Jurisprudences
Succession : traitement du legs d’usufruit dépassant la quotité disponible
Article 917 du Code civil
Liquidation et partage de successions, Anticipations de successions
Enseignement de l'arrêt
Lorsqu’une libéralité en usufruit dépasse la quotité disponible, les solutions offertes aux héritiers réservataires sont, sous certaines conditions, la réduction en nature ou l’exécution pure et simple du legs.
L’article 917 du Code civil dispose : « Si la disposition par acte entre vifs ou par testament est d’un usufruit ou d’une rente viagère dont la valeur excède la quotité disponible, les héritiers au profit desquels la loi fait une réserve, auront l’option, ou d’exécuter cette disposition, ou de faire l’abandon de la propriété de la quotité disponible. »
Aussi, en présence d’un legs d’usufruit dépassant la quotité disponible, l’article 917 offre aux héritiers réservataire deux possibilités dérogatoires du droit commun, excluant le principe de l’indemnité de réduction en valeur.
Plusieurs conditions strictes doivent être réunies pour permettre l’application de cet article dérogatoire du droit commun.
Les conditions d’application de l’article 917 du Code civil
Pour permettre l’application de l’article 917 du code civil, plusieurs conditions doivent être réunies :
- L’assiette du legs en usufruit doit excéder l’assiette de la quotité disponible (1).
- Aucune autre libéralité ne doit avoir été consentie par le défunt (2). La libéralité en usufruit doit donc être l’unique.
- La libéralité est consentie exclusivement en usufruit (3). Il ne peut s’agir d’une libéralité mixte en usufruit et en pleine propriété, d’une libéralité en nue-propriété ou d’un legs de droit d’usage et d’habitation ou de droit réel de jouissance spéciale.
- L’application de l’article 917 ne doit pas avoir été exclue par le défunt (4).
Application de l’article 917 du Code civil et conséquence sur le choix ouvert aux héritiers réservataires
Options ouvertes
Si les conditions de l’article 917 du code civil sont réunies, les héritiers réservataires ont le choix entre :
- Laisser s’exécuter le legs, de sorte que leur réserve sera partiellement grevée de l’usufruit du légataire ;
- Exiger le respect de leur réserve et faire procéder à une réduction en nature de la libéralité en usufruit.
Dans ce dernier cas, l’héritier réservataire abandonne au gratifié la pleine propriété de la quotité disponible. Cela crée une indivision entre le légataire et les héritiers réservataires, situation potentiellement conflictuelle comme chacun peut l’imaginer. Cette solution peut paraître anachronique à l’heure de la généralisation de la réduction en valeur. Par ailleurs, elle fait échec à la volonté du défunt.
Les héritiers réservataires n’ont pas d’autre choix. Autrement dit, l’action en réduction est exclue lorsque l’article 917 du code civil peut être mis en œuvre.
En pratique, les conditions de mise en œuvre de l’article 917 du Code civil sont particulièrement strictes, ce qui rend son application rare et comme il s’agit d’un texte dérogatoire, ses conditions d’application sont strictement appréciées.
Délais et application pratique
Délai d’option
La loi ne prévoit aucun délai d’option pour l’héritier réservataire, de sorte que, pour combler cet oubli, il est admis en jurisprudence que l’héritier réservataire puisse se voir fixer un délai pour opter par les juges du fond.
Le législateur pourrait pallier ce silence en instaurant un délai d’option à l’article 917 du Code civil aligné sur celui relatif à l’exercice de l’action en réduction (article 921 du Code civil).
« La réduction des dispositions entre vifs ne pourra être demandée que par ceux au profit desquels la loi fait la réserve, par leurs héritiers ou ayants cause : les donataires, les légataires, ni les créanciers du défunt ne pourront demander cette réduction, ni en profiter.
Le délai de prescription de l’action en réduction est fixé à cinq ans à compter de l’ouverture de la succession, ou à deux ans à compter du jour où les héritiers ont eu connaissance de l’atteinte portée à leur réserve, sans jamais pouvoir excéder dix ans à compter du décès ».
Formalisme
L’option de l’article 917 du code civil n’obéit à aucun formalisme. Aussi peut-elle résulter du comportement passif de l’héritier réservataire qui laisserait la libéralité en usufruit s’exécuter. IL faut cependant toujours être précautionneux avec les questions d’acceptation tacite qui ne garantissent pas une sécurité juridique pour aucune des parties en soumettant la situation à l’appréciation souveraine des juges du fond. Les avocats spécialisés en droit des successions au cabinet vous diront que l’acceptation tacite ne doit jamais être envisagée comme une solution de rattrapage en cas de contestation, jamais comme la possibilité d’être moins diligent au moment du décès.
Conclusions
En présence d’un legs en usufruit qui ne peut pas être entièrement imputé sur la quotité disponible, deux situations doivent donc être clairement distinguées :
- Soit l’article 917 du Code civil est applicable, les héritiers réservataires ont alors à choisir entre les deux branches de l’option qu’ouvre ce texte.
- Soit les conditions de l’article 917 n’étant pas réunies ou ce texte ayant été écarté par le disposant, et c’est alors le droit commun qui s’applique. La réduction s’opère donc en en valeur
Cet article vous intéresse ? Découvrez aussi les contenus suivants
jurisprudences et lois commentées