Jurisprudences
Disposition des meubles du défunt et acceptation tacite de la succession
CA Paris, 12 juin 2020, n° 16/14.560
Liquidation et partage de successions
Enseignement de l'arrêt
Le partage des meubles meublants est un acte d’héritiers emportant acceptation de la succession.
Rappel du droit positif
Acceptation pure et simple et conséquences
Lorsqu’ils sont appelés à recueillir une succession, les héritiers ont le choix entre trois options :
- Renonciation à la succession ;
- Acceptation de la succession à concurrence de l’actif net ;
- Acceptation de la succession.
En acceptant purement et simplement la succession, l’héritier accepte de recevoir la part qui lui revient de l’actif successoral et s’engage corrélativement à répondre indéfiniment des dettes et charges de la succession (article 785 du code civil).
« L’héritier universel ou à titre universel qui accepte purement et simplement la succession répond indéfiniment des dettes et charges qui en dépendent.
Il n’est tenu des legs de sommes d’argent qu’à concurrence de l’actif successoral net des dettes. »
L’héritier acceptant pur et simple est donc tenu au passif successoral au-delà de l’actif. Ainsi, si les dettes de la succession sont supérieures à l’actif héréditaire, l’héritier sera tenu d’acquitter les dettes successorales sur son patrimoine personnel.
Cette option peut donc s’avérer dangereuse. Or, elle est peut-être tacite, aux termes de l’article 782 du code civil lorsqu’est réalisé un « acte d’héritier », c’est-à-dire un acte qui n’a pu être réalisé qu’en qualité d’héritier acceptant pur et simple. C’est là un grand danger de cette option, notamment en cas de succession déficitaire.
« L’acceptation pure et simple peut être expresse ou tacite. Elle est expresse quand le successible prend le titre ou la qualité d’héritier acceptant dans un acte authentique ou sous seing privé. Elle est tacite quand le successible saisi fait un acte qui suppose nécessairement son intention d’accepter et qu’il n’aurait droit de faire qu’en qualité d’héritier acceptant.»
La réalisation de l’acte doit porter en elle-même la manifestation de la volonté de l’héritier d’accepter purement et simplement la succession. Cependant, en pratique, la discrimination entre les actes réalisés par les héritiers peut être plus compliquée à faire. À cet égard, elle relève du pouvoir souverain des juges du fond.
La définition de l’acte d’héritier emportant acceptation pure et simple de la succession
Une nomenclature de ces actes peut cependant être réalisée.
En premier lieu, l’article 783 du code civil dispose que « toute cession, à titre gratuit ou onéreux, faite par un héritier de tout ou partie de ses droits dans la succession emporte acceptation pure et simple.
Il en est de même de :
1° de la renonciation, même gratuite, que fait un héritier au profit d’un ou de plusieurs de ses cohéritiers ou héritier de rang subséquent ;
2° de la renonciation qu’il fait, même au profit de tous ses cohéritiers ou héritiers de rang subséquent indistinctement, à titre onéreux ».
En effet, il n’est possible de céder que les droits dont on est titulaire. Ainsi, l’héritier qui cède ses droits successifs a forcément, en amont, accepté purement et simplement la succession, faute de quoi il n’aurait jamais été titulaire des droits qu’il cède.
Il faut être très vigilant car même la renonciation, faite dans certaines circonstances, peut valoir acceptation pure et simple de la succession. Ainsi, toute renonciation faite à titre onéreux, et la renonciation faite à titre gratuit au profit de certains héritiers emportent acceptation de la succession. Bien que semblant paradoxal, ce phénomène s’explique par le fait que l’héritier renonçant n’a pu transmettre sa part à quelqu’un qu’il aura choisi qu’après l’avoir lui-même acceptée. Pour qu’une telle renonciation vaille acceptation tacite à la succession, il faut qu’elle soit faite au profit d’une (ou plusieurs) personne déterminée par le prétendu renonçant.
D’autres actes ont pu être admis comme emportant acceptation tacite de la succession (liste non exhaustive) :
- Une demande en partage formée judiciairement (attention : le désistement à l’action en partage ne permet pas de revenir sur l’acceptation pure et simple) ;
- La délivrance d’un legs à un légataire ;
- La vente d’un bien successoral, à moins que l’héritier prouve qu’il ignorait que le bien dépendait de la succession (Civ 1ère 17 mai 1977, Bull. I n°239) ;
- La transaction passée avec l’administration fiscale sur le montant des dettes successorales (Civ 1ère 7 juin 1995, n°93-14.596, Bull. I n°245) ;
- La prise de possession d’un bien successoral ;
- Les réparations, démolitions, et constructions non urgentes et non nécessaires sur un bien immeuble dépendant de la succession.
D’autres actes ne sont en revanche pas considérés comme une acceptation tacite de la succession : les actes conservatoires ou de simple surveillance, dès lors que l’auteur de l’acte n’a pas pris le titre ou la qualité d’héritier pour le passer, comme le précise l’article 784 du code civil.
« Le paiement des frais funéraires et de dernière maladie, des impôts dus par le défunt, des loyers et autres dettes successorales dont le règlement est urgent ».
Apport de la cour d’appel de Paris dans son arrêt du 12 juin 2020
Rappel des faits
En l’espèce, l’une des filles de la défunte accepte le bénéfice d’un contrat d’assurance vie souscrit à son profit par sa mère, mais renonce à la succession de cette dernière ayant été informée que la Caisse d’assurance retraite et de santé au travail (CARSAT) réclamait une créance de plus 80 000 € correspondant à des sommes indûment versées.
Le litige oppose cette héritière et la CARSAT qui souhaitait recouvrer sa créance dans les meilleures conditions sur les héritiers.
Position de la cour d’appel de Paris
La cour estime que la fille du de cujus ayant partagé avec ses frères et sœurs les meubles meublants, elle s’était approprié une partie de ceux-ci. Les conseillers de la cour d’appel de Paris considèrent ces actes comme valant acceptation tacite de la succession : elle s’est comportée comme un propriétaire : elle a participé à un partage et s’est approprié une partie des biens successoraux.
La chronologie des faits est également importante : la cour d’appel constate que ces actes sont intervenus avant la renonciation.
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