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SUCCESSION
Succession – Difficultés liquidatives en présence de libéralités partage
Liquidation et partage d’indivisions mobilières et immobilièresEn présence d’une donation-partage la méthode de liquidation diffère de celle classiquement employée pour le règlement d’une succession.
Deux méthodes existent et le choix se fait en fonction de la volonté du disposant de maintenir ou non une inégalité.
Généralité sur la donation-partage
Afin de vérifier l’atteinte à la réserve héréditaire au moment de l’ouverture d’une succession, les donations sont « réunies fictivement » aux biens existants, pour leur valeur au jour du décès. C’est la « masse de calcul de la quotité disponible et de la réserve ».
Toutefois, contrairement aux donations dites « simples », les biens transmis par le biais d’une donation-partage, ne sont évalués ni au jour du décès ni au jour du partage de la succession mais à la date de l’acte de donation pour la réunion fictive.
C’est ce qui résulte de l’article 1078 du code civil à condition que tous les héritiers réservataires vivants ou représentés au décès de l’ascendant aient reçu un lot dans le partage anticipé.
L’article 1078 dispose « Nonobstant les règles applicables aux donations entre vifs, les biens donnés seront, sauf convention contraire, évalués au jour de la donation-partage pour l’imputation et le calcul de la réserve, à condition que tous les héritiers réservataires vivants ou représentés au décès de l’ascendant aient reçu un lot dans le partage anticipé et l’aient expressément accepté, et qu’il n’ait pas été prévu de réserve d’usufruit portant sur une somme d’argent. »
Par ailleurs, au moment du partage d’une succession les donations simples sont par principe rapportées pour leur valeur au jour du partage. Là encore les donations-partages, font exception, et contrairement aux donations simples, ne seront pas soumises au rapport successoral.
Spécificités de la vérification de l’atteinte à la réserve en présence d’une donation partage
Une fois la masse de calcul déterminée, l’imputation des libéralités vise à vérifier si les donations ont empiété sur la réserve des héritiers réservataires.
Pour cela, il faut classiquement déterminer si la quotité disponible a été épuisée et dépassée, ce qui, de fait, démontre que la réserve globale des héritiers a été entamée et donc que la libéralité est réductible.
Toutefois, en présence d’une donation-partage cette méthode est inadaptée car elle peut conclure à l’absence d’atteinte à la réserve alors même que l’héritier n’obtient qu’une partie de sa réserve héréditaire.
En conséquence, en présence d’une donation-partage, la recherche d’une atteinte à la réserve passe non par la recherche de l’épuisement de la quotité disponible mais -à l’inverse- par la vérification que les héritiers ont bien reçu leurs parts de réserve.
En ce sens l’article 1077-1 du code civil précise « L’héritier réservataire, qui n’a pas concouru à la donation-partage, ou qui a reçu un lot inférieur à sa part de réserve, peut exercer l’action en réduction, s’il n’existe pas à l’ouverture de la succession des biens non compris dans le partage et suffisants pour composer ou compléter sa réserve, compte tenu des libéralités dont il a pu bénéficier. »
Méthode de liquidation d’une succession en présence d’une donation partage
En présence d’une succession composée, entre autres de donations-partages, toute la liquidation tourne autour de ces donations-partages.
L’action en réduction est alors possible aux termes de l’article 1077-1 du code civil « s’il n’existe pas à l’ouverture de la succession des biens non compris dans le partage et suffisants pour composer ou compléter sa réserve, compte tenu des libéralités dont il a pu bénéficier. »
Il convient de procéder par étape :
- en premier lieu, il faut rechercher si chaque réservataire a bien reçu sa part de réserve à travers la libéralité partage,
- puis, à défaut, vérifier si les autres libéralités reçues (en dehors de la donation-partage) n’ont pas permis de le remplir de sa réserve. Si ces dernières sont utilisées pour compléter sa part de réserve, elles ne sont plus sujettes au rapport,
- enfin, il faut ouvrir à celui qui a été insuffisamment alloti un droit de prélèvement, sur les biens existants, du complément de sa réserve.
Deux méthodes s’opposent sur la façon de déterminer dans quelle proportion les biens existants peuvent servir à ce complément.
La méthode dit « Carpentras »
La première méthode résulte d’une jurisprudence du TGI Carpentras en date du 4 mai 1999 (JCP G 1999, II 10380, no).
Une fois déterminé que la part reçue par un héritier (libéralités simples et donation-partage cumulées) ne suffit pas à le remplir de sa réserve, il est prélevé sur les biens existants, sans limite.
Ensuite, la masse à partager est déterminée de la façon suivante :
- biens existants déduction faite de la part utilisée pour compléter la réserve de l’héritier désavantagé,
- donations antérieures rapportables, mais seulement à hauteur de la fraction non utilisé pour un éventuel complément de réserve,
Cette masse est ensuite répartie entre les héritiers à proportion de leurs droits.
La méthode dite « de Paris »
Cette méthode résulte d’une jurisprudence du TGI Paris du 13 févr. 2008, (RG n° 05/00598).
Aux termes de cette méthode, il convient en amont de déterminer ce à quoi chaque héritier peut prétendre sur les biens existants non légués, au regard de ses droits dans la succession.
Si, une fois cette part ajoutée à ce que l’héritier réservataire a déjà reçu en avancement de part successorale, il n’est pas rempli de sa réserve, il peut prétendre à une indemnité de réduction.
En savoir plus sur la liquidation d'une succession en présence d'une donation-partage inégalitaire ou excluant un héritierLe choix de la méthode
Les deux méthodes aboutissent aux mêmes résultats lorsque :
- tous les héritiers sont allotis de leur réserve avec la donation-partage et les libéralités rapportables
- les héritiers n’ont pas suffisamment reçu par libéralités pour compléter leur réserve mais que la donation-partage est égalitaire.
- lorsque les héritiers non suffisamment gratifiés prélèvent sur les biens existants pour compléter leurs réserves mais qu’ils ne sont pas suffisants. Dans cette hypothèse, les deux méthodes conduisent à ouvrir aux héritiers une action en réduction, dans les mêmes proportions.
Les deux méthodes parviennent à un résultat différent en présence d’une donation-partage inégalitaire lorsqu’il reste des biens existants, une fois que le complément nécessaire à remplir l’héritier de sa réserve a été prélevé.
Les deux méthodes attribuent en réalité un rôle différent au « droit de prélèvement » prévu pour compléter la réserve d’un héritier :
- avec la méthode de Paris, le droit de prélèvement sur les biens existants n’a pas vocation à remédier au déséquilibre existant dans la donation partage, qui a pu être souhaité par le disposant,
- à l’inverse si le déséquilibre existant dans la donation-partage n’a pas été voulu mais qu’il est le résultat de la composition du patrimoine du disposant, la méthode de Carpentras, qui a davantage vocation à rétablir l’égalité, doit être appliquée.
Par Sophie Rieussec et Capucine Bohuon, le 11 décembre 2024