Jurisprudences
Règlement Bruxelles II Bis : maintien de la compétence dans l’hypothèse du déménagement vers un autre Etat membre
CJUE 27 avr. 2023, Aff. C-372/22
Droit international privé de la famille, Enfants - Autorité parentale (résidence, pensions, etc.)
Enseignement de l'arrêt
La Cour de justice de l’union européenne précise le point de départ de la période de 3 mois pendant lequel les juridictions de l’Etat membre de l’ancienne résidence de l’enfant demeurent compétentes pour modifier une décision concernant le droit de visite et d’hébergement. Ces trois mois courent à compter du déménagement effectif et de non de la décision judiciaire fixant la date de résidence de l’enfant.
Rappel du cadre légal
Le règlement européen Bruxelles II Bis est relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale.
L’article 8 du Règlement dispose que : « Les juridictions d’un Etat membre sont compétentes en matière de responsabilité parentale à l’égard d’un enfant qui réside habituellement dans cet Etat membre au moment où la juridiction est saisie ».
Cet article s’applique sous réserve des dispositions des articles 9, 10 et 12.
L’article 9 prévoit un maintien de la compétence de l’ancienne résidence habituelle de l’enfant pour modifier une décision rendue dans cet Etat membre concernant le droit de visite.
« 1. lorsqu’un enfant déménage légalement d’un Etat membre dans un autre et y acquiert une nouvelle résidence habituelle, les juridictions de l’Etat membre de l’ancienne résidence habituelle de l’enfant gardent leur compétence, par dérogation à l’article 8 durant une période de trois mois suivant le déménagement, pour modifier une décision concernant le droit de visite rendue dans cet Etat membre avant que l’enfant ait déménagé, lorsque le titulaire du droit de visite en vertu de la décision concernant le droit de visite continue à résider habituellement dans l’Etat membre de l’ancienne résidence habituelle de l’enfant.
2. Le paragraphe 1 ne s’applique pas si le titulaire du droit de visite visé au paragraphe 1 a accepté la compétence des juridictions de l’Etat membre de la nouvelle résidence habituelle de l’enfant en participant à une procédure devant ces juridictions sans en contester la compétence ».
Ces dispositions ont été refondues dans un nouveau règlement européen 2019/1111 du 25 juin 2019, dénommé Bruxelles II ter applicable en France aux actions judiciaires initiées depuis le 1er août 2022.
En matière de responsabilité parentale, ce Règlement reprend en ses articles 7 et 9 les mêmes règles de compétence générale et dérogatoire en cas de déménagement de l’enfant mineur au sein d’un Etat membre.
Arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 27 avril 2023
Situation familiale et procédure
Un couple, parents de deux enfants mineurs, déménage de Paris pour vivre au Luxembourg.
Le couple se sépare. Aux termes d’une décision rendue par le Juge aux affaires familiales de Luxembourg, la résidence habituelle des enfants est fixée au domicile de leur mère, en France avec un effet différé au 31 août 2020 pour qu’ils puissent terminer leur année scolaire.
La mère et les enfants mineurs déménagent en France le 30 août 2020 et le 14 octobre de la même année, le père introduit une demande de modification de son droit de visite et d’hébergement devant le tribunal d’arrondissement de Luxembourg.
6 jours auparavant, la mère avait déjà déposé une requête ayant un objet analogue devant le JAF du tribunal judiciaire de Nanterre.
Le 17 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre se déclare incompétent pour statuer sur la requête de la mère sur le fondement de l’article 9 du Règlement européen puisque que le père avait introduit sa demande dans le délai de 3 mois suivant le déménagement légal des enfants mineurs.
Question préjudicielle et réponse de la Cour de justice de l’union européenne
Le tribunal d’arrondissement de Luxembourg saisit la Cour européenne d’une question préjudicielle sur sa compétence en vertu de l’article 9 du Règlement Bruxelles II bis.
Elle observe notamment que si la demande du père a été introduite moins de 3 mois après le déménagement effectif des enfants mineurs, elle a été présentée plus de 4 mois après le prononcé du jugement le 12 juin 2020 par lequel le déménagement a été décidé.
Il s’agit donc de savoir si la période de 3 mois durant laquelle les juridictions de l’état membre de l’ancienne résidence habituelle de l’enfant demeurent compétentes pour modifier une décision relative au droit de visite doit débuter au jour du déménagement effectif de l’enfant, ou bien au jour de la décision définitive fixant le changement de résidence.
La cour de justice répond que la période de trois mois court à compter du déplacement physique de l’enfant d’un Etat membre vers un autre Etat membre en vue d’y établir sa résidence habituelle. Il n’y a donc pas lieu de faire débuter ce délai à compter d’un évènement antérieur, tel que la décision ayant fixé la date du changement de résidence. Cette solution a vocation à s’imposer également sous l’empire du règlement Bruxelles II ter n° 2019/1111 du 25 juin 2019, dont l’article 8 fait quant à lui état, à propos de la même règle, d’une période de « trois mois après le déménagement ».
Cet article vous intéresse ? Découvrez aussi les contenus suivants
Guide de la famille et du divorce des dirigeant.es d'entreprise
Conséquences du divorce liées aux enfants
jurisprudences et lois commentées
Date de la saisine de la juridiction en matière de la responsabilité parentale
Cass. civ. 1ère, 22 nov. 2023, n°21-25.874
jurisprudences et lois commentées