Jurisprudences
Le point de départ de la prescription de l’action en indemnisation contre le notaire
Cass. 1ère civ., 9 oct. 2024, n°22-21.508
Procédure et pratiques professionnelles
Enseignement de l'arrêt
Lorsque l’action en responsabilité d’un promettant contre un notaire tend à l’indemnisation du préjudice né de la reconnaissance du droit d’acquérir du bénéficiaire, seule la décision juridictionnelle devenue irrévocable, établissant ce droit, met l’intéressé en mesure d’exercer l’action en réparation du préjudice qui en résulte et constitue ainsi le point de départ de la prescription.
Rappels généraux sur le point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité civile contre un notaire
L’action en responsabilité contre un notaire est soumise au délai de droit commun de cinq ans, conformément à l’article 2224 du Code civil, Ce délai court à compter du jour où le demandeur « a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».
Le délai de prescription de l’action en responsabilité contre un notaire peut donc commencer à la date de la réalisation du dommage, mais pas nécessairement.
Quelques exemples de décisions démarrant la prescription d’une action contre le notaire à la date de la réalisation du dommage : Cour de cassation, 1ère civ, 17 mars 2011, n°10-14.132, ou de la date à laquelle les faits dommageables se sont révélés à la victime : Cour de cassation, 1ère civ, 1er juillet 2015, n°14-16555.
Récemment, la jurisprudence a par ailleurs précisé que le point de départ de l’action en responsabilité du notaire manquant à son devoir de conseil court à compter de la décision qui condamne définitivement le contribuable à un redressement fiscal lié à ce manquement, et non à compter de la lettre de redressement reçue par ce dernier de l’administration fiscale (Cour de cassation, 1ère civ, 29 juin 2022, n°21-10.720).
Toutefois, malgré la possibilité de report du point de départ de la prescription, ce dernier est enfermé dans un délai butoir de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit.
Les faits
En l’espèce, par acte notarié en date du 24 février 2006, une SCI consent à une autre société une promesse unilatérale de vente de biens immobiliers.
La société bénéficiaire décide d’assigner le 19 novembre 2010, la SCI afin que soit ordonnée la vente forcée des biens objets de la promesse de vente.
Par un arrêt du 4 juillet 2013, la cour d’appel déclare la vente parfaite et dit que l’arrêt vaut acte authentique dans les termes de l’acte du 24 février 2003, à défaut de régularisation.
Après le rejet du pourvoi formé à l’encontre de cet arrêt par un arrêt de la Cour de Cassation du 12 novembre 2014, la décision d’appel est devenue irrévocable.
Quelques années plus tard, le 3 juillet 2018, la SCI assigne le notaire en responsabilité et indemnisation.
La cour d’appel déclare l’action irrecevable comme prescrite en retenant qu’il incombait à la SCI d’engager l’action en responsabilité contre le notaire (pour ne pas l’avoir suffisamment éclairée sur les conditions de la vente) dès que l’assignation en vente forcée que la société bénéficiaire lui avait fait délivrer l’avait informée de la volonté de cette société d’obtenir l’exécution du contrat aux conditions prévues.
Réponse de la Cour de cassation
La Cour de cassation vient rappeler que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer conformément à l’article 2224 du code civil.
Il s’en déduit que le délai de prescription de l’action en responsabilité civile court à compter du jour où celui qui se prétend victime a connu ou aurait dû connaître le dommage, le fait générateur de responsabilité et son auteur, ainsi que le lien de causalité entre le dommage et le fait générateur.
Ainsi, s’agissant de l’action en responsabilité tendant à l’indemnisation d’un préjudice né de la reconnaissance d’un droit contesté au profit d’un tiers, seule la décision juridictionnelle devenue irrévocable met l’intéressé en mesure d’exercer l’action en réparation du préjudice qui en résulte et constitue par conséquent le point de départ de la prescription.
En l’espèce, le dommage subi par la SCI devait être considérée comme ne s’étant manifestée qu’à compter de la décision devenue irrévocable du 4 juillet 2013 déclarant la vente parfaite, de sorte que le délai de prescription de l’action en responsabilité exercée contre le notaire avait commencé à courir à cette date.
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