Jurisprudences
Succession et communauté universelle avec attribution au conjoint survivant
Articles 1526 et suivants du Code civil
Liquidation et partage de régime matrimonial, Liquidation et partage de successions
Enseignement de l'arrêt
Le règlement de la succession du premier époux décédé peut parfaitement s’opérer dès son décès.
Composition de la communauté universelle
Principes généraux
Prévue par les articles 1526 et suivants du Code civil, le régime de la communauté universelle se caractérise par la mise en commun de tous les biens des époux, qu’ils soient passés ou futurs, acquis avant ou après le mariage et quel que soit le mode d’acquisition (exception faite des biens mentionnés par l’article 1404 du Code civil étant des propres par nature).
Les époux peuvent établir par leur contrat de mariage une communauté universelle de leurs biens tant meubles qu’immeubles, présents et à venir. Toutefois, sauf stipulation contraire, les biens que l’article 1404 déclare propres par leur nature ne tombent point dans cette communauté.
La communauté universelle supporte définitivement toutes les dettes des époux, présentes et futures.
Forment des propres par leur nature, quand même ils auraient été acquis pendant le mariage, les vêtements et linges à l’usage personnel de l’un des époux, les actions en réparation d’un dommage corporel ou moral, les créances et pensions incessibles, et, plus généralement, tous les biens qui ont un caractère personnel et tous les droits exclusivement attachés à la personne.
Forment aussi des propres par leur nature, mais sauf récompense s’il y a lieu, les instruments de travail nécessaires à la profession de l’un des époux, à moins qu’ils ne soient l’accessoire d’un fonds de commerce ou d’une exploitation faisant partie de la communauté.
La communauté universelle étant un régime conventionnel, prévu par contrat entre les époux, ils disposent d’une certaine liberté et peuvent donc exclure ou inclure des biens de la composition de la masse commune à l’actif ou au passif (article 1497 du Code civil).
« Les époux peuvent, dans leur contrat de mariage, modifier la communauté légale par toute espèce de conventions non contraires aux articles 1387, 1388 et 1389.
Ils peuvent, notamment, convenir :
1° Que la communauté comprendra les meubles et les acquêts ;
2° Qu’il sera dérogé aux règles concernant l’administration ;
3° Que l’un des époux aura la faculté de prélever certains biens moyennant indemnité ;
4° Que l’un des époux aura un préciput ;
5° Que les époux auront des parts inégales ;
6° Qu’il y aura entre eux communauté universelle.
Les règles de la communauté légale restent applicables en tous les points qui n’ont pas fait l’objet de la convention des parties ».
En ce qui concerne le passif, les règles relatives à sa composition sont similaires à celles de l’actif. Toutes les dettes des époux intègrent la communauté universelle, y compris celles nées avant le mariage ou le changement de régime matrimonial.
Cas spécifiques
Il existe certaines exclusions aux principes généraux évoqués ci-dessus qui peuvent être :
- légales :
- par exemple, les époux peuvent décider que les biens « propres par nature » de l’article 1404 du code civil seront intégrés à la masse commune. Cette exception n’est pas d’ordre public et en pratique, les époux intègrent ces biens dans la communauté ;
- distinction entre le titre et la finance pour les parts sociales (selon le même régime que la communauté légale réduite aux acquêts),
- conventionnelles : par exemple, les biens reçus en donation avec une clause d’exclusion de communauté ou ceux que les époux auront mentionné dans leur contrat.
À l’occasion d’un arrêt du 5 décembre 2018 n°16-13323, la Cour de cassation a pu rappeler qu’une dette, même contractée par un seul époux prédécédé, doit être payée par le conjoint survivant s’il est bénéficiaire de la totalité de la communauté universelle grâce à la clause d’attribution intégrale de la communauté à son profit. Même chose en cas de prestation compensatoire due par l’époux décédé.
Effets de la clause d’attribution intégrale au conjoint survivant
Absence d’indivision
La clause d’attribution intégrale au dernier survivant, ayant pour effet de transférer l’intégralité des biens communs dans son patrimoine, ne crée pas d’indivision. La Cour de cassation considère donc que les titulaires de l’action en retranchement sont des créanciers du conjoint survivant et non pas de ses cohéritiers (Cass. Civ. 1ère, 19 décembre 2018, n°18-10244).
En conséquence, le régime de l’indivision n’est pas applicable. Les enfants issus d’un premier lit ne peuvent pas demander le partage ni obtenir une indemnité d’occupation des biens communs. Seule l’action en retranchement leur est ouverte (cf. ci-dessous).
Possibilité de solliciter le règlement de la succession du 1er époux décédé
Contrairement à une croyance commune, le règlement de la succession du premier époux décédé peut parfaitement s’opérer dès son décès. Cette idée selon laquelle la succession du 1er époux ne s’ouvre pas à son décès est fausse.
Si sa succession n’est composée d’aucun bien (par le jeu de la clause d’attribution intégrale au conjoint survivant), il ne faut pas oublier les donations à rapporter et les éventuelles réductions réduites.
Il est donc important de solliciter l’ouverture de la succession du premier époux décédé et ne pas laisser les différents délais de prescription arriver à expiration.
Communauté universelle et notion d’avantage matrimonial
Définition
L’avantage matrimonial peut être défini comme l’avantage qu’un époux tire du contrat de mariage actant de son régime matrimonial, par rapport au régime légal de la communauté réduite aux acquêts.
Ainsi le choix du régime matrimonial de la communauté universelle peut être considéré comme un avantage matrimonial (Cour de cassation, Civ. 1ère, 19 octobre 1983, n°82-12046).
Cette qualification d’avantages matrimoniaux n’est pas réservée au seul régime de la communauté universelle. Ainsi, un régime de séparation de biens avec une société d’acquêt ou encore le régime de la participation aux acquêts peuvent constituer des avantages matrimoniaux.
Ainsi, un contrat de mariage de participation aux acquêts avec une clause de plafonnement ou une clause de partage inégal peut constituer un avantage matrimonial selon la doctrine majoritaire.
Conséquences de la qualification d’avantage matrimonial dans le cadre du règlement de la succession du premier époux : non application du régime des libéralités
Non-application du régime juridique des libéralités
L’avantage matrimonial échappe au régime juridique des libéralités, ce qui emporte plusieurs conséquences :
- l’avantage matrimonial n’est ni rapportable ni réductible. Néanmoins et pour protéger la réserve des héritiers, la loi offre à ces derniers – dans des cas précis – une action dite en retranchement (cf. ci-dessous) ;
- le mécanisme de l’indignité successorale ne s’applique pas (Cass. Civ. 1ère, 7 avril 1998, n°96-14508). Cela signifie qu’un époux qui a sera reconnu coupable d’assassinat sur son conjoint pourra tout de même bénéficier de l’avantage matrimonial issu de leur contrat de mariage ;
- comme indiqué ci-dessus, l’avantage matrimonial n’est pas réductible.
La loi – toujours dans une volonté de préserver la réserve héréditaire – a prévu l’action en retranchement.
Focus sur l’action en retranchement
Titulaire de l’action
Prévue par l’article 1527 du Code civil, cette action est ouverte dans les cas « où il y aurait des enfants qui ne seraient pas issus des deux époux ».
« Les avantages que l’un ou l’autre des époux peut retirer des clauses d’une communauté conventionnelle, ainsi que ceux qui peuvent résulter de la confusion du mobilier ou des dettes, ne sont point regardés comme des donations.
Néanmoins, au cas où il y aurait des enfants qui ne seraient pas issus des deux époux, toute convention qui aurait pour conséquence de donner à l’un des époux au-delà de la portion réglée par l’article 1094-1, au titre » Des donations entre vifs et des testaments « , sera sans effet pour tout l’excédent ; mais les simples bénéfices résultant des travaux communs et des économies faites sur les revenus respectifs quoique inégaux, des deux époux, ne sont pas considérés comme un avantage fait au préjudice des enfants d’un autre lit.
Toutefois, ces derniers peuvent, dans les formes prévues aux articles 929 à 930-1, renoncer à demander la réduction de l’avantage matrimonial excessif avant le décès de l’époux survivant. Dans ce cas, ils bénéficient de plein droit de l’hypothèque légale prévue au 4° de l’article 2402 et peuvent demander, nonobstant toute stipulation contraire, qu’il soit dressé inventaire des meubles ainsi qu’état des immeubles. »
Précision : l’enfant adopté par le conjoint survivant n’est pas fondé à se prévaloir de l’action en retranchement ouverte au seul bénéfice des enfants non issus des deux époux et qui seraient privés de toute vocation dans la succession du conjoint survivant.
Objet
Dans cette hypothèse l’article 1527 du Code civil dispose que « toute convention qui aurait pour conséquence de donner à l’un des époux au-delà de la portion réglée par l’article 1094-1, au titre » Des donations entre vifs et des testaments « , sera sans effet pour tout l’excédent ; mais les simples bénéfices résultant des travaux communs et des économies faites sur les revenus respectifs quoique inégaux, des deux époux, ne sont pas considérés comme un avantage fait au préjudice des enfants d’un autre lit.
Toutefois, ces derniers peuvent, dans les formes prévues aux articles 929 à 930-1, renoncer à demander la réduction de l’avantage matrimonial excessif avant le décès de l’époux survivant. Dans ce cas, ils bénéficient de plein droit de l’hypothèque légale prévue au 4° de l’article 2402 et peuvent demander, nonobstant toute stipulation contraire, qu’il soit dressé inventaire des meubles ainsi qu’état des immeubles ».
Délai
En référence à l’article 924 du Code civil, l’action se prescrit par 5 ans à compter du décès ou 2 ans à compter du jour de la connaissance de l’atteinte portée à la réserve, sans jamais pouvoir excéder un délai de 10 ans à compter du décès.
« Lorsque la libéralité excède la quotité disponible, le gratifié, successible ou non successible, doit indemniser les héritiers réservataires à concurrence de la portion excessive de la libéralité, quel que soit cet excédent.
Le paiement de l’indemnité par l’héritier réservataire se fait en moins prenant et en priorité par voie d’imputation sur ses droits dans la réserve. »
Mode de réduction
Le principe est la réduction en valeur. Elle peut aussi s’effectuer en nature dans les cas prévus par l’article 924-1 du Code civil.
« Le gratifié peut exécuter la réduction en nature, par dérogation à l’article 924, lorsque le bien donné ou légué lui appartient encore et qu’il est libre de toute charge dont il n’aurait pas déjà été grevé à la date de la libéralité, ainsi que de toute occupation dont il n’aurait pas déjà fait l’objet à cette même date.
Cette faculté s’éteint s’il n’exprime pas son choix pour cette modalité de réduction dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle un héritier réservataire l’a mis en demeure de prendre parti. »
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