Jurisprudences
Fiscalité : Redressement fiscal du contribuable bénéficiaire du dispositifs de réduction fiscale ISF / IFI pour investissement en PME
Cass. com., 3 mars 2021, n°19-22.397
Patrimoine - Fiscalité
Enseignement de l'arrêt
Une société holding qui ne contrôle aucune filiale opérationnelle ne peut être qualifiée de holding animatrice et ne peut donc être assimilée aux PME visées par l’article 885-0 V bis du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable, de sorte que la souscription à son capital n’est pas éligible à la réduction d’ISF prévue par ce texte.
Dans une série d’arrêts en date du 3 mars 2021 (et notamment Cass. Com. 3 mars 2021 n°19-22397) , la Chambre commerciale de la Cour de Cassation est venue préciser les conditions dans le cadre desquelles le contribuable peut valablement bénéficier de la réduction fiscale lié à l’investissement dans les PME françaises.
Présentation de l’ISF devenu l’IFI
L’ISF devenu l’IFI était l’impôt de solidarité sur la fortune qui permettait à l’administration fiscale de taxer le contribuable dont le patrimoine (valeurs mobilières, biens immobiliers, etc.) excédait un certain seuil.
L’impôt était calculé sur déclaration spontanée du contribuable de son patrimoine et de sa valorisation auquel un taux progressif d’imposition était appliqué.
Il existait un certain nombre d’exonérations à la base taxable, par exemple pour les biens professionnels, et de décotes en fonction du type de bien détenu (par exemple pour la détention de la résidence principale et les biens indivis etc…).
Cet impôt a été accompagné d’une série de mesures d’optimisation fiscale permettant au contribuable d’obtenir des réductions d’impôts, lesquelles ont parfois fait l’objet d’un contentieux fiscal.
Mécanisme de réduction fiscale
L’article 885-0 V bis du code général des impôts prévoyait un mécanisme de réduction fiscale pour les contribuables ayant souscrit au capital de PME.
La réduction d’impôt était de 75% du montant de l’investissement dans une certaine limite (plafonnement des niches fiscales).
En résumé, le contribuable imposé au titre de l’ISF souscrivait auprès de son gestionnaire de patrimoine le plus souvent à des parts de sociétés qui investissaient dans des PME correspondant aux conditions d’éligibilités prévues par le code général des impôts (secteur d’activité, nombre de salariés, etc.), et les sociétés délivraient chaque année aux contribuables une attestation prévue à l’article 299 septies de l’annexe III du code général des impôts permettant de justifier de son investissement auprès de l’administration fiscale.
Ce mécanisme de réduction d’impôts permettait l’investissement dans des sociétés non opérationnelles comme des holdings. Il était cependant nécessaire que celles-ci soient « animatrices » et pas de simples sociétés détentrices de titres et gestionnaires passives pour que l’investissement réalisé soit éligible à la réduction d’impôt.
Le sujet n’a pas perdu d’importance malgré la disparition de l’ISF puisque l’on retrouve cette même définition dans le cadre des transmissions de titres sociaux profitant du mécanisme fiscal du Pacte Dutreil.
Contentieux fiscal lié à la notion de Holding animatrice
Difficultés liées à la qualification de Holding animatrice
La société Holding animatrice est définie par l’administration fiscale comme une société « qui, outre la gestion d’un portefeuille de participations, participe activement à la conduite de la politique de leur groupe et au contrôle de leurs filiales et rend, le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers ».
Cette définition, et notamment l’absence de précisions quant au caractère « actif » de la société quant à la conduite de la politique du groupe a été source d’un contentieux fiscal très important.
Le conseil d’état dans un arrêt de principe CE 3°/8°/9°/10° ch.-r., 13 juin 2018, n° 395495 est venu préciser qu’« Une société holding qui a pour activité principale, outre la gestion d’un portefeuille de participations, la participation active à la conduite de la politique du groupe et au contrôle de ses filiales et, le cas échéant et à titre purement interne, la fourniture de services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers, est animatrice de son groupe ».
Dans le cadre du contentieux fiscal objet de la décision de la Cour de cassation en date du 03 mars 2021, la question du caractère animateur de la Holding était remis en question par l’administration fiscale, de même que la valeur de l’attestation fiscale délivrée par ladite holding au contribuable afin qu’il puisse justifier de son investissement.
Position de la Cour de cassation
La Cour de cassation précise dans sa décision « qu’une société holding qui ne contrôle aucune filiale opérationnelle ne peut être qualifiée de holding animatrice et ne peut donc être assimilée aux PME visées par l’article 885-0 V bis du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable, de sorte que la souscription à son capital n’est pas éligible à la réduction d’ISF prévue par ce texte, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »
La haute juridiction va ainsi considérer que la société visée ne pouvait être considérée comme une holding animatrice ouvrant droit à réduction d’impôt dans la mesure où elle ne contrôlait au moment de la souscription aucune filiale opérationnelle.
Le fait qu’elle dispose de moyens lui permettant « potentiellement » d’avoir un rôle animateur n’est pas non plus suffisant. La Cour considère que les juges du fond auraient dû s’assurer que ces moyens à sa disposition avaient été réellement mis en œuvre par la société afin de bénéficier du statut d’animatrice. La cour de cassation ne s’arrête pas aux moyens apparents mais s’attache à leur mise en œuvre réelle pour que le contribuable puisse bénéficier de la réduction d’impôts.
Caractère insuffisant de l’attestation délivrée au contribuable
Le second apport de la décision commentée est lié à la valeur de l’attestation fiscale délivrée par la société au contribuable suite à sa souscription.
La Cour de cassation retient que la production de l’attestation même lorsque le contribuable est de bonne foi, ne suffit pas à justifier de la conformité de l’investissement aux conditions prévues par l’article 885-0 V bis du code général des impôts.
L’administration fiscale ne se contente pas de la production de l’attestation mais vérifie que la société émettrice a réellement qualité d’holding animatrice.
La solution peut paraître sévère pour le contribuable de bonne foi qui n’a pas nécessairement les moyens ni la capacité de vérifier si l’investissement qui lui est proposé correspond bien aux exigences de l’administration fiscale.
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