Jurisprudences
Sort d’une dette de prestation compensatoire devenue irrévocable après le fait générateur de l’ISF
Cass. com., 5 avr. 2023, n°21-11.827
Patrimoine - Fiscalité
Enseignement de l'arrêt
La prestation compensatoire est déductible de l’assiette taxable à l’ISF que l’année où le jugement la fixant est devenu irrévocable.
Rappel des modalités d’imposition à l’IFI
En vigueur jusqu’à janvier 2018, l’ISF (impôt de solidarité sur la fortune) a laissé place à l’IFI (impôt sur la fortune immobilière).
Alors que l’imposition à l’ISF portait sur l’ensemble du patrimoine du foyer fiscal, l’IFI propose une assiette fiscale réduite en ne taxant que les biens et droits immobiliers.
Personnes imposables
L’impôt sur la fortune immobilière (IFI) est calculé sur la fortune nette imposable du foyer fiscal constitué des époux, des partenaires pacsés ou des concubins notaires et des enfants mineurs dont ils ont l’administration légale.
Conformément à l’article 964 du Code général des impôts, les personnes physiques qui ont leur domicile fiscal en France sont soumises à l’IFI si la valeur nette de leurs actifs immobiliers situés en France ou hors de France est supérieure à 1,3 millions d’euros au 1er janvier de l’année d’imposition.
« Il est institué un impôt annuel sur les actifs immobiliers désigné sous le nom d’impôt sur la fortune immobilière.
Sont soumises à cet impôt, lorsque la valeur de leurs actifs mentionnés à l’article 965 est supérieure à 1 300 000 € :
1° Les personnes physiques ayant leur domicile fiscal en France, à raison de leurs actifs mentionnés au même article 965 situés en France ou hors de France.
Toutefois, les personnes physiques mentionnées au premier alinéa du présent 1° qui n’ont pas été fiscalement domiciliées en France au cours des cinq années civiles précédant celle au cours de laquelle elles ont leur domicile fiscal en France ne sont imposables qu’à raison des actifs mentionnés au 2°.
Cette disposition s’applique au titre de chaque année au cours de laquelle le redevable conserve son domicile fiscal en France, jusqu’au 31 décembre de la cinquième année qui suit celle au cours de laquelle le domicile fiscal a été établi en France ;
2° Les personnes physiques n’ayant pas leur domicile fiscal en France, à raison des biens et droits immobiliers mentionnés au 1° de l’article 965 situés en France et des parts ou actions de sociétés ou organismes mentionnés au 2° du même article 965, à hauteur de la fraction de leur valeur représentative de ces mêmes biens et droits immobiliers.
Sauf dans les cas prévus aux a et b du 4 de l’article 6, les couples mariés font l’objet d’une imposition commune.
Les partenaires liés par un pacte civil de solidarité défini à l’article 515-1 du code civil et les personnes vivant en concubinage notoire font l’objet d’une imposition commune.
Les conditions d’assujettissement sont appréciées au 1er janvier de chaque année ».
Assiette imposable et tarif
Sont compris dans l’assiette de l’impôt :
- L’ensemble des biens et droits immobiliers ;
- Les parts ou actions des sociétés ou organismes (pour la fraction de leur valeur représentative de biens ou droits immobiliers) sous réserve de certaines exceptions.
Seules sont déductibles les dettes existantes au 1er janvier de l’année d’imposition lorsqu’elles ont été contractées par l’une des personnes composant le foyer fiscal, correspondent à certaines dépenses afférentes à des actifs imposables et, le cas échéant, à proportion de la faction de leur valeur imposable.
Il peut ainsi s’agir des dettes afférentes :
- Aux dépenses d’acquisition de biens ou droits immobiliers ;
- Aux dépenses de réparation et d’entretien ;
- Aux dépenses d’amélioration de construction, de reconstruction ou d’agrandissement ;
- Aux dépenses d’acquisition des parts ou actions de société ou organismes imposables ;
- La taxe foncière, les droits de mutation à titre gratuit afférents à des actifs imposables à l’IFI et l’IFI lui-même.
L’IFI est calculé selon le barème progressif suivant :
- Entre 0 et 800 000 € : 0 %
- Entre 800 000 € et 1 300 000 € : 0,5 %
- Entre 1 300 000 € et 2 570 000 € : 0,7 %
- Entre 2 570 000 € et 5 000 000 € : 1 %
- Entre 5 000 000 € et 10 000 000 € : 1,25 %
- Au-delà de 10 000 000 € : 1,5 %
Exemple : Ainsi, pour un patrimoine net taxable de 3.000.0000 €, le montant de l’IFI s’élève à 15.690 €. |
Les termes de l’arrêt de la cour de cassation étudié ne peuvent donc pas s’appliquer puisque la prestation compensatoire n’est jamais l’accessoire d’un actif taxable à l’IFI. Pour autant, cette décision peut continuer de s’appliquer pour des procédures anciennes tant que les délais de reprises fiscaux sur l’ISF ne sont pas expirés. Elle permet également d’analyser en détail le processus de fixation et exigibilité de la prestation compensatoire.
Rappel de la date d’appréciation du passif par la Cour de Cassation : arrêt du 5 avril 2023
Rappel des faits
Des époux engagent une procédure de divorce en 2011 ; s’ils sont d’accord sur le principe d’une prestation compensatoire ils ne trouvent pas d’accord sur le montant.
Aux termes d’un jugement rendu le 4 février 2016, devenu irrévocable le 24 mars 2016, le montant de la prestation compensatoire est fixé à 7,5 millions d’euros.
L’époux, débiteur de la prestation compensatoire, demande à l’administration fiscale de lui restituer les sommes de 89 114 € et 86 494 € au titre de l’ISF pour les années 2014 et 2016. Il estime que la dette était certaine dans son principe avant le jugement du 4 février 2016 et donc déductible de son assiette d’imposition.
Apport de l’arrêt
La Cour de Cassation rappelle ici que pour être déductible au titre de l’ISF, une dette doit être certaine au jour du fait générateur de l’impôt, soit au 1er janvier de l’année d’imposition.
Une dette incertaine du fait d’une contestation peut toutefois être rétroactivement déduite lorsque son montant est ultérieurement arrêté par une décision mettant fin à la contestation.
La Cour de cassation rappelle que le droit à une prestation compensatoire nait à la date à laquelle la décision prononçant le divorce devient irrévocable.
Dès lors, une dette de prestation compensatoire dont le montant a été arrêté postérieurement au fait générateur de l’ISF ne peut être rétroactivement déduite de l’assiette de cet impôt qu’à condition que le divorce ait été prononcé par une décision devenue irrévocable avant cette date, peu importe qu’un accord des parties sur le principe du versement d’une prestation compensatoire ait existé au jour du fait générateur.
En conséquence, la Cour de cassation estime que la dette correspondant à la prestation compensatoire que l’époux a été condamné à payer n’était pas née au 1er janvier des années 2014 et 2015 et qu’elle n’était donc pas déductible de l’assiette de l’ISF.
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