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Droit des successions

Action en délivrance de legs et prescription en présence d’une demande en nullité du testament

Cass. civ. 1ère, 30 sept. 2020, n°19-11.543

Liquidation et partage de successions

Enseignement de l'arrêt

L’action en nullité du testament engagée par un héritier réservataire, n’empêche pas le légataire universel d’exercer l’action en délivrance de son legs et ne suspend donc pas la prescription du délai de 5 ans qui lui est dévolue.

Dans un arrêt du 30 septembre 2020 (n°19-11.543), la Cour de cassation édicte pour la première fois de manière claire que l’action en nullité du testament engagée par un héritier réservataire, n’empêche pas le légataire universel d’exercer l’action en délivrance de son legs et ne suspend donc pas la prescription du délai de 5 ans qui lui est dévolue.

Faits

Monsieur X décède le 13 janvier 2005. Il laisse pour lui succéder sa fille (Madame X) et avait institué Madame Y légataire universelle par trois testaments olographes.

La Cour de cassation intervient une première fois – dans un arrêt du 15 décembre 2010 (n°09-66870) devenu irrévocable – pour rejeter la demande de l’héritière réservataire aux fins d’annulation des testaments.

Le 13 octobre 2014, Madame Y assigne la fille du défunt, Madame X, en ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage d’une indivision qu’elle estime exister entre elles sur un immeuble dépendant de la succession. Elle sollicite la délivrance de son legs par conclusions du 29 octobre 2015.

Madame X s’oppose à la qualité d’indivisaire de Madame Y soutenant que le legs dont elle bénéficiait était prescrit.

Les juges du fond déclarent recevable et bien fondée la demande de Madame Y au motif que celle-ci ne pouvait pas agir judiciairement en délivrance de son legs tant que son droit de légataire universelle n’était pas définitivement établi, ce qui n’était intervenu que lors du prononcé de l’arrêt de la Cour de cassation du 15 décembre 2010.

La fille du défunt forme un pourvoi en cassation.

Position de la Cour de cassation

Au visa des articles 1004 et 2234, la Cour casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel ayant accueilli la demande de Madame Y. Elle considère que le délai de l’action en délivrance du legs, qui avait commencé à courir le jour du décès du de cujus, n’avait pas été suspendu par l’action en nullité des testaments engagées par l’héritière réservataire. La Cour de cassation adopte une position de droit général considérant que les titres (le testament) existent et produisent leurs effets théoriques tant qu’ils ne sont pas annulés. 

Un rappel du régime du legs universel consacré par testament éclairera le lecteur sur le sens de cette jurisprudence.

Délivrance d’un legs universel

Définition

La délivrance d’un legs est l’opération qui consiste à mettre le légataire en possession du bien qui lui a été légué au terme du testament. La transmission du droit juridique sur la chose s’opère dès le décès du défunt mais elle est virtuelle. La mise en possession matérielle, physique, de la chose est opérée par la délivrance du legs

Pour cela, contrairement aux héritiers réservataires – qui appréhendent les biens dès le décès – les légataires doivent solliciter l’envoi en possession de l’objet du legs.

En présence d’héritiers réservataires

En présence d’héritiers réservataires, le légataire universel doit s’adresser à ces derniers puisqu’ils sont saisis de l’ensemble des biens de la succession dès le décès du défunt. Ce sont donc eux qui reçoivent en premier lieu, même virtuellement, l’ensemble des actifs dépendant de la succession avant d’avoir à délivrer les legs.

En l’absence d’héritier réservataire

Dans une telle hypothèse, la procédure à suivre dépendra de la nature du testament :

  • si le testament instituant le legs universel est rédigé de manière authentique, c’est-à-dire s’il a été rédigé devant le Notaire, le légataire universel n’a pas à solliciter la délivrance de son legs car il est saisi de plein droit des actifs de la succession ;
  • si le testament instituant le legs universel est mystique ou olographe, la procédure est la suivante.

Etape 1 : le testament est ouvert par le Notaire qui dresse un procès-verbal, aux termes duquel il s’assure : 

  • de l’absence d’héritier réservataire ;
  • du caractère universel du legs.

Etape 2 : dans un délai de quinze jours à compter du procès-verbal d’ouverture du testament, le Notaire fait procéder à l’insertion d’un avis dans un journal d’annonces légales aux frais du légataire universel (article 1378-1 du Code de procédure civile).

« Dans les quinze jours suivant l’établissement du procès-verbal de l’ouverture et de l’état du testament mentionné à l’article 1007 du code civil, le notaire fait procéder à l’insertion d’un avis, qui comporte le nom du défunt, le nom et les coordonnées du notaire chargé de la succession, ainsi que l’existence d’un legs universel, au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales et dans un journal d’annonces légales diffusé dans le ressort du tribunal compétent. Cette publicité peut être faite par voie électronique. Les frais de publicité sont à la charge du légataire universel ».

Les tiers sont donc informés de l’existence d’un testament instituant un légataire universel, et pourront, s’ils y ont intérêt, s’y opposer. 

Etape 3 : un mois après l’établissement du procès-verbal d’ouverture du testament, le Notaire transmet au tribunal judiciaire du lieu du dernier domicile du défunt ledit procès-verbal ainsi qu’une copie du testament.

  • en l’absence d’opposition par un tiers : si dans le mois qui suit la réception des documents testamentaires au greffe du tribunal, aucun tiers intéressé ne s’est opposé à l’exercice de la saisine, le légataire échappe aux contraintes du contrôle judiciaire et pourra alors appréhender les biens successoraux. 
  • en cas d’opposition par un tiers : l’opposition doit être faite entre les mains du Notaire chargé du règlement de la succession, dans le délai d’un mois à compter de la réception des documents par le tribunal. Le légataire doit alors solliciter par requête auprès du Président du tribunal judiciaire l’envoi en possession de son legs. L’acte d’opposition doit être joint à la requête.

Forme de la délivrance

Aucune exigence de forme n’est requise pour la demande de délivrance du legs. Cependant, la transmission d’une lettre recommandée avec accusé réception (LRAR) est fortement recommandée afin de conserver la preuve d’une telle demande et de la dater.

De même, aucun formalisme n’est requis pour la mise en possession. Ainsi, elle peut simplement résulter de la mise en possession matérielle du légataire sans opposition de l’héritier légitime.

Prescription

L’action en délivrance de legs se prescrit au terme d’un délai de cinq ans à compter du décès du de cujus (article 2224 du Code civil).

« Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. »

Cette a prescription ne court pas ou est suspendue lorsque le légataire universel est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure (2234 du code civil).

La prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.

L’arrêt du 30 septembre 2020 précise donc que la situation du légataire dont le legs universel est contesté en raison d’une action en nullité du testament ne peut se prévaloir de cette exception pour demande la délivrance plus de 5 années après l’ouverture de la succession !

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