Jurisprudences
Adoption plénière de l'enfant du conjoint : quid en cas de procédure de divorce des époux ?
Cass. civ. 1ère, 11 mai 2023, 21-17.737, FS-B
Enfants – Filiation et adoption
Enseignement de l'arrêt
Le consentement à l’adoption plénière de l’enfant du conjoint peut être rétracté pendant deux mois. En l’absence de rétractation dans un délai de deux mois, ce consentement ne peut être conditionné à l’absence de procédure de divorce, une telle réserve n’étant pas prévue par la loi.
Le régime juridique de l’adoption plénière de l’enfant du conjoint
Les conditions de l’adoption plénière de l’enfant du conjoint
Les conditions tenant à l’adoptant
L’adoptant doit évidemment consentir à l’adoption plénière qu’il projette. Puis, conformément à l’article 348-1 code civil, l’autre conjoint et parent doit également donner son consentement.
« Lorsque la filiation d’un enfant n’est établie qu’à l’égard de l’un de ses auteurs, lui seul doit consentir à l’adoption. »
L’article 348-3 du code civil énonce que ce consentement doit être libre et éclairé. Il doit être donné devant un notaire français ou étranger, devant un agent diplomatique ou consulaire français.
« Le consentement à l’adoption doit être libre, obtenu sans aucune contrepartie après la naissance de l’enfant et éclairé sur les conséquences de l’adoption, en particulier s’il est donné en vue d’une adoption plénière, sur le caractère complet et irrévocable de la rupture du lien de filiation préexistant.
Le consentement à l’adoption est donné devant un notaire français ou étranger, ou devant les agents diplomatiques ou consulaires français. Il peut également être reçu par le service de l’aide sociale à l’enfance lorsque l’enfant lui a été remis. »
L’article 348-5 du code civil dispose que le consentement à l’adoption plénière peut être rétracté pendant deux mois. Ce délai de deux mois s’applique autant pour le consentement de l’adoptant que pour celui du conjoint parent.
« Le consentement à l’adoption peut être rétracté pendant deux mois. La rétractation doit être faite par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée à la personne ou au service qui a reçu le consentement à l’adoption. La remise de l’enfant à ses parents sur demande même verbale par cette personne ou ce service vaut rétractation.
Si à l’expiration du délai de deux mois, le consentement n’a pas été rétracté, les parents peuvent encore demander la restitution de l’enfant à condition que celui-ci n’ait pas été placé en vue de l’adoption. Si la personne qui l’a recueilli refuse de le restituer, les parents peuvent saisir le tribunal qui apprécie, compte tenu de l’intérêt de l’enfant, s’il y a lieu d’en ordonner la restitution. La restitution rend caduc le consentement à l’adoption. »
Il n’y a pas de conditions d’âge (28 ans minimum hors le cas d’adoption de l’enfant du conjoint), ni de durée de mariage (2 ans hors le cas d’adoption de l’enfant du conjoint) pour l’adoption de l’enfant du conjoint.
Enfin, l’adoption doit être conforme aux intérêts des descendants de l’adoptant.
Les conditions tenant à l’adopté
L’adoption doit être conforme à l’intérêt de l’enfant.
Conformément à l’article 345-1 code civil ancien devenu l’article 370-1-3, l’enfant doit se trouver dans une des situations suivantes :
« 1° Lorsque l’enfant n’a de filiation légalement établie qu’à l’égard de ce conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin ;
1° bis Lorsque l’enfant a fait l’objet d’une adoption plénière par ce seul conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin et n’a de filiation établie qu’à son égard ;
2° Lorsque l’autre parent que le conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin s’est vu retirer totalement l’autorité parentale ;
3° Lorsque l’autre parent que le conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin est décédé et n’a pas laissé d’ascendants au premier degré ou lorsque ceux-ci se sont manifestement désintéressés de l’enfant. »
Enfin, s’agissant de l’adoption de l’enfant du conjoint il faut un d’âge d’au moins 10 ans entre l’adoptant et l’adopté, sauf juste motif.
Les conséquences de l’adoption plénière
Tout d’abord, il convient de rappeler que contrairement à une adoption plénière faite par un tiers (non conjoint du parent), il n’y a pas de rupture du lien juridique de filiation avec le précédent parent puisque la nouvelle filiation ne remplace pas la précédente, elle s’y ajoute.
Ensuite, l’autorité parentale sera accordée au profit de l’adoptant. L’enfant pourra prendre le nom de famille de l’adoptant. De même, tous les droits successoraux et obligations alimentaires entre adoptant et adopté deviennent applicables.
Enfin, l’adoption est irrévocable sauf exceptions graves (assistance éducative, retrait de l’autorité parentale…).
Apport de l’arrêt
Rappel des faits
Dans l’arrêt étudié, les épouses se sont mariées le 29 août 2015.
Le 19 janvier 2016, l’une d’elles donne naissance à un enfant.
Le 28 avril 2016, l’épouse sollicite le prononcé de l’adoption plénière de l’enfant à laquelle la mère avait consenti le 18 février 2016.
Un arrêt du 5 décembre 2018 constate son désistement de l’instance mais par la suite, l’épouse sollicite de nouveau le prononcé de l’adoption plénière de l’enfant.
Puis, un jugement du 12 décembre 2019, frappé d’appel, prononce le divorce des épouses pour altération définitive du lien conjugal.
Par un arrêt du 6 avril 2021, l’adoption plénière de l’enfant est prononcée. La mère se pourvoit en cassation. Elle fait fait grief à l’arrêt de prononcer, avec toutes ses conséquences de droit, l’adoption plénière de l’enfant par l’épouse malgré le divorce.
Apports de la Cour
Concernant d’abord le moyen selon lequel la mère avait effectué un retrait de son consentement le 19 octobre 2016, pour un consentement donné le 18 février 2016, et l’épouse le 17 janvier 2017 après avoir donné son consentement le 28 avril 2016.
La Cour de cassation répond qu’il résulte des articles 345-1, 1°, 348-1 et 348-3 du code civil, dans leur version alors applicable, que l’adoption plénière de l’enfant du conjoint peut être rétractée pendant deux mois. Elle énonce que le consentement de la mère n’avait pas été rétracté dans le délai de deux mois et qu’ainsi la cour d’appel en a justement retenu que celui-ci ne comportait aucune limite dans le temps ni ne se rattachait à une instance particulière (celle du divorce au fond), de telles réserves n’étant pas prévues par la loi, de sorte qu’il avait plein et entier effet.S’agissant ensuite du moyen selon lequel les épouses n’étaient plus unies par le mariage au jour du prononcé de l’adoption plénière, la Cour de cassation énonce que la cour d’appel a valablement constaté qu’il avait été interjeté appel du jugement de divorce rendu le 12 décembre 2019 et que celui-ci était donc encore pendant au jour du prononcé de l’adoption plénière, de sorte que les épouses étaient encore unies par les liens du mariage au moment où la Cour a statué le 6 avril 2021.
Cet article vous intéresse ? Découvrez aussi les contenus suivants
jurisprudences et lois commentées
L’opposition à l’adoption plénière de l’enfant du conjoint
Cass. civ. 1ère, 12 juil. 2023, n°21-23.242
jurisprudences et lois commentées