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Droit de la famille

Liquidation : calcul d’une récompense complexe

Cass. civ. 1ère, 23 mai 2024, n°22-18.911

Divorce – Séparation de corps, Liquidation et partage de régime matrimonial

Enseignement de l'arrêt

Si l’amélioration d’un bien propre est due à la fois (i) à des dépenses assumées par la communauté et (ii) à l’industrie personnelle d’un époux ou des tiers non rémunérés, la récompense doit être égale à la seule part de la plus-value apportée au bien par les travaux réalisés découlant du financement assumé par la communauté. La plus-value liée à l’industrie personnelle de l’époux ou du tiers doit être distinguée et écartée. 

La plus-value d’amélioration (soit la différence entre la valeur du bien à la liquidation avec travaux et la valeur à la liquidation sans les travaux) est multipliée par le quotient du montant des dépenses de la communauté par le coût total des travaux s’ils avaient été réalisés contre rémunération.

Les récompenses

La récompense est un mécanisme permettant de corriger l’enrichissement d’un des époux au profit ou au détriment de l’autre ou de la communauté. 

Elle est prévue à l’article 1433 du Code civil :

« La communauté doit récompense à l’époux propriétaire toutes les fois qu’elle a tiré profit de biens propres.

Il en est ainsi, notamment, quand elle a encaissé des deniers propres ou provenant de la vente d’un propre, sans qu’il en ait été fait emploi ou remploi.

Si une contestation est élevée, la preuve que la communauté a tiré profit de biens propres peut être administrée par tous les moyens, même par témoignages et présomptions ».

La récompense est due à deux titres :

  • l’enrichissement d’un des époux au détriment de la communauté : il s’agit de l’hypothèse dans laquelle l’un des époux a utilisé des fonds communs pour son profit personnel (par exemple le remboursement d’un prêt immobilier souscrit pour l’acquisition d’un bien propre ou le paiement de droits de succession par un époux grâce à ses revenus ou économies) : l’époux sera alors redevable d’une récompense à la communauté.
  • l’enrichissement de la communauté au détriment d’un époux : il s’agit de l’hypothèse inverse dans laquelle la communauté profite de fonds propres de l’un des époux (par exemple l’encaissement par la communauté des fonds provenant de la vente d’un bien appartenant en propre à l’un des époux ou de sommes reçues en héritage par l’un d’eux) : une récompense sera due par la communauté à l’époux. 

Les modalités de calcul de la récompense sont précisées au sein de l’article 1469 du Code civil. 

La récompense est, en général, égale à la plus faible des deux sommes que représentent la dépense faite et le profit subsistant.

Elle ne peut, toutefois, être moindre que la dépense faite quand celle-ci était nécessaire.

Elle ne peut être moindre que le profit subsistant, quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine emprunteur. Si le bien acquis, conservé ou amélioré a été aliéné avant la liquidation, le profit est évalué au jour de l’aliénation ; si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, le profit est évalué sur ce nouveau bien.

Faits de l’espèce

Le divorce de Madame M et Monsieur V est prononcé le 9 septembre 2015. 

Pendant le mariage, l’époux réalise lui-même la construction d’un immeuble sur un terrain lui appartenant en propre. Aucune main d’œuvre extérieure n’a été payée. S’agissant des matériaux utilisés, ils sont financés par un emprunt dont une partie est remboursée par des fonds communs.

Monsieur V sollicite une récompense dans le cadre de la liquidation de leur régime matrimonial

Des difficultés apparaissent quant au calcul de la récompense. 

La Cour d’appel de Nîmes considère dans ses motifs que le profit subsistant doit être calculé en appliquant à la plus-value d’amélioration la proportion de remboursement de l’emprunt assumée par la communauté (ne prenant ainsi en compte que le coût des matériaux). 

En parallèle, le dispositif de l’arrêt retient une autre méthode de calcul consistant à appliquer à la plus-value d’amélioration la proportion de financement commun dans l’ensemble du coût, main d’œuvre et matériaux compris.

Il y avait donc une contradiction entre les motifs et le dispositif, raison pour laquelle l’arrêt de la Cour d’appel devait obligatoirement être censuré. 

La Cour de cassation évoque l’affaire au fond et précise la méthode de calcul à retenir. 

Position de la Cour de cassation

Rappels de la Cour de cassation

Avant de préciser la méthode de calcul à utiliser, la Cour de cassation rappelle un certain nombre de principe :

  • la plus-value procurée par l’activité et l’industrie personnelle d’un époux ou de tiers non rémunérés ayant réalisé des travaux sur un bien appartenant en propre à cet époux ne donne pas lieu à récompense au profit de la communauté. Il s’agit d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation.

La récompense est, en général, égale à la plus faible des deux sommes que représentent la dépense faite et le profit subsistant.

Elle ne peut, toutefois, être moindre que la dépense faite quand celle-ci était nécessaire.

Elle ne peut être moindre que le profit subsistant, quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine emprunteur. Si le bien acquis, conservé ou amélioré a été aliéné avant la liquidation, le profit est évalué au jour de l’aliénation ; si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, le profit est évalué sur ce nouveau bien.

  • s’agissant d’une dépense d’amélioration et en vertu de l’article 1469 du Code civil, la récompense se détermine :
    • d’après le profit subsistant qui représente l’avantage réellement procuré au fonds emprunteur ;
    • et d’après la proportion dans laquelle les fonds empruntés à la communauté ont contribué à l’amélioration du bien propre 
  • « si l’amélioration d’un bien propre est due à la fois à des dépenses assumées au moins partiellement par la communauté et à l’industrie personnelle déployée par un époux ou des tiers non rémunérés, le montant de la récompense due est égal à la part de la plus-value apportée au bien par les travaux réalisés découlant du financement assumé par la communauté, à l’exclusion de la part de cette plus-value découlant de l’industrie déployée et, le cas échéant, de dépenses ne provenant pas de la communauté » 

Raisonnement

Pour déterminer la récompense de l’époux, la Cour de cassation détaille son raisonnement mathématique. Quatre données sont nécessaires :

  • A, la valeur du bien au jour de la liquidation ;
  • B, la valeur qu’aurait eue le bien au jour de la liquidation, sans les travaux réalisés ; 
  • C, le montant des dépenses assumées par la communauté. Elles correspondent ici au remboursement par la communauté des échéances d’emprunts souscrits pour financer l’achat des matériaux nécessaires, soit 29 123,19 euros ;
  • D, le coût total qu’auraient eu les travaux à l’époque de leur réalisation, matériaux et main d’œuvre compris, s’ils n’avaient pas été réalisés par l’époux ou des tiers non rémunérés.

La Cour précise que la récompense doit être égale à la part de la plus-value apportée au bien par les travaux réalisés découlant du financement assumé par la communauté, soit (A-B) x C/D.

En l’espèce, seule la valeur C est connue, la Cour de cassation demande donc à l’expert de déterminer A, B et D. 

* * *

En résumé, lorsqu’un époux a réalisé lui-même des travaux (ou par l’intermédiaire d’un tiers non rémunéré), il n’y a pas de récompense pour le travail personnel accompli. Une récompense liée à la plus-value du financement des matériaux doit cependant être déterminée -mais distinguée de la plus-value liée à la main d’œuvre. Cette ventilation n’est possible qu’en prenant en compte le coût total des travaux, donc le coût évité et le coût acquitté. Le coût évité pourra être déterminé soit grâce à des devis que les époux auraient conservés, soit par un expert.

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Publié le 19 Déc 2022