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Procédure

Date d’acquisition de la chose jugée du jugement de divorce

Cass. civ. 1ere, 15 janv. 2025, n°23-21.842

Liquidation et partage de régime matrimonial

Enseignement de l'arrêt

Lorsqu’un appel est déclaré irrecevable en raison de sa tardiveté, le jugement prononçant le divorce acquiert force de chose jugée à l’expiration du délai d’appel, en application des articles 500 et 539 du code de procédure civile.
Le délai de 5 ans aux fins de remboursement des créances entre époux commence à courir à compter de la date où le divorce acquiert autorité de la chose jugée.

La prescription des créances entre époux

Durant le mariage, la prescription des créances entre époux ne court pas ou est suspendue, conformément à l’article 2236 du Code civil. Cela signifie que le délai de prescription ne commence à courir qu’à compter de la dissolution du mariage.

« Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. »

« Elle ne court pas ou est suspendue entre époux, ainsi qu’entre partenaires liés par un pacte civil de solidarité. »

Le point de départ de la prescription de la créance correspond donc au jour de la dissolution du mariage, plus précisément, pour des époux divorcés, à la date à laquelle le divorce a acquis force de chose jugée.  

La question qui se pose ici à la Cour de cassation est la date à laquelle le divorce acquiert autorité de la chose jugée.

Les faits et la procédure

Des époux mariés sous le régime de la séparation de biens se séparent. 

Un jugement en date du 22 octobre 2009 ordonne l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de l’indivision existante entre les époux. 

Le jugement de divorce est prononcé quant à lui le 1er mars 2012. Le juge aux affaires familiales y ordonne également la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux. Le jugement de divorce est signifié par voie de Commissaire de justice le 25 avril 2012.

L’irrecevabilité de la procédure d’appel

L’épouse interjette appel général (comme c’était encore possible à l’époque) à l’encontre du Jugement prononçant le divorce. Le conseiller de la mise en état saisi de l’affaire rend une ordonnance d’irrecevabilité de l’appel le 5 février 2013, en raison de la tardiveté de l’appel. Cette ordonnance est confirmée en cause d’appel par un arrêt rendu sur déféré le 25 juillet 2013.

L’irrecevabilité confirmé par la Cour de cassation (Cour de cassation – 2ème Chambre civile – 13 novembre 2014 n°13-25.035).

La Cour de cassation a confirmé l’irrecevabilité de la procédure d’appel pour non-respect des délais. Le divorce a donc désormais autorité de la chose jugée et est devenu définitif.

Les opérations de partage

En 2018, le notaire désigné établit un projet de partage, lequel fait apparaitre une créance de 850.968 € au bénéfice de l’épouse contre son époux.

La demande de saisie conservatoire

Elle saisit le Juge de l’exécution, lequel fait droit à sa demande et rend une ordonnance, le 24 juillet 2018, l’autorisant à pratiquer une saisie conservatoire. L’époux saisit le Juge de l’exécution et demande la mainlevée de cette mesure. Il n’est pas fait droit à la demande. Il saisit la Cour d’appel.

La décision et la motivation de la Cour d’appel

L’époux considère que la créance dont se prévaut était prescrite en application du délai de prescription de droit commun. 

La Cour d’appel rejette la demande tendant à la mainlevée de la saisie-conservatoire pratiquée par l’ex-épouse, et considère que l’action de l’ex-épouse au titre de sa créance n’est pas prescrite. 

la Cour d’appel considère que : 

  • L’épouse a formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt de déféré en date du 25 juillet 2013 (confirmé par la Cour de cassation le 13 novembre 2014), confirmant l’irrecevabilité de son appel général contre le jugement de divorce en date du 1er mars 2012.
  • Par exception au droit commun, le pourvoi à l’encontre du jugement ayant prononcé le divorce est suspensif d’exécution. La Cour en déduit que le jugement de divorce en date du 1er mars 2012 n’a acquis force de chose jugée qu’à la date à laquelle le pourvoi en cassation formé par l’épouse a été rejeté, soit le 13 novembre 2014. 
  • La requête aux fins d’être autorisée à pratiquer une saisie conservatoire a été déposée le 2 juillet 2018, soit moins de 5 ans après que le divorce soit devenu définitif. La prescription quinquennale n’était pas acquise et l’action de l’ex-épouse au titre de sa créance n’est pas prescrite. 

L’époux forme un pourvoi en cassation.

La décision de la Cour de cassation

La motivation au pourvoi

L’ex-époux forme un pourvoi en cassation considérant que le délai de droit commun par lequel se prescrivent, en l’absence de dispositions particulières, les créances entre époux en matière personnelle ou mobilière commence à courir lorsque le divorce a acquis force de chose jugée ; qu’un jugement acquiert force de chose jugée à la date à laquelle il ne peut plus faire l’objet d’un recours suspensif d’exécution.

La Cour d’appel en statuant comme elle l’a fait et en retenant que le divorce avait acquis autorité de la chose jugée le jour du prononcé de l’arrêt de la Cour de cassation, le 13 novembre 2014 confirmant que la procédure d’appel était irrecevable aurait ainsi privé sa décision de base légale. 

Le demandeur au pourvoi considère que la Cour de cassation par son arrêt du 13 novembre 2014 a simplement confirmé les termes de l’ordonnance du conseiller de la mise en état ayant déclaré l’appel irrecevable. Il en déduit que l’épouse n’aurait pas valablement interjeté appel. Le divorce aurait ainsi acquis autorité de la chose jugée un mois après la signification du jugement de divorce soit le 25 mai 2012, date à laquelle le jugement ne pouvait plus faire l’objet d’aucun recours suspensif d’exécution. 

En conséquence, la saisine du Juge de l’exécution de l’épouse en date du 2 juillet 2018, déposée plus de 5 ans après le 25 mai 2012 était irrecevable en application de l’article 2224 et 2236 du Code civil. 

La question qui se pose est simple : quand commence à courir le délai de 5 ans au titre de la prescription quinquennale entre époux pour les créances entre eux ?

Réponse de la Cour de cassation

La Cour prononce sa décision au visa des articles 500 et 539 du Code de procédure civile.

« A force de chose jugée le jugement qui n’est susceptible d’aucun recours suspensif d’exécution. Le jugement susceptible d’un tel recours acquiert la même force à l’expiration du délai du recours si ce dernier n’a pas été exercé dans le délai. »

« Le délai de recours par une voie ordinaire suspend l’exécution du jugement. Le recours exercé dans le délai est également suspensif. »

En application de ces articles, la Cour de cassation motive sa décision comme suit : 

  • un jugement acquiert autorité de la chose jugée lorsque celui n’est plus susceptible d’aucun recours, soit à la date de l’expiration du délai pour exercer un recours si aucun recours n’a été exercé. Ici le 25 mai 2012,
  • seul l’appel exercé dans le délai suspend l’exécution du jugement,

La Cour de cassation juge donc qu’à défaut d’appel formé dans le délai d’un mois suivant la signification du Jugement, celle-ci passe en force en chose jugée à l’expiration du délai d’appel, soit le 25 mai 2012.

L’action de l’épouse tendant à se voir rembourser sa créance commençait à courir le 25 mai 2012, et était prescrite le 25 mai 2017. Sa requête en date du 2 juillet 2018 aux fins de saisie conservatoire était donc irrecevable.

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Publié le 22 Jan 2025