Jurisprudences
Evaluation définitive d’une récompense ou d’une créance et date de jouissance divise
Cass. civ. 1ère, 21 juin 2023, n°21-24.851
Liquidation et partage de régime matrimonial, Procédure et pratiques professionnelles
Enseignement de l'arrêt
La décision qui se prononce sur une récompense calculée selon le profit subsistant sans fixer la date de jouissance divise est dépourvue de l’autorité de chose jugée sur l’évaluation définitive de cette récompense.
Rappel des faits
Deux époux mariés sans contrat de mariage divorcent en 2003.
Un premier jugement devenu définitif le 26 août 2011 fixe le montant d’une récompense et d’une créance sans jamais déterminer la date de jouissance divise entre les parties.
L’époux relève appel sur ce point et sur d’autres prétentions, toutes rejetées le 7 septembre 2021 par un arrêt de la Cour d’appel de Rennes.
Il forme un pourvoi en cassation.
Rappel des textes
La décision de la Cour de cassation est prise sur le fondement des articles 1355 du Code civil et 480 du Code de procédure civile aux termes desquels l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui fait l’objet d’un jugement et a été tranché dans son dispositif.
« L’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ».
«Le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l’autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu’il tranche.
Le principal s’entend de l’objet du litige tel qu’il est déterminé par l’article 4. »
L’autorité de la chose jugée ne peut produire d’effet sur le montant d’une récompense si le jugement ne fixe pas définitivement la date d’évaluation des biens
Grief soulevé par l’époux
L’époux reproche à la Cour d’appel de déclarer irrecevable sa demande en réévaluation d’une récompense fixée à son profit à hauteur de 12.504,64 € au titre d’un solde de prêt ayant financé des travaux.
Celui-ci considère que l’arrêt d’appel ne pouvait retenir que le jugement de 2011 avait définitivement statué sur la valeur de cette récompense dans la mesure où ledit jugement ne fixait pas la date de jouissance divise.
Par conséquent, la décision était dépourvue d’autorité de la chose jugée sur l’évaluation définitive des biens et par extension, du montant de la récompense.
Solution de la Cour de Cassation
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel au visa des articles 829, 1469 et 1355 du Code civil.
« En vue de leur répartition, les biens sont estimés à leur valeur à la date de la jouissance divise telle qu’elle est fixée par l’acte de partage, en tenant compte, s’il y a lieu, des charges les grevant.
Cette date est la plus proche possible du partage.
Cependant, le juge peut fixer la jouissance divise à une date plus ancienne si le choix de cette date apparaît plus favorable à la réalisation de l’égalité. »
La récompense est, en général, égale à la plus faible des deux sommes que représentent la dépense faite et le profit subsistant.
Elle ne peut, toutefois, être moindre que la dépense faite quand celle-ci était nécessaire.
Elle ne peut être moindre que le profit subsistant, quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine emprunteur. Si le bien acquis, conservé ou amélioré a été aliéné avant la liquidation, le profit est évalué au jour de l’aliénation ; si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, le profit est évalué sur ce nouveau bien.
« L’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ».
Elle énonce ainsi que la décision qui se prononce sur une récompense calculée selon le profit subsistant sans fixer la date de jouissance divise est dépourvue de l’autorité de la chose jugée sur l’évaluation définitive de cette récompense.
En effet, contrairement à une dette nominale, la dette de valeur dépend de l’évaluation du bien à une date donnée. S’agissant des récompenses, cette date est celle de la jouissance divise, du partage ou de l’aliénation du bien.
Ceci explique qu’il soit possible d’en solliciter la réévaluation tant que la date butoir n’a pas été dépassée.
Il convient donc de distinguer l’existence de la dette ou de la récompense qui est certaine dans son principe, de son évaluation qui demeure variable tant qu’elle n’a pas été fixée définitivement.
En l’occurrence, en estimant la récompense sans fixer la date de jouissance divise, le jugement a simplement reconnu l’existence de la récompense et précisé sa valeur à un instant donné, soit le 26 août 2011.
Il ne pouvait statuer définitivement sur son montant qui n’était donc pas revêtue de l’autorité de la chose jugée.
La troisième et dernière partie de l’arrêt traite d’une question semblable à la deuxième, mais à propos cette fois d’une créance détenue par un indivisaire contre l’indivision. Le raisonnement n’en est pas moins identique.
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