Aller au contenu

Droit de la famille

Action aux fins de contribution aux charges du mariage et clause de non-recours

Cass. civ. 1ère, 13 mai 2020, n°19-11.444

Liquidation et partage de régime matrimonial

Enseignement de l'arrêt

Les aménagements conventionnels effectués par les époux s’agissant de la contribution aux charges du mariage empêcheront toute remise en cause antérieure de leur organisation. En revanche, un des époux ne peut pas, en se prévalant des stipulations de son contrat de mariage, s’abstenir totalement de contribuer aux charges du mariage pour le futur.

Rappel des faits et de la procédure

Des époux mariés sous le régime de la séparation de biens se séparent physiquement en 2013.

Par acte du 28 juin 2016, l’épouse assigne son époux en contribution aux charges du mariage.  Parallèlement, l’époux introduit une procédure de divorce.

Position des juges du fond

Par jugement en date du 5 mai 2017, le Juge aux affaires familiales condamne l’époux à verser à sa conjointe une somme de 3.000 € par mois au titre de la contribution aux charges du mariage, rétroactivement du 1er janvier 2016 au 10 mars 2017, date à laquelle l’Ordonnance d’orientation et sur mesures provisoires (OOMP) a été prononcée.

L’époux interjette appel de cette décision.

La cour d’appel déclare la demande en contribution aux charges du mariage irrecevable, infirmant ainsi le jugement de première instance.

Elle retient que « la clause figurant dans le contrat de mariage qui stipule que chacun des époux est réputé avoir fourni, au jour le jour, sa part contributive, signifie qu’ils ne seront assujettis à aucun compte entre eux ».

L’épouse forme un pourvoi en cassation.

Solution retenue par la Cour de cassation

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel en énonçant que : 

« 3. Ayant constaté que la clause figurant dans le contrat de mariage des époux stipulait non seulement « que chacun d’eux sera réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive, en sorte qu’aucun compte ne sera fait entre eux à ce sujet », mais également « qu’ils n’auront pas de recours l’un contre l’autre pour les dépenses de cette nature », faisant ainsi ressortir qu’elle instituait expressément une clause de non-recours entre les parties, la cour d’appel en a exactement déduit que celle-ci avait la portée d’une fin de non-recevoir.

4. Le moyen, inopérant en sa dernière branche, qui critique un motif surabondant, ne peut donc être accueilli.

Mais sur la deuxième branche du moyen […]

10. Il résulte de l’application combinée de ces textes [art. 214, 226 et 1388 c. civ.] que les conventions conclues par les époux ne peuvent les dispenser de leur obligation d’ordre public de contribuer aux charges du mariage.

11. Dès lors, en présence d’un contrat de séparation de biens, la clause aux termes de laquelle « chacun [des époux] sera réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive, en sorte qu’aucun compte ne sera fait entre eux à ce sujet et qu’ils n’auront pas de recours l’un contre l’autre pour les dépenses de cette nature », ne fait pas obstacle, pendant la durée du mariage, au droit de l’un d’eux d’agir en justice pour contraindre l’autre à remplir, pour l’avenir, son obligation de contribuer aux charges du mariage.

12. Pour déclarer irrecevable la demande de l’épouse tendant à une fixation judiciaire de la contribution aux charges du mariage à compter de la date de son assignation, l’arrêt se fonde sur la clause figurant au contrat de mariage.

13. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».

Analyse juridique

Il convient de tirer de cet arrêt plusieurs enseignements.

Qualification de fin de non-recevoir

La clause d’un contrat de mariage selon laquelle chaque époux est réputé avoir acquitté sa contribution aux charges du mariage au jour le jour empêche les actions en ce sens, le défendeur pouvant opposer une fin de non-recevoir.

Le sort des clauses de non-recours

La Cour de cassation considère que les aménagements conventionnels effectués par les époux s’agissant de la contribution aux charges du mariage empêcheront toute remise cause antérieure de leur organisation. Ces derniers ne peuvent demander à faire les comptes pour le passé.

En revanche, la Cour de cassation refuse qu’un des époux puisse, en se prévalant des stipulations de son contrat de mariage, s’abstenir totalement de contribuer aux charges du mariage pour le futur.

En résumé, malgré l’existence d’une clause de non-recours, un des deux époux peut solliciter le versement d’une contribution aux charges du mariage, pour l’avenir et jusqu’à la dissolution du régime matrimonial.

Cet article vous intéresse ? Découvrez aussi les contenus suivants

jurisprudences et lois commentées

Droit de la famille

Liquidation : calcul d’une récompense complexe

Cass. civ. 1ère, 23 mai 2024, n°22-18.911

Publié le 21 Oct 2024

jurisprudences et lois commentées