Jurisprudences
Divorce – nullité d’un protocole transactionnel conclu en amont de l’introduction de l’instance
Cass. civ. 1ere, 27 sept. 2017, n°16-23.531
Divorce – Séparation de corps
Enseignement de l'arrêt
En application de l’article 265-2 du code civil, la convention conclue entre les époux, avant l’introduction de l’instance en divorce est nulle dès lors qu’elle porte, même pour partie, sur le partage de leur régime matrimonial.
Rappel du contexte
Postérieurement à l’introduction de l’instance, les époux peuvent se mettre d’accord entre eux sur certaines conséquences de leur divorce.
Le législateur encadre ces accords pour éviter les abus et préserver le principe d’immutabilité des régimes matrimoniaux.
Convention portant sur la liquidation
Ainsi, l’article 265-2 du code civil permet aux époux, pendant l’instance en divorce, de passer des conventions uniquement pour la liquidation et le partage de leur régime matrimonial.
Mais cette possibilité est restreinte :
- elle doit être conclue après l’introduction de l’instance
- si la convention concerne des biens immobiliers, elle doit obligatoirement être notariée
- la convention doit respecter les principes généraux du droit des contrats, notamment le consentement libre et éclairé des parties. En cas de vice du consentement (erreur, dol, violence), la convention pourrait être annulée
Convention portant règlement global des conséquences du divorce
L’article 268 du code civil permet en parallèle aux époux, pendant l’instance en divorce, de soumettre au juge des conventions réglant tout ou partie des conséquences de leur divorce. Ces conventions peuvent concerner notamment :
- les modalités d’exercice de l’autorité parentale,
- la fixation de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants,
- la prestation compensatoire,
- ou encore la liquidation du régime matrimonial,
Le juge peut homologuer la convention après avoir vérifié qu’elle préserve les intérêts des deux époux et des éventuels enfants.
Cette homologation est une étape nécessaire pour donner force exécutoire à la convention.
Une convention non homologuée n’est pas pour autant dépourvue d’effets juridiques. Elle peut être utilisée comme preuve d’un accord entre les parties dans le cadre d’un éventuel contentieux ultérieur.
Il en résulte que lorsque la convention ne traite pas uniquement de la liquidation du régime matrimonial, elle dépend du régime de l’article 268 du code civil et se trouve soumise à l’homologation du juge.
Sur l’impossibilité de passer des conventions en dehors de ce contexte légal
L’arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 27 septembre 2017 (n° 16-23.531) répond à une demande de nullité d’une convention liquidative conclue entre époux avant l’introduction de l’instance en divorce.
Dans cette affaire, les époux concluent une convention portant à la fois sur la prestation compensatoire et sur le partage de leur régime matrimonial, avant l’assignation en divorce.
La cour d’appel juge cette convention nulle et la Cour de cassation confirme cette décision.
Faits de l’espèce
Dans l’arrêt commenté, les époux concluent avant l’introduction de l’instance en divorce, une convention portant à la fois sur la prestation compensatoire et sur le partage de leur régime matrimonial.
L’époux invoque plus tard la nullité du protocole transactionnel pour violation du critère temporel posé par l’article 265-2 du code civil qui permet aux époux de signer des conventions portant sur la liquidation du régime matrimonial pendant la procédure de divorce. Pour échapper à l’annulation de ce protocole, l’épouse tente d’invoquer l’article 268 du code civil qui prévoit que « les époux peuvent, pendant l’instance, soumettre à l’homologation du juge des conventions réglant tout ou partie des conséquences du divorce ». Selon elle, les époux auraient eu « seulement l’obligation de soumettre la convention ainsi conclue avant le début de l’instance au juge du divorce pour qu’il l’homologue, après que l’instance ait été initiée ».
Décision de la Cour de cassation
La Cour de cassation, au visa de l’article 265-2 du code civil, dénonce la légalité de cet accord entre époux sur la liquidation et le partage du régime matrimonial antérieur à l’instance en divorce. Elle en déduit de l’article 265-2 du code civil « qu’une convention comportant, ne serait-ce que pour partie, des stipulations relatives à la liquidation et au partage du régime matrimonial, ne peut être conclue avant l’assignation ou la requête conjointe en divorce ».
Cet arrêt s’inscrit dans une jurisprudence constante de la Cour de cassation :
- Dans un arrêt du 8 avril 2009 (Civ. 1re, 8 avr. 2009, n° 07-15.945), la Cour avait déjà jugé qu’une convention conclue avant l’assignation en divorce était nulle si elle portait sur la liquidation et le partage du régime matrimonial.
- De même, dans un arrêt du 5 octobre 2017 (Civ. 1re, 5 oct. 2017, n° 16-21.499), la Cour a confirmé que toute convention liquidative conclue avant l’introduction de l’instance en divorce est nulle.
L’arrêt du 27 septembre 2017 réaffirme le principe selon lequel les conventions liquidatives conclues avant l’introduction de l’instance en divorce sont nulles. Cette décision vise à garantir la régularité et la sécurité des accords entre époux dans le cadre d’une procédure de divorce.