Guide Pratique
Divorce du chef d'entreprise
Le patrimoine du débiteur d’aliments pris en compte dans la détermination et la fixation du montant de la prestation compensatoire
Si en matière de pensions alimentaires (contribution à l’entretien et l’éducation des enfants et devoir de secours entre époux), les revenus et les charges du débiteurs des parents sont prioritairement pris en compte, en matière de prestation compensatoire le Juge aux affaires familiales s’intéressera également au patrimoine des époux, incluant évidemment la société ou les titres sociaux du ou des époux.
En savoir plus sur la valorisation de la sociétéLe patrimoine propre et personnel des époux
La prestation compensatoire n’a pas pour objet de partager le patrimoine propre des époux. Sa connaissance est cependant nécessaire à l’estimation du principe et du montant de la prestation compensatoire.
C’est pourquoi les époux divorçant doivent justifier de leurs biens propres au moment du débat relatif à la prestation compensatoire, en remplissant notamment une attestation sur l’honneur.
Bon à savoir : Conformément à l’article 272 du Code civil, les époux ont l’obligation de soumettre au Juge aux affaires familiales une déclaration sur l’honneur, dans laquelle ils certifient l’exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie, dès lors qu’une prestation compensatoire est sollicitée par l’un ou l’autre des époux, afin que le juge puisse statuer sur une éventuelle attribution et en fixer le montant. |
L’intégralité des biens propres ou personnels des époux doit être pris en considération, quelle qu’en soit l’origine.
S’agissant des époux communs en biens, le patrimoine propre se compose à la fois des biens acquis avant le mariage et ceux reçus, pendant le mariage, par succession ou donation.
En savoir plus sur les biens propres et les biens personnelsATTENTION Dans le cadre d’un régime de communauté, les biens acquis à titre onéreux par les époux sont présumés communs (article 1402 du Code civil). Cependant, une distinction importante est opérée en présence de titres sociaux puisque : – la « FINANCE », c’est-à-dire la valeur des parts sociales ou des actions au moment du divorce intègre la communauté ; – tandis que le « TITRE » c’est-à-dire la détention de la qualité de chef d’entreprise, d’associé ou d’actionnaire peut n’appartenir qu’à l’époux souscripteur. |
Il peut s’agir :
- du patrimoine mobilier : meubles, avoirs bancaires, véhicules, etc.,
- des biens immobiliers (pleine propriété et nue-propriété),
- des droits sociaux de toute nature : le travail d’évaluation de l’entreprise est très souvent délicat et nécessite l’intervention d’experts.
Attention : la vocation successorale des époux n’est pas prise en compte par le Juge puisque la perception n’est ni certaine ni chiffrée.
IMPORTANT Les éléments d’actifs de la société n’appartiennent pas à l’époux chef d’entreprise. Il est propriétaire de parts sociales ou d’actions. |
Le résultat de la liquidation du régime matrimonial
Le résultat de la liquidation n’est pas sans incidence en matière de prestation compensatoire d’abord car elle n’est pas nécessairement égalitaire.
En savoir plus sur la liquidation appliquée au divorce du chef d’entrepriseLes circonstances particulières conduisant à un déséquilibre peuvent être nombreuses : récompenses dues par la communauté à l’un des époux, avantages matrimoniaux, créances entre époux, mise en communauté par l’un des époux de biens propres à restituer, attribution de biens frugifères à l’un des époux.
La Cour de cassation a développé sur ces bases une jurisprudence peu lisible et peu pertinente. Elle a en effet considéré que le Juge aux affaires familiales ne doit pas prendre en compte la part de communauté, ou d’indivision (par analogie), devant revenir au créancier de la prestation compensatoire dans les régimes communautaires lorsqu’il apprécie le principe de la disparité entre époux lors du divorce (Ccass Civ 1ère 5 sept. 2018 n° 17-20.174 et 17.24.133).
Le résultat de la liquidation devrait seulement être pris en compte au moment de l’évaluation du montant de la prestation compensatoire (Ccass Civ 1ère 7 nov. 2018 n° 17-28.376).
LE DÉBAT Dans certaines configuration la moitié du patrimoine commun ou indivis peut-il suffire à maintenir le niveau de vie des deux époux en dehors de la prestation compensatoire ? |
La place de la société détenue par l’un des époux dans la détermination et la fixation de la prestation compensatoire
La distinction entre patrimoine personnel de l’époux et l’actif de sa société
À la différence des autres éléments d’actifs, les parts sociales et actions, la société, le patrimoine professionnel d’un époux a une vie, un intérêt propre et autonome. Sa considération doit être différenciée :
- valeur intrinsèque,
- liquidité de marché,
- fiscalité autonome.
La nature des sociétés doit également être étudiée. Ainsi une société « opérationnelle » (productive de plus-value) doit être distinguée d’une holding personnelle.
En savoir plus sur les différentes formes de sociétésCes structures, qui ont une personnalité morale propre, ne peuvent être considérées ni :
- Comme une entité opérationnelle : mode de gouvernance, investissement, provisions, mode d’évaluation, politique de distribution des bénéfices, sont autant d’éléments de différenciation obligeant l’expert judiciaire et le Juge aux affaires familiales à analyser spécifiquement cette société pas comme les autres ;
- Comme le patrimoine personnel de l’époux entrepreneur : la holding personnelle a un intérêt social propre, différent de son associé, même unique. Les deux connaissent des traitements fiscaux différents et les mouvements entre eux sont soumis à un impôt sur la tête du bénéficiaire.
La valeur de la société est-elle une ressource ?
Une problématique majeure en présence d’une société, au-delà de sa valorisation, réside dans la détermination de la trésorerie de l’époux chef d’entreprise ou cadre dirigeant.
En effet, la société peut-être illiquide et la fixation d’une prestation compensatoire inadaptée peut le contraindre à vendre ou abandonner son outil de travail.
En outre, dans certains cas la cession de la société n’est même pas envisageable, eu égard aux conséquences fiscales que le montage financier opéré entraînerait (exemple : pacte DUTREIL).
Pour autant, le besoin de son conjoint de recevoir une prestation compensatoire n’en est pas moins réel et légitime.
Les capacités d’emprunt doivent donc également être recherchées.
Une ingénierie juridique forte est également possible quant aux caractéristiques de la prestation compensatoire (forme, montant, durée, intéressement, fiscalité, etc.) pour concilier les intérêts et contraintes des deux époux qui ne doivent pas laisser au Juge aux affaires familiales seul le choix de ces modalités précises.
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