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Droit du patrimoine

Indivision : effet déclaratif du partage en présence d’un acte devenu caduc

Cass. civ. 3e, 13 juil. 2023, n°22-17.146

Liquidation et partage d’indivisions mobilières et immobilières, Liquidation et partage de successions

Enseignement de l'arrêt

L’effet déclaratif du partage ne s’applique qu’aux actes ou droits existants et valablement constitués, et pas aux actes devenus caducs. 

Rappel des dispositions légales

 L’article 883 du Code civil dispose que :

« Chaque cohéritier est censé avoir succédé seul et immédiatement à tous les effets compris dans son lot, ou à lui échus sur licitation, et n’avoir jamais eu la propriété des autres effets de la succession.

Il en est de même des biens qui lui sont advenus par tout autre acte ayant pour effet de faire cesser l’indivision. Il n’est pas distingué selon que l’acte fait cesser l’indivision en tout ou partie, à l’égard de certains biens ou de certains héritiers seulement.

Toutefois, les actes valablement accomplis soit en vertu d’un mandat des coïndivisaires, soit en vertu d’une autorisation judiciaire, conservent leurs effets quelle que soit, lors du partage, l’attribution des biens qui en ont fait l’objet. »

Cette disposition légale prévoit donc que chaque copartageant est reconnu – depuis l’origine de l’indivision– comme étant le seul propriétaire des biens qui lui sont attribués. 

Le partage d’une indivision n’a donc pas pour effet de transférer le droit de propriété à un copartageant mais de déclarer rétroactivement ce droit de propriété. 

Cette rétroactivité – en fonction du temps écoulé depuis l’origine de l’indivision, peut emporter de lourdes conséquences. La jurisprudence est ainsi venue encadrer cette rétroactivité

Par exemple, tous les frais engagés par l’indivision et/ou tous les loyers dont aurait bénéficier l’indivision jusqu’au jour du partage profitent à tous les indivisaires et ne sont pas remis en cause pour bénéficier au seul copartageant qui se voit attribuer le bien. C’est le mécanisme de la date de jouissance divise

Faits de l’espèce

1. Deux sociétés (la société CMP 1 et la société France Investipierre) sont propriétaires indivis d’un immeuble et donnent mandat à la société Nexity pour le vendre.

Le 15 décembre 2015, la société Cleaone Holding effectue une offre d’achat et la société CMP 1 l’accepte le 22 décembre 2016, sous réserve de l’accord de son coïndivisaire. L’acceptation a été réitérée avec la même réserve le 2 février 2017, la signature de la promesse de vente étant fixée au 15 mars 2017.

Or la seconde société indivisaire (France Investipierre) refuse de vendre le bien (et d’accepter la promesse de Cleaone) mais une nouvelle mise en vente est effectuée tout de même. 

La société Cleaone formule une nouvelle offre d’achat le 8 mars 2017.

2. Le 28 mars 2017, la société CMP 1 informe la société Cleaone (potentiel acquéreur) de l’absence d’acceptation ferme de cette offre faute d’accord de la société France Investipierre. Elle se prévaut alors de la caducité au 15 mars 2017 des accords donnés à la suite de l’offre d’achat initiale du 15 décembre 2015.

Le 13 novembre 2017, la société CMP 1 acquiert les parts indivises de la société France Investipierre (son ancien coindivisaire). 

3. La société Cleaone assigne les sociétés CMP 1, France Investipierre et Nexity afin qu’il soit jugé qu’à la suite de l’acceptation de l’offre initiale par la société CMP 1 et à l’acquisition, par elle, de la totalité des parts indivises du bien, la vente était parfaite au prix de la première offre. 

La société Cleaone demande que la société France Investipierre soit condamnée à régulariser cette vente et à lui payer des dommages-intérêts.

4. Les Juges du fond rejettent la demande de la société Cleaone qui se pourvoit en cassation. 

Position de la Cour de cassation

Termes du pourvoi du candidat acquéreur

Dans le cadre du pourvoi, la société Cleaone s’appuie sur deux principes pour obtenir gain de cause :

  • Elle rappelle que le contrat est formé par la rencontre d’une offre et d’une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s’engager et que la vente est parfaite entre les parties dès qu’elles sont convenues de la chose et du prix ; 
  • Que tout acte mettant fin à une indivision est un partage et que par l’effet déclaratif du partage, celui qui reçoit le bien est censé en avoir été propriétaire depuis le jour de son entrée dans l’indivision. En conséquence, elle considère que la société CMP1 est devenue propriétaire unique de l’ensemble immobilier litigieux à la suite de l’acquisition des droits indivis détenus par la société France Investipierre le 13 novembre 2017 et que « ce partage a un effet déclaratif qui a pour effet de réputer la SCPI CMP1 seule propriétaire du bien indivis depuis la date de son entrée dans l’indivision », soit depuis le 6 novembre 1997, et que peu importe si la société Investipierre n’ait pas donné son accord quant à cette vente. 

Réponse de la Cour de cassation

La Cour de cassation rappelle qu’il résulte des dispositions de l’article 883 du Code civil que le partage a un effet déclaratif et non constitutif, qui confère au titulaire du lot dont le bien fait partie l’ensemble des actes valablement accomplis sur ce bien depuis son entrée dans l’indivision.

Elle valide le raisonnement de la Cour d’appel qui :

  • A relevé qu’après l’offre d’achat, il n’y avait pas eu d’acceptation ferme et définitive de vente de la part de la société CMP 1, puisque celle-ci avait subordonné son consentement à celui de son coïndivisaire ; 
  • A retenu que l’acceptation donnée sous condition par la CMP 1 était devenue caduque à l’issue du délai fixé pour la signature de la promesse de vente.

Elle confirme l’arrêt de la Cour d’appel qui a déduit que si – du fait du rachat des parts de son coïndivisaire – la société CMP 1 était devenue seule propriétaire de l’immeuble, l’effet déclaratif du partage ne permettait pas de faire revivre l’acceptation qu’elle avait donnée à la proposition d’achat de la société Cleaone, atteinte de caducité depuis le 15 mai 2017.

L’effet déclaratif du partage ne s’applique qu’aux actes ou droits existants et valablement constitués, et pas aux actes devenus caduques. Dans la mesure où l’offre d’achat était devenue caduque avant que la CMP 1 ne devienne seul propriétaire du bien, la solution est cohérente. 

Si l’offre n’avait pas été caduque, nous pouvons penser que c’est la solution habituellement appliquée par la Cour de cassation s’agissant des actes réalisés par un seul des indivisaires pendant l’indivision – alors que l’unanimité est requise – qui se serait appliquée : 

  • Si l’indivisaire est attributaire du bien, l’acte non valide est rétroactivement consolidé ; 
  • Si c’est un autre indivisaire qui est attributaire, l’acte est inopposable à cet attributaire.

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