Jurisprudences
Succession : conciliation du secret professionnel du notaire et des intérêts des parties
Cass. civ 1ère, 11 janv. 2023, n°20-23.679
Relations avec les différents intervenants
Enseignement de l'arrêt
Seule une autorisation judiciaire peut délier le notaire de son secret professionnel.
Le notaire, garant des secrets d’affaires et de familles des parties
Tout comme l’avocat, le notaire est un professionnel du droit incontournable, que le justiciable est fréquemment amené à rencontrer dans sa vie… et même après !
Il lui confie l’acquisition ou la vente de ses biens, les conseils patrimoniaux au même titre que les avocats spécialisés en droit du patrimoine, ou encore le règlement de la succession.
Ce caractère de confident implique nécessairement une certaine discrétion dans la gestion des affaires du justiciable. Le Notaire partage cette obligation de confidentialité avec l’avocat.
Fondement du secret professionnel liant le notariat
La loi du 25 Ventôse an XI contenant organisation du notariat dispose dans son article 23 que : Les notaires ne pourront également, sans l’ordonnance du président du tribunal de grande instance, délivrer expédition ni donner connaissance des actes à d’autres qu’aux personnes intéressées en nom direct, héritiers ou ayants droit, à peine de dommages-intérêts, d’une amende de 15 euros, et d’être en cas de récidive, suspendus de leurs fonctions pendant trois mois, sauf néanmoins l’exécution des lois et règlements sur le droit d’enregistrement et de ceux relatifs aux actes soumis à une publication.
C’est donc sur ce fondement que les notaires refusent de délivrer des copies des actes instrumentés par leurs soins où dont ils auraient connaissance, ou encore d’informations concernant leurs clients à d’autres que ces derniers sauf à justifier d’un mandat en bonne et due forme comme ce peut être le cas pour les avocats.
Conséquences du secret professionnel dont est tenu le notaire
Dès lors, du fait du secret professionnel liant les notaires, une personne non concernée par un testament ne peut pas en obtenir copie, même s’il est déposé à l’étude.
De la même manière, en matière successorale, le notaire doit refuser la communication d’un acte de partage d’une succession à une personne qui n’y est pas partie.
Le notaire peu regardant qui communiquerait des éléments soumis au secret professionnel pourra voir sa responsabilité engagée sur le plan civil avec des dommages et intérêts mais également sur le plan professionnel : suspension temporaire, radiation, etc.
L’article 226-13 du code pénal prévoit en complément que « La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ».
Les sanctions en cas de non-respect de la confidentialité sont importantes et dissuasives, ce qui explique pourquoi, au-delà de leur volonté première réelle de respecter leur déontologie, les notaires sont très réticents à s’affranchir de cette obligation.
Apport de l’arrêt du 11 janvier 2023 : les conditions de la divulgation
La première chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 11 janvier 2023 n°20-23.679 est venue préciser les conditions dans lesquelles le notaire peut être délié de son secret professionnel.
En l’espèce, une décision de justice est rendue dans le cadre d’une affaire, rendant la vente d’un bien immobilier caduque. L’acheteur qui a été condamné disparaît sans laisser de nouvelle adresse, et c’est au moment de l’exécution de la décision de condamnation que l’huissier diligenté va se heurter au secret professionnel du notaire qui refuse de communiquer la nouvelle adresse de son client qu’il connaît.
Les juges du fond statuant en premier et dernier ressort vont condamner le notaire à réparer le préjudice subi du fait de son silence.
Heureusement, par la suite, la Cour de cassation va rappeler que « Selon ce texte, les notaires ne peuvent, sans une ordonnance du président du tribunal de grande instance (devenu tribunal judiciaire), délivrer expédition ni donner connaissance des actes à d’autres qu’aux personnes intéressées en nom direct, héritiers ou ayants droit, à peine de dommages-intérêts et d’une amende.
Pour condamner le notaire à réparer le préjudice subi par le vendeur, le jugement retient, d’abord, que le secret professionnel qui s’impose au notaire ne saurait, sauf circonstances particulières, dispenser cet officier public de révéler à l’autorité judiciaire qui l’en requiert l’adresse d’un client lorsque ce renseignement est indispensable à l’exécution d’une décision de justice, ensuite, que le notaire n’oppose aucune cause légitime susceptible de justifier son refus de transmettre à un huissier de justice, en charge de l’exécution de justice, l’adresse de sa cliente, de sorte que le notaire a fait obstruction à l’exécution de cette décision de justice.
En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui incombait, si une ordonnance du président du tribunal de grande instance avait délié le notaire du secret professionnel, s’agissant d’une information contenue dans un acte qu’il aurait établi, le tribunal a privé sa décision de base légale ».
En d’autres termes, le notaire n’est délié de son obligation de confidentialité que par une décision de justice. Il ne s’agit pas d’une décision surprenante. Elle s’inscrit dans une dynamique globale de protection de l’obligation de confidentialité du notaire tout en cadrant les conditions de divulgation pour le justiciable. Il appartient à la partie concernée par le comportement du notaire d’anticiper la constitution de preuves avant tout procès et de saisir le Président du Tribunal de sa demande.
Il faut également rappeler que le notaire peut également être sollicité par des professionnels « mandataires » qui n’ont pas l’accord du client initial afin que les actes lui soient communiqués.
Dans ce cas, la chambre commerciale de la Cour de cassation a précisé que le titulaire d’un mandat légal de représentation ne peut pas se voir opposer la confidentialité par le notaire (Com 23 octobre 2019 n°18-15280). C’est ainsi que le professionnel qui dispose d’un mandat de représentation judiciaire (mandataire liquidateur ou tuteur en matière de protection des majeurs, etc.) peut obtenir au nom du représenté la copie des actes détenus par le notaire.
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