La nullité d’actes ou délibérations autres que ceux prévus à l’alinéa précédent ne peut résulter que de la violation d’une disposition impérative du présent livre, à l’exception de la première phrase du premier alinéa de l’article L. 225-35 et de la troisième phrase du premier alinéa de l’article L. 225-64, ou des lois qui régissent les contrats, à l’exception du dernier alinéa de l’article 1833 du code civil. »
Jurisprudences
La cession de parts sociales d’une SARL à un tiers sans information des associés
Cass. com, 12 fév, n°23-13.520
Patrimoine - Fiscalité
Enseignement de l'arrêt
L’action en nullité pour défaut de notification de la cession de parts sociales à un tiers, l’associé cédant.
La cession de parts sociales d’une SARL : les règles de l’article L.223-14 du code de commerce
La SARL est une société commerciale, qui est composée au minimum de deux associés, dont la responsabilité est limitée au montant de leurs apports.
La SARL est une société de personnes, dont le capital social est divisé en parts sociales, comme une SCI. Cet arrêt présente donc un double intérêt pour notre cabinet dont les avocats sont particulièrement spécialisés en divorce et successions comportant des sociétés commerciales et des SCI.
La SARL permet d’exercer tout type d’activités, sauf pour certains secteurs comme l’assurance ou les professions libérales réglementées.
Après la création de la SARL, un associé peut décider de céder ses parts. Les règles à respecter pour la cession seront cependant différentes en fonction du cessionnaire (celui qui achète).
En effet, en cas de cession à un membre de la famille ou à un associé, la cession est libre alors que dans le cas d’une cession à un tiers, il faut obtenir l’agrément des associés c’est-à-dire leur accord pour la cession.
Ces règles de forme sont prévus par l’article L.223-14 du Code de commerce, qui sont d’ordre public.
« Les parts sociales ne peuvent être cédées à des tiers étrangers à la société qu’avec le consentement de la majorité des associés représentant au moins la moitié des parts sociales, à moins que les statuts prévoient une majorité plus forte.
Lorsque la société comporte plus d’un associé, le projet de cession est notifié à la société et à chacun des associés. Si la société n’a pas fait connaître sa décision dans le délai de trois mois à compter de la dernière des notifications prévues au présent alinéa, le consentement à la cession est réputé acquis.
Si la société a refusé de consentir à la cession, les associés sont tenus, dans le délai de trois mois à compter de ce refus, d’acquérir ou de faire acquérir les parts à un prix fixé dans les conditions prévues à l’article 1843-4 du code civil, sauf si le cédant renonce à la cession de ses parts. Les frais d’expertise sont à la charge de la société. A la demande du gérant, ce délai peut être prolongé par décision de justice, sans que cette prolongation puisse excéder six mois.
La société peut également, avec le consentement de l’associé cédant, décider, dans le même délai, de réduire son capital du montant de la valeur nominale des parts de cet associé et de racheter ces parts au prix déterminé dans les conditions prévues ci-dessus. Un délai de paiement qui ne saurait excéder deux ans peut, sur justification, être accordé à la société par décision de justice. Les sommes dues portent intérêt au taux légal en matière commerciale.
Si, à l’expiration du délai imparti, aucune des solutions prévues aux troisième et quatrième alinéas ci-dessus n’est intervenue, l’associé peut réaliser la cession initialement prévue.
Sauf en cas de succession, de liquidation de communauté de biens entre époux, ou de donation au profit d’un conjoint, ascendant ou descendant, l’associé cédant ne peut se prévaloir des dispositions des troisième et cinquième alinéas ci-dessus s’il ne détient ses parts depuis au moins deux ans.
Toute clause contraire aux dispositions du présent article est réputée non écrite. »
Ainsi, pour effectuer une cession de parts sociales d’une SARL à un tiers étranger, deux conditions doivent être remplies :
- obtenir le consentement de la majorité des associés « représentant au moins la moitié des parts sociales, à moins que les statuts prévoient une majorité plus forte ».
- notifier le projet de cession à chacun des associés et à la société de manière cumulative.
En cas de non-respect de ces règles, la sanction est la nullité de l’acte de cession, en application de l’article L.235-1 alinéa 2 du Code de commerce.
« La nullité d’une société ou d’un acte modifiant les statuts ne peut résulter que d’une disposition expresse du présent livre ou des lois qui régissent la nullité des contrats. En ce qui concerne les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés par actions, la nullité de la société ne peut résulter ni d’un vice de consentement ni de l’incapacité, à moins que celle-ci n’atteigne tous les associés fondateurs. La nullité de la société ne peut non plus résulter des clauses prohibées par l’article 1844-1 du code civil.
Ainsi, le défaut de notification de la cession de parts sociales à la société ou l’ensemble des associés, peut entrainer la nullité de la cession. Les règles sont claires. La Cour de cassation a encore précisé les contours de cette action en nullité en raison de l’absence d’information des associés dans un arrêt prononcé par la Chambre commerciale le 12 février 2025.
L’apport de l’arrêt
Reprise des faits et de la procédure
Deux actionnaires d’une SARL détiennent à parts égales le capital social d’une Société à Responsabilité Limitée (SARL), « la société Café Centre ».
Le 15 juin 2015, l’un des actionnaires transfère par un acte de cession la totalité de ses parts à un tiers, pour un montant de 1.000€. En même temps, une assemblée générale extraordinaire a lieu, et décide de mettre à jour les statuts.
Ce même actionnaire (cédant) assigne plus tard la société et le second actionnaire afin que soit prononcé la nullité de l’acte de cession au motif que la notification de la cession n’a pas été réalisée (par ses soins) en violation de l’article L.223-14 du Code de commerce.
La Cour d’appel dans son arrêt rendu le 19 janvier 2023 prononce la nullité de la cession en raison de l’absence de notification à la société et aux autres associés comme le prévoit l’article L.223-14 du Code de commerce.
Les défendeurs se pourvoient en cassation arguant que l’actionnaire cédant ne peut pas demander la nullité de l’acte de cession en raison de son absence de notification du projet d’acte à la société et aux autres associés.
La Cour de cassation casse et annule l’arrêt rendu par la Cour d’appel, car la nullité d’un acte de cession à un tiers pour absence de notification aux associés ou à la société, ne peut être soulevée que par les associés ou société destinataires de cette notification.
Analyse de la position de la Cour de cassation
La position de la Cour de cassation permet de limiter les risques de remise en cause de la cession de parts sociales par le cédant lui-même qui veut échapper à ses obligations.
Avec cette décision, la Cour de cassation confirme qu’il s’agit d’une nullité relative puisque seuls la société et les associés concernés peuvent s’en prévaloir, écartant ainsi cette possibilité au cessionnaire.
Cette qualification de la nullité posait question puisque le caractère d’ordre public de l’article L.223-14 du Code de commerce pouvait laisser supposer qu’il s’agissait d’une nullité absolue.
Pour conclure, l’actionnaire cédant ne pourra obtenir la nullité de la cession de ses parts sociales en invoquant l’absence de notifications aux autres associés ou/et à la société.