : 

  • Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 10 janvier 2018 (16-27.894) : la demande en réduction d’une libéralité excessive n’étant soumise à aucun formalisme particulier, la cour d’appel a souverainement estimé qu’en demandant l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des successions de leurs père et mère ainsi que le rapport des donations et la fixation d’une soulte, les demandeurs avaient manifesté leur volonté de voir procéder à la réduction des libéralités consenties.
  • Cass. 1re civ., 21 oct. 2015 (14-25524) : De façon similaire, la Cour de cassation estime qu’une demande d’attribution de la part de réserve s’analyse en une action en réduction du legs consenti : « après avoir relevé que la demande tendait à l’attribution de leur part de réserve, c’est sans modifier l’objet du litige et par une exacte application de l’article 12 du Code de procédure civile, que la cour d’appel a retenu que cette demande s’analysait en une action en réduction du legs consenti ».
  • Cour d’appel d’Angers 8 décembre 2022, (19/00574) : la Cour d’appel d’Angers reprend la solution : la demande en réduction d’une libéralité excessive n’étant soumise à aucun formalisme particulier, en demandant l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession, le demandeur manifeste sa volonté de voir procéder à la réduction des libéralités litigieuses (1re Civ., 10 janvier 2018, pourvoi n° 16-27.894). De sorte que l’action en réduction, qui n’a pas été expressément présentée en première instance mais qui était induite par la demande d’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession par assignation, a bien été introduite dans le délai utile pour agir.

Cette solution n’a rien d’étonnant puisque l’action en réduction des libéralités n’est soumise à aucun formalisme particulier et que cette demande est partie intégrante de la liquidation d’une succession, qui permet notamment de savoir si une donation est réductible.

Les avocats du cabinet spécialisés en droit des successions considèrent cependant que la simple signification d’une assignation en comptes, liquidation et partage d’une succession n’emporte pas automatiquement suspension de la prescription ou qu’en tous cas, la prise de risque est trop importante pour nos clients. C’est pourquoi pour sécuriser nos procédures, le contenu de l’assignation doit être étoffé, argumenté et pousser la simulation liquidative jusqu’à parfois simuler les réductions potentielles en fonction des informations dont nos clients disposent.

Durée de l’interruption

Principe

Il résulte de l’article 2242 du code civil que « l’interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu’à l’extinction de l’instance ».

L’extinction de l’instance est prévue à l’article 384 et suivants du Code de procédure civile qui dispose que « L’extinction de l’instance est constatée par une décision de dessaisissement. »

Ainsi, l’interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu’à l’extinction de l’instance, qui en principe résulte d’un jugement qui dessaisit le tribunal.

Spécificité : une interruption qui se poursuit pendant la procédure de partage judiciaire

Toutefois, la jurisprudence précise que le jugement qui ouvre les opérations de liquidation-partage et renvoie les parties devant le notaire ne dessaisit pas le tribunal. La prescription demeure donc interrompue.

C’est ce qui résulte d’un arrêt de la Cour de cassation qui précise : « attendu que le tribunal, devant lequel M. X… avait demandé le paiement d’une indemnité d’occupation, s’est borné, par jugement du 11 septembre 1997, à ouvrir les opérations de comptes, liquidation et partage de l’indivision et à renvoyer les parties devant le notaire qu’il avait désigné ; que dès lors que cette décision n’avait pas dessaisi le tribunal, la cour d’appel en a exactement déduit que le délai de prescription demeurait interrompu ». (Cass. 1e civ. 25-9-2013 no 12-24.996).

Par Sophie Rieussec et Capucine Bohuon, le 16 janvier 2024