Jurisprudences
L’enregistrement des actes ou décisions étrangers auprès des services de la publicité foncière français
Ordonnance n°2024-562 du 19 juin 2024
Procédure et pratiques professionnelles, Droit international privé de la famille, Patrimoine - Fiscalité
Enseignement de l'arrêt
L’ordonnance du 19 juin 2024 permet d’enregistrer auprès des services de la publicité foncière des actes ou décisions étrangers sans réitération devant un notaire français.
Les règles en vigueur avant l’ordonnance du 19 juin 2024
Les services de la publicité foncière assurent, comme leur nom l’indique (!) la mission de publicité foncière en tenant à jour le fichier immobilier, qui recense les éléments juridiques concernant l’ensemble des propriétés bâties et non bâties.
Ces services enregistrent les actes notariés, perçoivent les impôts relatifs à ces formalités, et répondent aux demandes d’information des usagers.
Pour assurer une homogénéité sur le territoire français et, surtout, l’exactitude des informations enregistrées par les services de la publicité foncière, le code civil précise les actes susceptibles d’être soumis aux formalités de publicité foncière.
Ainsi, selon l’article 710-1 du code civil applicable depuis l’entrée en vigueur de la loi du 28 mars 2011, pour être enregistré par les services de la publicité foncière, un acte doit :
- avoir été reçu en la forme authentique par un notaire exerçant en France,
- résulter d’une décision juridictionnelle,
- ou constituer un acte authentique émanant d’une autorité administrative.
« Tout acte ou droit doit, pour donner lieu aux formalités de publicité foncière, résulter d’un acte reçu en la forme authentique par un notaire exerçant en France, d’une décision juridictionnelle ou d’un acte authentique émanant d’une autorité administrative.
Le dépôt au rang des minutes d’un notaire d’un acte sous seing privé, contresigné ou non, même avec reconnaissance d’écriture et de signature, ne peut donner lieu aux formalités de publicité foncière. Toutefois, même lorsqu’ils ne sont pas dressés en la forme authentique, les procès-verbaux des délibérations des assemblées générales préalables ou consécutives à l’apport de biens ou droits immobiliers à une société ou par une société ainsi que les procès-verbaux d’abornement peuvent être publiés au bureau des hypothèques à la condition d’être annexés à un acte qui en constate le dépôt au rang des minutes d’un notaire.
Le premier alinéa n’est pas applicable aux formalités de publicité foncière des assignations en justice, des commandements valant saisie, des différents actes de procédure qui s’y rattachent et des jugements d’adjudication, des documents portant limitation administrative au droit de propriété ou portant servitude administrative, des procès-verbaux établis par le service du cadastre, des documents d’arpentage établis par un géomètre et des modifications provenant de décisions administratives ou d’événements naturels ».
La lettre du texte interdisait donc au notaire de publier auprès des services de la publicité foncière un acte reçu par un officier ministériel étranger, même si cet acte est déposé au rang des minutes dudit notaire exerçant en France.
D’anciennes règles inadaptées à l’internationalisation des relations
Concrètement, en application de l’article 710-1 du code civil, les actes reçus à l’étranger et susceptibles d’être publiés auprès des services de la publicité foncière devaient être à nouveau reçus par des notaires français.
A titre d’exemple, si un acte de donation portant sur un immeuble situé à Paris était reçu à Montréal car le donateur y résidait, il devait préalablement être à nouveau reçu par un notaire exerçant en France pour être enregistré auprès des services de la publicité foncière français.
Les coûts étaient donc multipliés, l’incertitude juridique prolongée.
Cette règle n’était plus adaptée à l’internationalisation des relations, à une époque dans laquelle les propriétaires déménagent à l’étranger après l’acquisition de leur bien et où il existe donc des raisons pour qu’ils demandent à des notaires de régulariser des actes concernant ces biens sur le lieu de leur nouvelle résidence.
L’apport de l’ordonnance du 19 juin 2024
L’Ordonnance n° 2024-562 du 19 juin 2024 modifiant et codifiant le droit de la publicité foncière a supprimé l’article 710-1 du code civil et a introduit un nouvel article 710-31 dans le même code.
Article 710-31 du code civil issu de l’ordonnance du 19 juin 2024 : « Les actes reçus par les officiers publics ou ministériels étrangers et les décisions judiciaires étrangères peuvent donner lieu à publication s’ils sont exécutoires en France ou s’ils ont été déposés au rang des minutes d’un notaire exerçant en France, qui contrôle alors les conditions de leur acceptation ou de leur reconnaissance. » |
Désormais, les actes reçus à l’étranger et les décisions judiciaires étrangères peuvent être publiés auprès des services de la publicité foncière français s’ils sont exécutoires en France (les conditions de l’exécution en France dépendant de la matière concernée et du pays ayant prononcé la décision) ou s’ils ont été déposés au rang des minutes d’un notaire français.
La question n’est donc plus de savoir si l’acte ou la décision concernant un immeuble situé en France a été réitéré par un officier ministériel français mais plutôt s’il répond aux conditions juridiques pour être exécutoire en France ou pour être déposé au rang des minutes d’un notaire français.
Les actes peuvent ainsi circuler de façon plus fluide, ce qui répond à l’internationalisation des relations.
L’inconvénient d’un tel changement est peut-être subi par les notaires, qui doivent contrôler les conditions d’acceptation ou de reconnaissance des actes étrangers. Cela étant dit, leur tâche n’était probablement pas moindre lorsqu’ils devaient recevoir à nouveau les actes.
Reste à connaître la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance du 19 juin 2024, qui doit être fixée par décret en Conseil d’Etat et au plus tard le 31 décembre 2028.