Jurisprudences
Successions et divorce : effet déclaratif du partage
Cass. 3e civ., 25 mai 2023, n°22-12.870
Liquidation et partage de régime matrimonial, Liquidation et partage d’indivisions mobilières et immobilières, Liquidation et partage de successions
Enseignement de l'arrêt
- L’effet déclaratif du partage ne fixe que la date à laquelle chaque copartageant acquiert rétroactivement la propriété de son lot.
- L’effet déclaratif ne permet donc pas d’allouer, à titre de réparation, à l’acquéreur indivis attributaire du bien le remboursement de l’intégralité des frais d’acte de vente.
Rappel du contexte légal
L’effet déclaratif du partage
Il résulte de l’article 883 du code civil que chaque copartageant est censé avoir été, depuis la naissance de l’indivision, seul propriétaire des biens à lui attribués.
Le partage n’a cependant pas pour effet de transférer un droit de propriété, mais seulement de fixer l’assiette des droits préexistants de chacun, sans toutefois supprimer pour le passé la période d’indivision écoulée.
En conséquence, l’attributaire est réputé avoir toujours été propriétaire et perd corrélativement tout droit sur les biens objets du partage qui ne lui sont pas attribués.
« Chaque cohéritier est censé avoir succédé seul et immédiatement à tous les effets compris dans son lot, ou à lui échus sur licitation, et n’avoir jamais eu la propriété des autres effets de la succession.
Il en est de même des biens qui lui sont advenus par tout autre acte ayant pour effet de faire cesser l’indivision. Il n’est pas distingué selon que l’acte fait cesser l’indivision en tout ou partie, à l’égard de certains biens ou de certains héritiers seulement.
Toutefois, les actes valablement accomplis soit en vertu d’un mandat des coïndivisaires, soit en vertu d’une autorisation judiciaire, conservent leurs effets quelle que soit, lors du partage, l’attribution des biens qui en ont fait l’objet ».
La survivance de l’indivision
Bien que l’attributaire devienne propriétaire au jour de la naissance de l’indivision, l’effet déclaratif du partage n’est pas total et les droits et obligations des indivisaires subsistent.
Ainsi, les actes passés par les indivisaires non-attributaires restent valables. De même, les charges nées pendant l’indivision pèsent à titre définitif sur les indivisaires.
Apport de l’arrêt
Faits et procédure
Achat et partage
Des époux acquièrent le 31 janvier un terrain à bâtir, comme précisé par le certificat d’urbanisme obtenu le 9 janvier.
Entre temps, le 27 janvier, le plan local d’urbanisme (PLU) est modifié et le terrain devient non constructible. Ce PLU entre en vigueur le 9 février, soit après la vente.
Le couple divorce et dans le cadre des opérations de comptes, liquidation et partage de leur régime matrimonial, le bien est attribué à l’ex-épouse.
La propriétaire attributaire, désormais divorcée, agit en responsabilité contre la venderesse et le notaire.
Action en responsabilité contre la venderesse
La nouvelle propriétaire agit en paiement de dommages-intérêts pour manquement à son obligation de « délivrance conforme » et inapplicabilité de la clause limitative de responsabilité prévue au contrat.
La Cour de cassation approuve le raisonnement de la cour d’appel ; le transfert de propriété s’étant opéré lors de la signature de l’acte de vente, il convient de se situer à la date du 31 janvier pour apprécier si la venderesse a satisfait à son obligation de délivrance. Le PLU modifié, adopté par délibération du conseil municipal du 27 janvier 2012, a été publié le 9 février, de sorte que c’est à cette date qu’il est entré en vigueur et devenu opposable, le bien vendu était donc bien un terrain à bâtir au jour de sa délivrance.
L’action en responsabilité contre la venderesse est rejetée.
Action en responsabilité contre le notaire
Contre le notaire, celle qui s’est vu attribuer le bien immobilier dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial invoque le manquement à son devoir de conseil, et l’assigne en paiement d’une somme de 7 477,35 euros en remboursement des frais d’acte d’acquisition à titre de dommages-intérêts.
La cour d’appel alloue à l’ex-épouse une somme de 4 250 euros à ce titre accueillant partiellement sa demande.
Elle forme un pourvoi en cassation pour violation de l’article 883 du code civil, visant le principe de l’effet déclaratif du partage, au motif que si le terrain litigieux a été acquis avec son mari en indivision à hauteur de 50% chacun, elle en est devenue seule propriétaire par acte du 10 octobre 2013.
La Cour de cassation énonce alors en réponse que l’effet déclaratif du partage ne fixant que la date à laquelle chaque copartageant acquiert rétroactivement la propriété de son lot, le moyen est inopérant, les frais de notaire réclamés par l’ex-épouse constituant une créance autonome extérieure à son lot.
Portée
La notion d’effet déclaratif n’est qu’une fiction dont le seul effet est de fixer rétroactivement la date d’acquisition du bien par l’attributaire, excluant par conséquent l’attribution des créances extérieures au lot.
L’ex-épouse ne pouvait dès lors prétendre qu’à une fraction de l’indemnisation, non à sa totalité.
Cet article vous intéresse ? Découvrez aussi les contenus suivants
jurisprudences et lois commentées